Ils ont fait vite, mais leur mérite est mince. On aurait pu les écrire, ces rapports, ils sont déjà écrits depuis plusieurs dizaines d’années. Juste, ils attendaient le moment où l’affaiblissement des forces du camp d’en face en permettrait la parution au grand jour sans risques. Il est cependant utile au vu du grand brouillard organisé autour de leur contenu réel de nommer clairement l’arnaque dont ils vont, si nous ne les arrêtons pas, permettre la mise en œuvre en matière de législation du travail. L’unique objectif de ces deux rapports et de leurs 80 « propositions » pour l’un, « préconisations » pour l’autre est le suivant : en finir avec les contraintes légales et règlementaires sur la durée du travail, ainsi qu’avec le SMIC horaire et les salaires minima conventionnels.
Pour le rapport du D.R.H d’Orange, Mettling, le contenu de la mission confiée par le Ministre du travail, (« examiner la question de l’effet de la transformation numérique sur le travail ») annonce le contenu du rapport : adapter l’homme à la machinerie numérique, dont il est indispensable et bon de développer le marché, et non l’inverse.
La lecture des 69 pages et 36 « préconisations » du rapport, empreint d’un catéchisme managérial anglo-saxon, peut nécessiter la consultation du glossaire annexé à l’analyse qui suit.
Les processus ininterrompus d’innovation, d’utilisation et d’amélioration des outils numériques sont présentés comme naturels et sources énormes de « création de valeur ».
Mais pour cela plusieurs conditions doivent être remplies :
– Former élèves, étudiants, « managés » et « managers » tout au long de la hiérarchie à l’utilisation et à l’amélioration des outils numériques (« préconisations » 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 10, 34, 35
– Obtenir l’adhésion de tous (« préconisations » 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9,10, 21, 22, 25, 27, 29, 30, 33, 34, 35
– Adapter le droit pour optimiser l’usage du travail :
·       « sécuriser » le forfait-jours (« préconisation » 11) ;
·       Développer la « porosité » entre salariat et non salariat (notamment l’UBERISATION), y compris en s’appuyant sur des dispositifs fiscaux et sur le concours des collectivités territoriales (« préconisations » 12, 13, 17, 18, 27) ;
·       Supprimer de fait les contraintes en matière de durée du travail et en matière de rémunération (« préconisations » 11, 14, 22, 23, 29 ;
·       Compléter les moyens déjà existants d’assurer la traçabilité totale de chaque travailleur (étudiant, salarié, chômeur, indépendant…) (« préconisations » 15, 16, 30) ;
·       Développer le « partenariat » numérique avec les syndicats (« préconisations » 31, 32, 33, 36) ;
– Mais sans conduire à la disparition de tout système d’assurances sociales, en organisant le marché des assurances sociales privées (« préconisations » 15, 16, 18
– Et, pour tenir compte des risques de destruction de la ressource humaine, recourir à la formation individuelle, à la signature de « chartes », au développement de « bonnes pratiques » d’entreprise et de recommandations issues d’ « indicateurs » chiffrés (« préconisations » 19, 20, 24, 26, 28).
Seules les « préconisations » directement ou indirectement liées à l’objectif de dissolution des droits essentiels (durée du travail et rémunération) sont analysées plus précisément :
Préconisation 11 : « Adapter, pour les travailleurs du numérique concernés, le droit français pour sécuriser le forfait-jours »
Quand les choses deviennent concrètes, le rapport laisse filtrer quelque lumière dans le brouillard, et la logorrhée du « new management » devient traduisible. Quand les rapporteurs entendent « sécuriser » par exemple, il serait salutaire d’entendre le contraire de ce qui est suggéré. L’A.N.I du 11 janvier 2013 et la loi qui l’a photocopié parlaient de « sécuriser  les emplois » quand il fallait traduire « sécuriser les licenciements » ;  ici « sécuriser le forfait-jours » consiste à « sécuriser » le vol des heures de travail non payés.
Après avoir fait la chattemite en faisant comme s’il s’inquiétait des excès possibles dans l’usage des forfait-jours, le rapporteur entre dans le détail.
