Faire des pronostics en politique se retourne généralement contre leurs auteurs. Mais les forces de gauche devraient discuter de l’hypothèse d’une dissolution comme une possibilité concrète. Cela suppose donc de surmonter les divisions et les volontés de tracer des frontières infranchissables entre deux gauches, en particulier entre socialistes et insoumis.

À propos de législatives à venir

Par François Calaret. Le 2 mai 2025.

Ces législatives qui peuvent venir

Faire des pronostics en politique a peu d’intérêt et se retourne généralement contre ceux qui essaient de jouer aux oracles. Mais la façon dont on appréhende l’avenir et les différentes possibilités qui peuvent exister est révélateur de la compréhension de la situation politique et des points aveugles qui dominent implicitement les perceptions.

De ce point de vue, il est frappant de constater l’absence de discussion publique sur la possibilité d’une nouvelle dissolution de l’Assemblée Nationale (légalement possible à partir de juillet 2025, un an après les précédentes).

L’aspiration à la stabilité…

Aucune des forces politiques ne semble y avoir un intérêt. La plupart sont focalisées, soit sur leur maintien au gouvernement, soit sur la préparation de l’échéance présidentielle de 2027, avec toutes les étapes préalables (légitimes par ailleurs) qui comportent les congrès des diverses formations politiques, annonces de candidatures… Les élections municipales de 2026 constituent également une échéance qui occupe les esprits.

Il existe par ailleurs une forte aspiration à la stabilité politique dans une partie de la population. C’est vrai notamment pour les milieux économiques dirigeants qui détestent, plus que tout, les incertitudes que peuvent entraîner une expression démocratique mal « encadrée ». Mais cela s’exprime aussi dans une partie des milieux populaires qui peuvent craindre de subir les contrecoups économiques du chaos politique, notamment dans un contexte de multiplication des menaces sur l’emploi, du risque de licenciements, sans compter une situation internationale pour le moins angoissante…

La conséquence de cette situation est le refus par les principales forces politiques d’envisager le vote d’une censure réelle du gouvernement Bayrou, qui amènerait sa chute et ouvrirait une nouvelle période d’instabilité.

… n’évacue pas le risque de crise

Mais le refus d’envisager de voter la censure a aussi un coût politique, en particulier face à un gouvernement Bayrou de plus en plus affaibli et impopulaire, qui doit mettre en œuvre dans les prochains mois une politique d’austérité pour redresser les finances publiques, préserver la politique de l’offre engagé par Emmanuel Macron, tout en évitant que le Rassemblement National et le Parti Socialiste ne le censurent. Sans compter les conséquences et rebondissements de l’affaire Betharam qui touchent directement le Premier Ministre ou encore l’issue de la pseudo « consultation » sur l’actualisation de la réforme des retraites qui est censée déboucher sur un vote à l’Assemblée.

Bref, il n’est pas sûr que les forces politiques qui souhaiteraient respecter le calendrier institutionnel, conforme à la Vᵉ République jusqu’à l’élection présidentielle de 2027, ne se trouvent pas bousculées une nouvelle fois. La situation du Rassemblement National, sous le coup de la condamnation de Marine Le Pen qui pourrait l’empêcher de se présenter en 2027, pourrait amener cette formation fortement déstabilisée à changer de stratégie : pourquoi ne pas faire le saut d’une expérience gouvernementale limitée et sous contrainte pour renforcer la respectabilité et la crédibilité du parti ?

Bien sûr, la dissolution de l’Assemblée Nationale relève en définitive d’une décision du président de la République et Emmanuel Macron ne cesse de répéter qu’il s’y refuserait en toute circonstance. Mais là encore, une trop forte instabilité gouvernementale pourrait le contraindre à changer de point de vue.

En débattre et se préparer

De nombreuses incertitudes existent. Comme l’écrivait un romancier sur la vie politique : rien ne se passe comme prévu. Surtout, il est peu probable que la vie politique française soit un long fleuve tranquille jusqu’à l’échéance présidentielle.

L’enjeu pour les forces de gauche serait donc, pour commencer, de discuter de cette hypothèse comme une possibilité concrète. Si elles ne s’enferrent pas dans le scénario improbable d’une destitution d’Emmanuel Macron comme la France Insoumise l’avait défendu pendant quelque temps, elle dispose paradoxalement d’acquis importants pour mener une telle bataille. L’expérience de la campagne de juillet 2024, l’engagement du mouvement social, la structuration des collectifs locaux du Nouveau Front populaire, le programme du NFP constituent des points d’appuis essentiels. Même les discussions sur un ou une possible Première Ministre ne partent pas de rien !

Cela suppose par contre de surmonter une nouvelle fois les divisions et les volontés de tracer des frontières infranchissables entre deux gauches et en particulier entre socialistes et insoumis. De nouvelles élections législatives ne seraient cette fois pas un coup de tonnerre qui surprendrait toute la société, mais un exercice démocratique nécessaire face à une situation intenable. Elles ne seraient pas appréhendées de la même manière par les électrices et électeurs qui seraient confronté·es cette fois à la nécessité de mettre à fin à l’instabilité politique récurrente et donc de trancher plus nettement les enjeux d’orientation. Sans garantie de la netteté du résultat… Cela reviendrait presque à une inversion du calendrier entre Législatives et Présidentielles ! Ce qui illustre une fois de plus l’épuisement du système monarchique de la Vᵉ République et la profondeur de la crise politique française…