En août 2023, le nouveau ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, demande que le port de l’abaya soit interdit dans tous les établissements scolaires publics1Note de service du 31-8-2023 et annonce le 27 août 2023 : « […] j’ai décidé qu’on ne pourrait plus porter l’abaya à l’école. »

Abayas, ce que le gouvernement a voulu faire…

Par Pierre Cours-Salies – Le 13 septembre 2023

Petits calculs et effets misérables : le nouveau ministre Attal a essayé de réussir deux objectifs.

L’un était de créer une psychose sur la « montée salafiste ». Chacun est à même de mesurer à quel point la façon dont des jeunes filles de 13 à 18 ans cherchent comment elles présentent leur corps est un danger crucial !

Ils ont même mobilisé, à cet effet, un « spécialiste », qui s’est répandu sur les écrans de télévision et dans Le Figaro : Gilles Kepel. Professionnel, sans doute, de la « stratégie géopolitique », il a déclaré dans une vidéo (Le Figaro du 8 sept.) :

Le salafisme, c’est-à-dire l’allégeance à la charia la plus stricte […] C’est-à-dire le désaveu, la rupture avec les lois de la société française, considérées comme nulles et non advenues. Parfois, il faut composer pour éviter la répression, ce qui s’est fait quand les parents ou les élèves ont reculé en attendant de pouvoir le refaire. La tendance islamiste en France est dans sa phase dure, c’est-à-dire que les salafistes ou les djihadistes sont en état de faiblesse après que Daesh a été vaincu… (…) L’abaya n’a rien de musulman, cela appartient au registre salafiste ou wahhabite qui a été étendu dans le monde, notamment occidental, parmi les populations visées par les salafistes pour étendre leur emprise.

N’oublions pas : il écrit des ouvrages et, pour ne pas sembler ridicule, il est bien obligé de reconnaitre les « faits actuels ». Il résume donc : « Phase de faiblesse où on teste les défenses de l’État. Je n’ai pas été étonné du tout du fait qu’il y ait un nombre très faible d’abayas portées après que le ministre eut pris sa décision ».

Évidemment, puisqu’il y avait eu moins de 150 « cas » signalés en mai-juin dernier.

Un communiqué de la LDH résume bien les enjeux : « Abaya » : au-delà des gesticulations, reconstruire du commun »

La rentrée scolaire s’ouvre sur une énième polémique sur les vêtements des jeunes femmes musulmanes, qui, à partir d’incidents qui ne touchent que 0,25 % des établissements scolaires, mêle une fois encore crispations identitaires, pièges politiciens et crises du commun (…) Mais, comme le disait Aristide Briand dès 1905, la République n’a pas à décider, au nom d’interprétations théologiques qui ne la concernent pas, d’interdits vestimentaires qui passent à côté de l’essentiel — ce qu’il y a non sur les corps, mais dans les esprits.

Crise du commun éducatif, précisément : inégalités d’accès à l’éducation qui s’ajoutent aux discriminations, au racisme et aux violences abusives dans l’exercice de la force publique ; dégradation constante des conditions d’exercice du métier d’enseignant, qu’aucun « Pacte » ne peut masquer ni atténuer. Là où les services publics reculent, ne restent que la gesticulation autoritaire et la démagogie électoraliste… qui ne peuvent qu’aggraver les maux que l’on prétend combattre, comme on le voit depuis des décennies. (Communiqué LDH le 5 septembre).

Nous devrions retenir deux indications.

Dans 0,25 % des établissements scolaires, un effort de discussion devrait avoir lieu : par exemple, pour faire remarquer aux élèves concernées qu’elles ne peuvent pas donner l’image d’espérer subir la loi des mollahs iraniens ; et qu’elles en donnent l’impression ; ou bien que leur liberté d’habillement n’est possible que du fait d’autres libertés, que les politiques des musulmans réactionnaires interdisent….

Qui peut se prétendre ministre de l’Éducation nationale – même débutant – et croire que les enseignant·es sont désemparé·es devant ces jeunes filles ?

L’autre objectif était de faire diversion.

La manipulation anti-laïque de la droite et du gouvernement fera-t-elle oublier le résumé donné par Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU : « Il manque un professeur dans près de la moitié des collèges et lycées » (Libération, 11 septembre) ? Ce que son syndicat dénonce ainsi : « Un professeur devant chaque classe : promesse non tenue ! »

Cette question d’habillement – parce qu’elle est une arme pour le gouvernement et qu’elle sert les courants néo-fascistes – devrait inciter les courants de la gauche, radicale ou pas, à trouver une cohésion par un retour à la réalité de la loi de 1905. Un article de notre site « Combattre les racistes laïcards »  écrit à propos du livre de Jean-Louis Auduc, Laïcité. Que de trahisons, on commet en ton nom ! (éd. Rue de Seine, 148 p, 2023) revient sur le détournement de la loi de 1905.

Ce coup de rentrée à l’esbroufe est globalement raté par le gouvernement et Macron, sauf pour les dirigeants de la droite et de l’extrême-droite. On les entend même dire qu’il « faudrait une loi particulière », une sorte de « Concordat », une loi spéciale pour celles et ceux qui ne respectent pas les principes de la loi républicaine et laïque…

Nous devons d’autant plus nous soucier de débattre des exigences de respect démocratique à l’égard des personnes qui héritent les stigmates du passé colonial, comme de leurs familles. Comment ne pas imposer le droit du sol, l’accès à tous les droits politiques au bout de trois ans (par exemple !) de résidence sur place pour y vivre et travailler ?

Toute une série de fausses promesses et de traitements discriminatoires marquent le paysage politique.


Pour compléter, vous pouvez lire sur notre site :

Notes