L’article L.3121-39 du Code du travail (qui prévoit la nécessité d’un accord collectif préalable pour les conventions de forfait-jours) est trop vague, il faudrait y faire entrer des précisions « pour satisfaire aux exigences du respect de la santé » ; et l’article L.3121-46 (relatif à l’entretien annuel individuel avec l’employeur censé porter sur la « charge de travail » liée à la convention de forfait-jours) devrait dire « ce qu’il faut entendre par charge de travail ».
Honnête, Mettling en arrive alors à son vrai souci, celui des employeurs : la Cour de cassation a sanctionné à plusieurs reprises des conventions de forfait-jours (pour 10 conventions collectives de branche sur 12), alors les employeurs hésitent à y recourir. Il faut donc les « sécuriser ». Et comme la Cour de cassation n’a pas été trop dure (elle demande juste de « garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables », i.e les durées journalières et hebdomadaires), Mettling donne la solution : changer la loi française pour que le « raisonnable » européen soit mieux appliqué.
Il rappelle que la directive européenne n°2003/88/CE, pour le coup déraisonnable, avait institué un repos obligatoire journalier de 11h (source de difficultés dans le cas du forfait-jours nous dit Mettling en citant un cas poignant de salarié obligé de se reposer jusqu’à 9h30 le matin parce que ses obligations familiales l’ont conduit à reprendre son travail le soir de 21h 22h30), mais que cette même directive européenne prévoit la possibilité de dérogations aux temps de repos.
Alors la solution est simple, le législateur français qui  « n’a toutefois pas permis ces dérogations au temps de repos » doit prendre « en compte dans ses futurs travaux la réalité vécue par les salariés du numérique concernés, en définissant un cadre équilibré, c’est-à-dire sécurisant la situation juridique dans laquelle ils se trouvent tout en satisfaisant aux exigences en matière de santé au travail ». En clair, adopter les dérogations européennes sur le temps de repos (on pourra donc avoir moins de 11 h de repos journalier) mais bien sûr, dans l’autre sens, faire un geste pour « supprimer les déséquilibres observés au sein de la communauté des travailleurs du numérique, notamment en ce qui concerne les temps de repos ».
On peut sans grand effort compléter le rapport de Mettling sur ce point. Parions que, comme pour toutes les dégradations des droits des travailleurs, cela passera par une loi qui prévoira qu’un accord collectif devra définir une nouvelle limite au-delà de la limite actuelle à laquelle on pourra déroger et des mesures « compensatoires » permettant à la fois de sauver l’objectif proclamé de santé publique et de réduire la Cour de cassation au silence.
Notons que Mettling reste discret sur le reste du déraisonnable (les durées maximales hebdomadaires) pour lesquelles la loi française n’impose… aucune limite si ce n’est la limite journalière indirecte (24h – 11 = 13 h, moins deux pauses de 20 minutes) et la limite hebdomadaire indirecte qui découle de la précédente (6 x 12,33.. = 74 heures).
Incidemment, on apprend dans ce rapport que 47 % des cadres sont au forfait-jours et, selon une étude de la DARES publiée en juillet 2015, que leur temps de travail moyen serait de 46,4 heures par semaine. Un temps sans doute sous-estimé (les chefs de rayon au forfait-jours par exemple tournent plutôt autour de 60 heures par semaine), mais qui en dit déjà long sur l’ampleur des heures non payées ; on est déjà sur un nombre d’heures supérieur sur l’année au nombre d’heures maximal (44 h) sur 12 semaines prévu par la législation.
Il est utile de rappeler que le forfait-jours est censé correspondre, par le biais de jours de congés supplémentaires, à une durée moyenne de 35 heures et que la rémunération correspondante est basée sur 35h.
On mesure ici que la conséquence, en ne comptant plus les heures, est que les minima conventionnels de salaire voire le SMIC horaire lui-même peuvent ne pas être respectés, même pour des cadres.
Préconisation 12 : « Créer des dispositifs fiscaux incitatifs pour promouvoir l’essaimage digital des salariés »
« Essaimage digital », Mettling est un poète : évoquer les jeunes abeilles quittant la ruche dans le soleil levant pour causer des salariés jetés par les employeurs et leurs propagandistes dans les griffes du travail prétendument indépendant (les risques et les cotisations sociales pour vous, les profits pour nous)…
Alors il y a le rêve (« De nombreux salariés sont tentés par l’aventure de l’entrepreneuriat, notamment dans le secteur numérique,…) et la dure réalité du carcan des droits acquis par les travailleurs (« …mais peuvent rester freinés dans leur élan compte tenu du caractère protecteur du CDI »).
