Yann Gaudin a été conseiller à Pôle Emploi de 2006 à 2020, date à laquelle il a payé ses prises de positions en faveur des chômeur·euses. Il continue de suivre les questions de chômage et de mal traitement des victimes par des insitutions de moins en moins sociales et de plus en plus régies par la technocratie libérale.

Vous avez sans doute entendu parler de la baisse du chômage et subi des discours triomphalistes du gouvernement sur le chiffre historique du chômage. La réalité est moins triomphale et merci à Yann Gaudin pour cette synthèse sur les chiffres du chômage : « Chômage en France : le conte n’est pas bon »

Il a raison de dire qu’il n’y a pas trucage des chiffres : c’est dans la définition même du chômage que tout se joue.

Macron et ses experts ont posé comme a-priori que le chômage était l’absence totale d’emploi, ce qui leur permet de dire que leur politique porte ses fruits. Mais le jeune et dynamique président de la « startup nation » défend là ce qui est une conception très archaïque du chômage puisqu’elle ne prend pas en compte l’évolution du salariat et le développement de contrats de travail et de formes d’emploi bien différents du CDI classique. C’est cela qui permet à Macron et à ses amis de parler de baisse du chômage, baisse qui tombe à pic pour montrer un visage social et valider ses diminutions de droits pour les chômeur·euses.

Dans une brochure de la commission « Chômage, précarité, pauvreté » d’ENSEMBLE! – Abolir le chômage, la précarité, la pauvreté, pages 11 et suivantes – nous avions mis l’accent sur cet enjeu de définition qui traduit une vision de classe, un choix politique de la macronie.

Un des enjeux est, aujourd’hui, de mettre en évidence la réalité du chômage avec sa composante massive du chômage à temps partiel, et des autres formes d’emploi atypiques (c.-à-d. hors CDI à temps plein). L’occultation volontaire de ces nouvelles catégories de précaires participe à la division des travailleurs : en les rendant invisibles, les chômeurs sont sans travail et sont perçus par nombre de salarié·es comme un monde à part qui vit « à leurs crochets ».

La lutte contre la réforme des retraites met (ou remet) à l’ordre du jour la précarité de l’emploi au travers des « carrières hachées » qui sont les grandes perdantes de la réforme. Grandes perdantes est bien le mot puisque que les femmes sont la majorité dans les sous-emplois. Pour des retraites décentes, il faut une garantie d’emploi qui offre une carrière complète Quels que soient les aléas (périodes de non-emploi, de maladie, de formation, etc.).

Je veux ajouter, aux corrections chiffrées de Y. Gaudin, un élément difficilement quantifiable faute d’études précises – études que je demande depuis longtemps au comité de liaison de Pôle Emploi – (j’ai même fourni aux membres du comité l’adresse de l’ODENORE qui travaille sur le non-recours). Ce chiffre oublié est celui des non recours. 1 30 % des contrats courts n’ont pas recours à Pôle Emploi entre 2 contrats sur la base de promesses à un réemploi rapide. Il est à craindre que la nouvelle obligation de fournir aux patrons des listes nominatives des inscrit·es à Pôle Emploi licencié·es de leur entreprise vienne renforcer ce phénomène puisque ce taux d’inscription sera la base des majorations de cotisations et d’un chantage accru à la non-inscription à Pôle Emploi.

Mais à l’autre bout du chômage, les « absences au contrôle » représentent plus de 40 % des sorties de Pôle Emploi. Parmi celles-ci, combien sont des reprises d’emploi non déclarées ? Combien sont des personnes découragées qui baissent les bras ? Pourquoi Pôle Emploi refuse-t-il de répondre quand nous demandons qu’un travail soit fait sur le découragement et les différentes formes de non recours. Ce serait utile pour le combattre vraiment, au moment où ce gouvernement prétend faire de l’accès aux droits un axe de sa politique ?

 

Le 9 mars 2023
Étienne ADAM