L’actualité agricole et alimentaire est actuellement très fournie avec deux sujets importants et liés : les Etats généraux de l’alimentation (EGA) et le duo glyphosate/Monsanto. Ces deux sujets, sont éminemment politiques en tant qu’ils concernent le modèle de développement de trois activités clefs sur les plans écologique, sanitaire et social : l’agriculture, l’industrie chimique, l’agroalimentaire. Ils le sont aussi en précisant, pour les EGA, ce qu’est le macronisme et, pour le glyphosate/Monsanto, ce que peut être une grande lutte multiforme, proche de la victoire, contre un géant du modèle dominant.
Sur les EGA, Il faut noter que le fonctionnement de la première phase a fait, sans surprises, l’objet de nombreuses critiques suite à la domination des débats par le gouvernement et par l’agrobusiness, avec en second la FNSEA. La portée de la parole des diverses associations, en a été très réduite, au point que plusieurs se sont retirées. Actuellement, l’essentiel de ces EGA, réside de ce que la fin de cette première phase et la suite sont marquées par le discours de Macron le 11 octobre à Rungis. Ce discours est un chef d’œuvre du macronisme, avec, « en même temps », esbroufe et « déterminisme libéral ».
Du côté de l’esbroufe, c’est l’appel à un nouveau « paradigme » en place d’un modèle déclaré « non soutenable » et de laisser croire que les marges actuelles des règles européennes et nationales de la concurrence peuvent autoriser de nouveaux choix en matière de prix et de contractualisation, dans le cadre d’une PAC largement « renationalisée » pour permettre « à chaque pays de poursuivre ses choix souverains, alors qu’on signe le CETA, même si avec quelques nuances de dernière minute.
Cette esbroufe vise aussi à masquer le « déterminisme libéral » : demande aux filières (donc aux firmes) de se réorganiser et de réorganiser l’agriculture, dénonciation « des prix trop élevés, de ceux qui produisent trop peu à des qualités trop faibles, qui doivent se regrouper », … le tout dans le cadre « de mutations extrêmes que nous allons devoir affronter » (admirons le nous !), l’utilisation des ordonnances …
Sur le duo glyphosate/Monsanto on peut d’abord se féliciter de voir que le travail de nombreux  scientifiques qui ont mené les recherches adéquates et dénoncé les conflits d’intérêt et les mensonges, celui des juristes qui ont organisé le tribunal contre Monsanto, les journalistes qui ont publié les « monsanto pepers », les films de Marie-Monique Robin, la mobilisation citoyenne contre les OGM, le succès de la pétition, et autres … ont porté leurs fruits. Ces fruits sont déterminants à la fois contre Monsanto en tant qu’entreprise emblématique et dominante de l’agrobusiness international et contre l’usage de l’herbicide en tant que pilier structurant du modèle productiviste.
Reste la question : comment en sortir ? Oui il faut interdire l’usage du glyphosate ici et partout en évitant que l’usage se maintienne renforcé ailleurs et qu’un autre produit ne vienne le remplacer. Pour cela, il faut une période dans laquelle les politiques en Europe aident et imposent l’arrêt de cet usage dans une perspective de préparation de la transition écologique. Cet arrêt nécessite effectivement de la part des utilisateurs, des changements importants de leurs façons de produire, tant au niveau des itinéraires techniques à la parcelle qu’à celui des systèmes de production, notamment céréaliers dopés au Rundup. Il faudra une forte volonté du côté politique et citoyen, comme des agriculteurs. Contrairement à ce qui disait Marie-Monique Robin à la fin de l’entretien sur ARTE mardi 19, le développement des AMAP et de la bio, certes nécessaire, ne suffira pas. C’est toute la place des pesticides et des techniques associées qu’il faut revoir et cela implique de préparer une véritable transition écologique de l’agriculture, en lien avec une transition globale.
Le vote du Parlement européen, largement majoritaire pour l’interdiction à terme, suite à la puissante lutte multiforme, doivent, malgré le nouveau report (ou à cause de celui-ci) de la décision de la Commission, conduire les forces de transformation écologique et sociale à approfondir la réflexion préparatoire à cette transition, et ainsi favoriser l’élargissement de la mobilisation.
Michel Buisson