Que faire ? Comme pour la mobilité externe « volontaire » inventée par l’A.N.I du 11 janvier 2013 et la loi qui l’a photocopié, changement « volontaire » d’entreprise et ici changement concomitant de statut (salarié →non salarié). Avec une prétendue garantie de retour (« Ainsi, les salariés seraient-ils incités à créer leur propre entreprise tout en ayant un « filet de sécurité » pour réintégrer leur entreprise d’origine »). Cela revient à développer les sauts à l’élastique en faisant confiance au patron qui a fabriqué l’élastique.
Préconisation 13 : « Développer les investissements des entreprises dans l’accompagnement des start-ups »
Même idée que la préconisation 12, avec l’honnêteté de préciser que pour les entreprises, ces start-ups ne sont qu’un moyen de « travailler pour elles » avec des « modes de travail plus agiles ». Là aussi, on reste confondu devant l’inventivité anglo-saxonne : la liberté de courir enchaîné devient « agilité » et quand la réalité socio-biologique refait violemment surface en dépression sévère, le rapport nous apprend qu’il s’agit là du « FOMO » (Fear Of Missing Out »), une forme désarmante d’ « anxiété sociale » que l’on peut traduire par « Angoisse de manquer quelque chose »…
Préconisation 14 : « Supprimer la référence aux avantages en nature pour les outils numériques »
Rémunérations déguisées, les fournitures gratuites, les prêts ou les remises accordées aux salariés sur les outils de travail (smartphones, tablettes) ainsi que pour la prise en charge de « certains frais liés au nomadisme » font aujourd’hui l’objet d’une règlementation pour les intégrer dans la rémunération brute et donc faire payer dessus des cotisations sociales.
Le rapport propose donc tout simplement de supprimer peu ou prou cette règlementation (« redéfinie et élargie ») qui « freine les entreprises » en veillant à ne plus « impacter l’entreprise tant au niveau de l’IS (Impôts sur les Sociétés) et de la TVA que de la CVAE (Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises)  ».
Préconisation 15 : « Réinscrire les nouvelles formes de travail dans notre système de protection sociale »
Il s’agit de dire tout va si vite que ceux qui travaillent devront inéluctablement s’adapter et passer par des périodes de chômage.
Faisons donc en sorte de les « sécuriser » en créant un « socle de droits attachés à la personne et transférables d’une entreprise à l’autre et/ou d’un statut à l’autre, afin de lever les freins à la mobilité intra et inter entreprise ». C’est, dit autrement, faciliter l’éviction des salariés en leur disant que l’élastique fourni pour le grand saut est bien solide.
Le problème est d’abord que la seule chose sûre, c’est le saut.
Ensuite, c’est qu’en attachant les « droits » à la personne, on casse les actions collectives et on rabote les droits antérieurement acquis. Expérience faite, par exemple avec les droits « transférables » pour les chômeurs, où l’élastique avait été soigneusement sectionné avant.
De la même façon, le moyen mis en avant dans le rapport, le « prolongement du compte personnel d’activité » (prolongement du prolongement, sa mise en place étant prévue le 1er janvier 2017) est non seulement une entreprise totalitaire (Big Brother is quantifying you) de mise en guerre de tous contre tous, mais également le moyen de diminuer les droits qu’il est censé garantir.
Car, là aussi, l’expérience devrait inviter à réfléchir avant de sauter sur ce qui brille : le futur compte personnel d’activité, outre le fichage gigantesque de toute la population dans la suite des fichiers déjà existants (les divers « livrets personnels de compétences » pour les élèves étudiants et apprentis, et autres « passeports », C.V électroniques, pour les salariés) est censé agréger des comptes existants ou en cours de création : compte épargne temps, droits au chômage rechargeables, mutuelle, compte personnel de formation, compte pénibilité.
Le compte épargne temps a été créé pour différer, écorner voire ne pas donner aux salariés les congés auxquels ils avaient droit (les personnels des hôpitaux et les policiers par exemple ne l’oublient pas).
Le compte droits au chômage rechargeables, à coût constant pour le patronat, a été tellement régressif qu’il a fallu le rectifier dès la mise en œuvre.
