Le mois de décembre est propice aux nouveaux achats et les opérateurs de télécommunications y jouent une partie de leur chiffre d’affaire de l’année. Or, 2013 a vu globalement baisser les confortables marges traditionnelles du secteur des télécommunications. La crise s’est invitée dans l’eldorado des télécommunications, même si ce secteur reste largement bénéficiaire et verse toujours de juteux dividendes à ses actionnaires.
La course aux profits
L’enjeu du moment, c’est la fameuse 4G, c’est-à-dire la quatrième génération des mobiles. Son déploiement, enjeu mondial, a nécessité d’importants investissements, notamment l’installation en grand nombre de nouvelles antennes relais. Technologie du mobile, elle permet le téléchargement de données (data) à un très haut débit : vidéos, images, films, musique arrivent sur votre smartphone en des temps records. La convergence entre le fixe (votre « box » ) et le mobile (les relais 4G) devient par la même occasion une règle d’or : il s’agit d’avoir un même terminal intelligent, aussi performant en liaison 4G à l’extérieur du domicile qu’en liaison WIFI à proximité d’un réseau fixe, au domicile par exemple. Pour l’ensemble des fonctionnalités internet, télévision, téléphone, vous passerez donc d’un mode à l’autre sans inconvénient. Cette évolution des usages et des technologies affaiblit les opérateurs peu développés dans le fixe comme Bouygues Telecom en France et fait baisser la valeur des filiales exclusivement mobiles de l’ensemble des multinationales dans le monde, alors qu’elles étaient traditionnellement les plus rentables.
En France, les opérateurs mobiles « historiques », Orange et SFR en premier lieu, ont communiqué en présentant l’arrivée de la 4G comme la planche de salut : l’intérêt rapide des utilisateurs de mobiles pour ces nouvelles possibilités, conduirait à une augmentation extrêmement rapide de l’acquisition de nouveaux terminaux adaptés et à la souscription des forfaits adéquats. Quant à Bouygues le troisième opérateur mobile, il a pu bénéficier de l’autorisation d’utiliser une bande de fréquence pour laquelle il avait déjà un réseau complet. Ce qui devait compenser sa faiblesse dans le fixe.
Mais la véritable guerre déclarée par Free a entrainé des ripostes en cascade. Free a en effet lancé début décembre des offres low-cost et voilà tous les concurrents contraints de tirer les prix vers le bas, du moins certaines offres, et à certaines conditions. Bouygues a riposté et lui a emboité le pas en intégrant la 4G, à certaines conditions, dans des forfaits déjà existant sur le fixe. Autrement dit, la 4G au prix de la 3G….
L’emploi menacé
Ce qui n’a pas manqué de provoquer l’ire de Mondebourg, criant au loup et au danger de suppressions d’emploi, conséquence d’une pression des prix à la baisse qui conduira l’ensemble du secteur à se servir de l’habituelle variable d’ajustement : l’emploi. Cela ne peut étonner que ceux qui, chantant la gloire du libéralisme, ont prétendu que la concurrence développerait l’emploi en diversifiant les offres. Non seulement l’emploi n’a fait que baisser dans le secteur depuis presque deux décennies d’ouverture à la concurrence (1998), mais en plus, il se dégrade : intensification du travail, délocalisations, pression à la baisse des salaires et des garanties etc.
La qualité et l’environnement aussi…
Les usagers risquent fort également de faire les frais d’une communication souvent opaque sur le contenu réel des offres, qui risque d’augmenter encore pour afficher des forfaits alléchants à bas prix qui ne correspondront pas aux espérances : garantie de débit en particulier ou services réellement compris dans le forfait, voire faiblesse du service après-vente, souvent sacrifié dans les coûts par les pratiques de délocalisations des emplois des hot-line.
Quant aux questions posées par l’impact de la démultiplication des antennes-relais de la 4G sur la santé et l’environnement, elles restent sans réponse. Les enjeux financiers sont tels qu’on peut craindre une réelle volonté d’éviter tout débat public sérieux sur le sujet. Il y a pourtant urgence : nous avons de plus en plus d’antennes, de plus en plus puissantes, émettant en permanence pour assurer une continuité de services, alors que s’élèvent de plus en plus de voix mettant en garde contre la soi-disant innocuité des ondes électromagnétiques sur la santé….
Concurrence et intérêts privés qui se conjuguent d’abord et avant tout dans l’obsession des marges bénéficiaires et des dividendes versés aux actionnaire, tels sont les caractéristiques mondiales du domaine des télécommunications qui risque de voir dans les mois qui viennent, la faillite de nombreux opérateurs, d’importantes restructurations, par fusion et acquisitions, des licenciements massifs et une précarisation généralisée des emplois. Se réapproprier collectivement ce secteur dans une conception démocratique de coopération et de développement des nouvelles technologies au service de tous et de toutes, devient une urgence.
Hélène Adam