Eugène Bedoc le rappelle : La mandature de la gauche plurielle fit exploser l’abstention des classes populaires et des couches moyennes aux scrutins de proximité. Le premier défi consiste à faire des élections municipales (dans neuf mois) une mobilisation comparable au sursaut salutaire de la gauche aux législatives de 2024.
La gauche amiénoise mettra-t-elle en ballotage le candidat macroniste aux élections municipales de mars 2026 ?
Par Eugène Begoc. Le 10 juin 2025.
C’est la mandature de la gauche plurielle qui fit exploser l’abstention des classes populaires et des couches moyennes aux scrutins de proximité. Cela fut relevé à Amiens. Les élections municipales de 2001 virent bondir de 40% l’abstention, un palier demeuré quasi contant depuis.
L’abstention des électrices et électeurs de gauche n’est pas une fatalité.
Une première exception toutefois : les grands ensembles votèrent en nombre au deuxième tour de l’élection de 2014. Cette participation empêcha Robien d’accéder à un quatrième mandat.
Deuxième exception bien sûr : l’élection des 30 juin et 7 juillet. Les quartiers de maisons ouvrières et les grands ensembles votèrent massivement dans la première et la deuxième circonscription. Le successeur désigné à la maire UDI – macroniste et assureur comme Robien des grands propriétaires et gros commerçants – fut privé du siège de député qu’il ambitionnait.
Dix-huit ans plus tard, le premier défi reste de faire des élections municipales (dans neuf mois) une mobilisation comparable au sursaut salutaire de la gauche aux élections législatives de 2024.
Le bilan de la gauche d’opposition sortante, un point de départ pour 2026.
Depuis 2020, les dix conseiller·ères de gauche ont publiquement combattu les intérêts privés chers aux droites amiénoises.
Premier terrain d’affrontement : le foncier et l’immobilier
La droite est farouchement opposée au « zéro artificialisation ». Elle a créé une nouvelle ZAC labellisée Boréallia sur des champs de production maraichère, à l’ouest d’Amiens. On touche là aux tractations des grands promoteurs avec les propriétaires agricoles. Ces derniers pèsent depuis toujours sur l’aménagement amiénois.
Deuxième terrain d’affrontement : l’emprise de la Chambre de commerce et d’industrie
Elle a la mainmise sur la Zone Industrielle d’Amiens nord. Elle n’a pas hésité à reconvertir le site de Goodyear dans la logistique.
Elle y a installé la ferme d’insectes verticale de la start-up Ynsect, positionnée sur la production innovante de protéines. La dernière réorientation mercantile de l’Ynsect mène droit dans le mur les capitaux publics et privés levés. Elle menace donc de licenciements les soixante salarié·es. Parmi eux, des femmes et des hommes reclassés de Whirlpool, entreprise majeure liquidée en 2008 !
Troisième conflit d’orientation urbaine : le parc de logements existant
Les droites amiénoises assument abandonner les politiques d’accompagnement et de programmation mises en place en 2014-2018. Pourtant, la rénovation des quartiers de maisons de ville est très importante pour une population qui ne trouve pas d’offre artisanale satisfaisante.
Le patrimoine des organismes publics décline alors que les loyers du privé flambent. L’expédient municipal actuel repose sur la vente des logements publics les plus attractifs pour redonner de la trésorerie aux gestionnaires.
Unique action positive depuis 2014 : l’extension du réseau de chauffage urbain
Engagé par la gauche dans son mandat 2008-2014 se poursuit. Mais la droite est passée de la régie directe à la gestion privée.
Périscolaire, CCAS, animation jeunesse… : les dix conseiller·ères de gauche ont eu à batailler sans arrêt depuis juin 2020.
La gauche a, dans ce bilan de l’opposition sortante, les grands axes de l’action à mener pour affronter solidement la droite en 2026.
Sondage quand tu mets en scène
Et pourtant, un sondage commandé par le PS montre la gauche floue et en difficulté. Seul·es 24% des sondé·es se déclarent satisfait·es de la municipalité de droite sortante. Mais 36% annoncent que leurs votes se porteront sur elle, dès le premier tour.
Première cause de cette illisibilité de la gauche : des annonces partidaires totalement déconnectées des actions des dix conseiller·ères de gauche sortants. Ces derniers représentaient : PS, PC, Picardie debout!, EELV, ENSEMBLE! et un collège de quatre citoyen·nes sur dix.
Chacun·e depuis décembre 2024 s’agite pour prétendre incarner « le meilleur pour Amiens ». Ils font comme si les électeurs de gauche étaient analphabètes sur les pratiques anti-populaires et droitières des héritiers de Robien. Et l’ouverture aux candidatures citoyennes de 2008, 2014 et 2020 est dénigrée par les quatre du cartel NFP.
Des négociations sous emprise parisienne
Deuxième cause de défaillance de la gauche à neuf mois de l’élection, le spectacle des dissensions internes aux partis.
Les militant·es locaux sont désorienté·es par la négociation entre les états-majors nationaux du PS et du PC. Ils attribueraient la tête de liste à Lucien Desfontaines. Il a pourtant été sèchement battu aux élections législatives en Picardie Maritime malgré sa notoriété de premier communiste de la liste européenne.
LFI, de son côté, met un point d’honneur à blacklister Picardie Debout! Elle est en pleine épuration interne, aidée par un POI implanté dans FO et la CGT, deux organisations départementales en crise. La cible de ces sectaires n’est autre qu’Evelyne BECKER, figure de la CGT et de la lutte des Goodyear. Elle était co-tête de la liste de toute la gauche au premier tour de 2020.
Et les unitaires ?
Génération.s, la Gauche écosocialiste, L’APRÈS associée à ENSEMBLE!, l’association « Ma parole citoyenne »… préparent des initiatives de rentrée pour redéployer une démarche large, ouvrant l’implication à toutes et tous, engagé·es ou non dans un parti, un syndicat, une association, un comité de quartier.
À suivre donc. Mais le chemin à refaire est ardu.