Le compte « mutuelle », dans le prolongement de l’A.N.I du 11 janvier 2013 sur les complémentaires santé, se caractérise surtout par l’abandon du principe de solidarité de la sécurité sociale, l’accroissement du marché assurantiel et, peu ou prou, un financement accru de la part des salariés.
Le compte personnel de formation, institué par l’A.N.I du 11 janvier 2013, consiste également, comme pour le compte épargne temps à engranger le droit d’avoir un compte qui dit à combien d’heures de formation on aura éventuellement droit, mais au final moins qu’avant en quantité, le financement n’étant pas garanti, et moins en qualité car les formations sont désormais strictement limitées aux besoins des employeurs (mis en place au 1er janvier 2015, puis retardé au 1er janvier 2016, il consiste en un traitement automatisé de données personnelles comprenant au moins 83 champs, dont l’identifiant le plus liberticide, celui de la sécurité sociale, le handicap éventuel, l’adresse éventuelle à l’étranger, les numéros de téléphone et l’adresse électronique, les périodes d’inactivité avec les dates et les causes, la durée du travail, la rémunération, l’effectif de l’entreprise, la date éventuelle de décès…) ;
Le dernier compte individuel, sur la pénibilité, signe le renoncement définitif à faire reconnaître un droit collectif de départ plus précoce à la retraite pour ceux qui ont travaillé dans les métiers qui, d’évidence, sont plus destructeurs pour la santé que d’autres. Les salariés concernés devront ainsi accumuler et faire comptabiliser des points de souffrance pour pouvoir éventuellement un jour les faire valoir au prix décidé par ceux qui mettent en place le compte. On ne peut faire pire, sur le fond et sur la forme.
Pour être complet, le rapport souligne que son souci est également « le financement de notre système de protection sociale » à travers le lien fait entre « niveau de protection sociale » et « niveau d’activité » (l’exact contraire du principe de solidarité de l’actuelle sécurité sociale). Mais laisse entrevoir le but réel de l’opération : « Les avantages d’une telle évolution seraient pour les employeurs d’éviter la notion de délit de marchandage et de palier les problèmes liés aux écarts existants entre les conventions collectives ». Ce qui traduction faite dit : exploiter des non salariés a deux avantages, en plus d’échapper aux cotisations sociales, on peut les payer moins que les minima prévus par les conventions collectives et on échappe aux sanctions prévues par la loi en ce cas.
Préconisation 16 : « Devoir d’information des plateformes de service pour l’établissement des droits et cotisations »
En onze lignes le mode d’emploi pour légaliser UBER en France (ici Mettling montre une fois encore une meilleure « agilité » dans l’entourloupe que son alter ego Combrexelle).
« L’économie numérique a vu naître des plateformes (UBER) dans lesquelles une partie du travail (conduire) et parfois du capital (véhicule) nécessaires à la réalisation du service (taxi) est réalisée, non par l’entreprise (UBER) à l’origine de la plateforme, mais par une partie de ses utilisateurs (les UBERISES). Dans cette économie, dite collaborative, ou de pair à pair (l’employeur n’est plus employeur, le salarié n’est plus salarié), il convient de distinguer les utilisateurs pour lesquels cette activité amateur est marginale (argent de poche ?) des utilisateurs qui en ont fait une source de revenus significative. Dans le second cas, il convient de s’assurer que cette activité ne constitue pas une sorte de travail informel (ipso facto, dans le premier cas, le travail clandestin serait donc légal, juste une question de seuil non fixé et dont on imagine bien qu’il sera aussi incontrôlable qu’incontrôlé ; et pour le deuxième cas, parler de travail informel laisse le choix entre économie familiale, économie conviviale et travail au noir) et qu’elle soit soumise à des obligations similaires, en termes de cotisations et de taxes, que les activités du secteur formel. C’est pourquoi il est important de prévoir une obligation de transmettre toutes les informations nécessaires à l’établissement des droits et des cotisations, pour les plateformes de services qui mobilisent le travail d’une partie de leurs utilisateurs (juste, on se garde de dire le statut des UBERISES, on ne parle pas de bulletins de paie par exemple, on laisse à UBER dont rien ne dit s’il sera employeur ou prestataire de services le soin de transmettre les informations qu’il voudra bien transmettre, et on ne dit rien des dispositions règlementaires liées à la profession de taxis).
MACRON, qui en a déjà annoncé l’intention, a dans cette « préconisation » la base de la loi « agile » qui lui permettra de légaliser ce que la justice vient de déclarer illégal.
Préconisation 17 : « Clarifier les situations respectives de salarié et de travailleur indépendant »
Fondamental : les « indépendants » qui travaillent pour eux constituent pour les donneurs d’ordres un des deux moyens principaux pour ne pas compter (et payer) les heures de travail.
Ici aussi, on n’est pas déçu. Il faut innover et établir de « nouveaux indices, lesquels seraient issus d’une appréciation plus économique que juridique ».
Plus précis, le rapport propose un « faisceau de critères élargi (degré d’autonomie du travail, décisionnaire de la rémunération, exclusivité des services du travailleur, etc…) ». Pour les deux premiers critères, on voit bien que toutes les interprétations sont possibles, mais pour le troisième, le plus « objectif », on voit aussi que son utilisation, à l’heure du partage de salariés multicartes, s’avèrera aisée pour écarter la présomption de salariat et les quelques droits qui vont avec.
Préconisation 18 : « Créer une plateforme publique permettant de consulter ses droits »
Les droits ne seraient plus dans le Code du travail mais sur un site unique « pour les travailleurs opérant dans et hors salariat » qui « tout au long de (leur) vie professionnelle »  mélangerait statut de salarié et de non salarié. Une idée qui concrétise les préconisations 15, 16 et 17 ayant pour but de faire travailler le maximum de personnes comme faux indépendants et vrais sans droits.
Préconisation 19 : « Compléter le droit à la déconnexion par un devoir de déconnexion »
Rendre les salariés responsables des souffrances qu’on leur inflige.
Mettling, le D.R.H d’Orange, imagine donc des formations pour que le salarié sache qu’il serait bon pour lui de se déconnecter de temps en temps (« pour le salarié et pour le manager : se sensibiliser sur leur usage des outils numériques ;  pour l’entreprise : de mettre à leur disposition des formations en ce sens » ; « savoir se déconnecter est une compétence qui se construit également à un niveau individuel mais qui a besoin d’être soutenue par l’entreprise »).
En effet, le salarié qui n’a pas été assez formé à se méfier de lui-même risque de crouler sous le travail (se retrouver en « surcharge cognitive et émotionnelle ») puis de s’écrouler (« Se pose en creux la question des risques psycho-sociaux ») victime d’un accident déclaré…en arrêt maladie.
Le rapport pointe les solutions : la première, que le salarié puisse être entouré de collègues qui souffrent autant que lui (« mise en place d’une régulation collective de la surcharge informationnelle »). La deuxième, se garder de mettre en place des obligations légales en faisant confiance à l’entreprise et à ses « bonnes pratiques » (« Au sein de l’entreprise, différentes démarches, pas forcément juridiques mais tout aussi efficaces, doivent encourager la déconnexion : chartes, configuration par défaut des outils, actions de sensibilisation »).
Comme au milieu du XIXème siècle, l’on sent poindre ici le souci comptable de certains employeurs de ne pas outrepasser les limites des ressources humaines (« Se pose …l’enjeu de concurrence du temps d’attention disponible »)
Préconisation 20 : « Mettre en place au sein de l’entreprise une politique de régulation de l’usage des outils numériques »
Même idée que la « préconisation » précédente.
Préconisation 23 : « Compléter la mesure du temps de travail par la mesure de la charge de travail pour les secteurs dans lesquels celle-ci est pertinente »
Il faut arriver à cette 23ème préconisation pour qu’enfin, noir sur blanc, et en dix petites lignes seulement, arrive une des raisons d’être de la mission Mettling : ne plus compter le temps de travail (la formule « Compléter la mesure du temps de travail » est clairement publicitaire pour qui lit au-delà du titre).
Donc, assure le rapporteur, il y a des cas où, en raison de la charge de travail, on ne peut pas mesurer le temps de travail et il faut charger les « partenaires sociaux » (une loi viendra ensuite qui dira que les partenaires sociaux sont en droit de le faire par accord collectif) de réaliser la quête du Saint Graal : mesurer la charge de travail (« il convient d’intégrer par le dialogue social une mesure de la charge de travail plus adaptée que celle du temps de travail »).
L’intérêt de ce tour de passe-passe, étendre plus encore le nombre de salariés dont on ne comptera plus le temps de travail est peu caché par le rapport : « Cette mesure de la charge de travail est en effet un préalable indispensable pour pouvoir étendre les cas d’usage du forfait jours de façon raisonnable ».
Comment expliquer que ceux qui peuvent tout mesurer, qui se font fort de mesurer l’incommensurable (la « charge de travail ») ne soient plus capables, comme avant, de mesurer le temps de travail ?
Préconisation 24 : « Intégrer le paramètre numérique dans la mesure et la prévention des risques professionnels »
Une autre question essentielle pour les employeurs : comment faire en sorte que les « risques psycho-sociaux » ne dégénèrent pas en accidents reconnus comme liés au travail, voire en maladies professionnelles ?
D’abord, rappeler que les conséquences négatives de l’introduction des nouvelles technologies sont profondément liées au comportement des salariés : « il s’agit d’une modification des comportements et non d’une simple modification de processus, l’appropriation en est plus longue et plus variable d’un individu à l’autre »).
Compléter par la responsabilité indirecte des petits chefs (« Le rôle du manager de proximité est ici aussi déterminant dans la gestion de la santé de ses salariés ») qui sont parfois malades du rôle qu’on leur fait jouer.
Glisser que les « nouveaux risques psycho-sociaux » sont « issus des nouvelles technologies » permet par défaut d’insinuer que les employeurs sont exempts de responsabilité et que s’il faut en chercher, il faut en chercher du côté des salariés, car le terme « psycho-social » laisse supposer que le problème ne serait pas ce qu’il est, purement social et qu’y interviendrait la psychologie…des salariés.
Proposer que les services de santé au travail, les DIRECCTE et la CARSAT mettent en place « à titre expérimental… un travail d’observation visant à mieux cerner l’adaptation des salariés aux transformations numériques…avec une étude de l’impact de ces dernières sur le stress, la qualité de vie au travail et l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle ».
Il s’agit donc d’adapter les salariés à la machine qui serait cause du stress et non l’inverse comme exigé par le Code du travail.
Etablir un « diagnostic partagé » par les mêmes (SST, DIRECCTE, CARSAT) qui devront mettre en place des « indicateurs de prévention des RPS » (on dirait une maladie sexuellement transmissible).
Ils méritent d’être cités : des « indicateurs de perception des salariés » (sans doute le nombre de suicides, de dépressions, d’inaptitudes au travail ne sont-ils pas de bons indicateurs ; les indicateurs de la « perception » des salariés permettront eux de trier le bon grain – ceux qui, par « nature » ou par formation, savent « gérer » le stress -,  de l’ivraie – les autres) ; des « indicateurs de fonctionnement » (procédures et autres « chartes ») ; les « indicateurs portant sur la santé en tant que telle » (on allait l’oublier) et là, on retourne à la case départ : comment décider qu’une dépression ou des accès d’humeur, des manques de sommeil ou de concentration sont ou non liés au travail si les médecins du travail, les médecins de la sécurité sociale et les enquêteurs sont comme aujourd’hui, bon gré ou mauvais gré, dépendants des employeurs ?
Pour finir, ce sont ces indicateurs qui décideront périodiquement s’il faut ou non faire quelque chose pour changer : « fixation d’une périodicité de ces évaluations afin que l’évolution de ces indicateurs puisse infléchir la stratégie de prévention ».
Les employeurs, comme aujourd’hui avec les études et autres plans de « prévention des risques psycho-sociaux », pourront continuer à être blanchis par le simple respect de procédures « partagées ».
Préconisation 26 : « Diffuser les bonnes pratiques d’organisation du travail à distance »
Affirmation : le travail à distance, c’est super : « Le travail à distance…permet une réelle amélioration de la qualité de vie ».
A deux conditions : être honnête (« 95 % estiment que leur qualité de vie est meilleure, mais 61% ressentent une augmentation du temps de travail », le ressenti peut assombrir les plus belles choses…) et respecter les « bonnes pratiques ».
Les aspirants au télétravail devront donc le mériter et les employeurs sont invités à mettre en place des mesures calquées sur le contrat de travail :
1/ une période d’essai : « instaurer une première phase de travail en présentiel, avant de basculer en travail à distance… » avec un premier lavage de cerveau (« … afin de construire une relation de confiance et de créer le sentiment d’appartenance ») et une première manipulation (« prendre en compte pour le manager la perception ressentie par le managé sur le contrôle de son engagement ») ;
2/ des horaires de travail sans horaires mais avec horaires « choisis » par le salarié pour être contrôlé [« définir les modalités de coordination (canal, créneaux horaires, etc.), ainsi que des outils d’interaction à distance, en laissant le collaborateur exprimer ses préférences » et « prévoir une ou des plages de disponibilités à distance du manager pour que le managé ne se sente pas isolé en cas de difficulté »] et appeler au secours ;
3/ tout en disant le contraire :« renoncer à une partie du contrôle, en insistant sur la nécessaire proactivité (capacité à prendre tout sur soi) du managé s’il ressent une perte de confiance de la part de son manager », contrôler (« contrôle directement issu de l’exploitation des données de connexion du salarié »), contrôler (« contrôle déclaratif : limiter le reporting à l’initiative du télétravailleur, en échange de l’engagement du managé de fournir un feedback régulier à son manager ») et contrôler (« contrôle des résultats : nécessité d’un encadrement qualitatif en amont et en aval des résultats fournis »).
Tempérons : par accord collectif ou par décision unilatérale de l’employeur comme à GDF Suez, il serait possible de « limiter les heures de disponibilité du managé à distance ». Mais ces éventuelles dispositions seront de nul effet tant que le travail demandé sera déterminé par les résultats ; et que la désapprobation, les mauvaises évaluations ou/et les sanctions ne viendront pas briser le moral et la carrière de ceux qui ne sauront pas se rendre « disponibles ». D’autant que rien n’est prévu pour sanctionner le non respect par l’employeur d’un accord collectif ou d’une décision unilatérale de sa part.
Préconisation 28 : « Clarifier, par un accord d’entreprise, la question de l’imputabilité en cas d’accident du travailleur à distance »
C’est l’entreprise qui, par accord, va décider, à la place de la loi et de la sécurité sociale, si l’accident est ou non un accident du travail !
La solidité d’une telle « garantie » peut être appréciée par le critère d’imputabilité évoqué par le rapport (« que, par accord d’entreprise, soit levée toute ambiguïté en cas d’accident survenant pendant les plages horaires travaillées ») quand on le rapporte aux affirmations précédentes sur l’impossibilité de mesurer le temps de travail et sur l’addiction coupable des salariés qui ne peuvent s’empêcher de travailler en dehors des plages.
Préconisation 29 : « Inviter les entreprises à intégrer à leur politiques de rémunération la notion de reconnaissance des efforts d’adaptation des compétences et des qualifications au numérique »
Encore un peu plus de rémunération au « mérite ».
Le mérite de cette préconisation est l’exposé que fait le rapport des « composantes » de la rémunération : 1/ « nature de l’emploi détenu » : cela ne dit rien de la qualification du salarié ; 2/ « objectifs de performance » : cela ne dit rien de la qualification du salarié ; 3/ la « composante » supplémentaire souhaitée par le rapport (« efforts d’adaptation des compétences et des qualifications au numérique ») : cela ne dit rien de la qualification du salarié.
Après avoir évoqué les seuls dispositifs VAE, le rapport envisage de reconnaître les qualifications en proposant que ces dispositifs soient adaptés : « développement des tests ouverts en ligne délivrant des attestations de compétences etc… ». On a là le retour à la décision de la Commission européenne (JO des Communautés européennes du 29 février 1996) qui ne s’est pas entièrement concrétisée et qui visait, ni plus ni moins qu’à mettre au point une carte d’accréditation des compétences (skill accreditation card) : « l’accréditation et la validation des compétences » devant utiliser « un système de logiciels interactifs relié par un réseau (Internet) qui délivrera des tests interactifs sur demande, évaluera les résultats et validera le niveau testé. Ce niveau sera enregistré sur une carte personnelle et ces cartes personnelles deviendront le véritable passeport pour l’emploi.”. Rien à voir avec des qualifications collectives, tout à voir avec la mise en concurrence des « compétences » individuelles propice à la réduction des rémunérations.
Préconisation 30 : « Encadrer strictement l’usage des données relatives aux salariés »
Le rapport sur ce point commence par fournir un état des lieux instructif.
On y lit notamment que « Les entreprises disposent de plus en plus d’informations sur leurs salariés (courriels, messageries instantanées, appels téléphoniques, pages visitées…) comme sur les candidats à l’embauche. De plus, certaines entreprises mettent en place des capteurs susceptibles de leur apporter des informations sur les comportements de leurs salariés ».
On apprend avec intérêt l’usage qui est fait de ces « masses d’informations » grâce aux « HR analytics » : « recruter en analysant des millions de profils de demandeurs d’emplois et d’employés comme le proposent la société Kenexa, rachetée par IBM, ou encore LinkedIn » ; « modifier les critères de recrutement en intégrant des informations inédites (ex : l’évaluation par les pairs des développeurs), au-delà des diplômes et des parcours professionnels, comme le propose Gild » ; « analyser les comportements des salariés à travers leurs usages numériques afin d’améliorer l’efficacité de l’entreprise ».
Les questions qu’en tire le rapporteur valent réponses.
Passons sur l’audacieuse : «  cette collecte de données ne porte-t-elle pas en elle le risque de surveillance des salariés ? ».
Sur les pratiques de fichage de salariés en « score d’employabilité » : « le salarié peut-il avoir accès à ses données de « travailleur » tout au long de sa vie professionnelle pour connaître son score d’employabilité…», et, le cas échéant, pouvoir mieux se valoriser ? »
Le rapporteur, semblant ignorer le droit d’accès de salariés aux données nominatives les concernant, se pose ensuite la question de l’intérêt de cet accès pour « son profil sur les réseaux de type LinkedIn (nombre de consultations de son profil, par qui…) ? ».
La question de l’interdiction du fichage semble ne pas se poser, seul celle des limites du fichage et de la mise en compétition : « jusqu’où ces plateformes d’HR analytics peuvent-elles collecter, stocker et croiser des données ? ».
Enfin, après nous avoir informé qu’il existe déjà à côté d’auto-mesures personnelles hors travail [« quantified self mobilisé sur une base individuelle et dans une perspective de réflexivité personnelle (sur ses performances sportives, sur son sommeil…)»]  un « quantified self au travail (mesure de l’humeur par exemple) », le rapporteur, loin de succomber à la nausée, est d’avis que cela « soulève des questions sur le droit des salariés à obtempérer (une coquille…) à ce genre de mesure et à avoir accès aux résultats de ces mesures » avant d’en appeler à des « expérimentations ».
Retour à l’objet de la préconisation 30 : il faut quand même des « mesures de régulation ». Et de recommander une « disposition législative clarifiant l’usage des données concernant ou provenant des salariés, rendant notamment obligatoire la publication d’une charte des données salariés opposable dans chaque branche/entreprise ». En clair une loi qui dise que la loi sera faite par des « chartes » de branche et/ou d’entreprise, lesquelles chartes diront les limites souhaitables à l’usage qu’on pourra faire de toutes les données personnelles des salariés (tant sur eux-mêmes que sur leur activité).
Enfin, il apparaît au rapporteur que l’audace pourrait aller jusqu’à une « gouvernance avec des organisations syndicales » pour la « définition » et le « contrôle » de l’usage de ces données…
Préconisation 31 : « Intégrer les outils numériques dans le dialogue social »
La modernité va pouvoir « contribuer à l’allègement d’un certain formalisme dont est parfois emprunt (une coquille financière…) le fonctionnement des IRP ».
En effet, à l’inverse de la « négociation sociale » qui doit continuer à fonctionner avec les personnes en vrai («  privilégier la forme présentielle »), informer et consulter les représentants du personnel sans les avoir en face est un grand progrès si l’on y réfléchit bien : on pourra ouvrir « des espaces d’échanges entre salariés, leurs représentants et l’entreprise sur les différents grands sujets d’évolution de l’organisation du travail » (cause toujours) et se saisir de cette grande transformation numérique « comme une opportunité pour co-construire les enquêtes et permettre aux IRP de se consacrer pleinement à leur rôle d’analyse et de co-construction des réponses sociales au sein de l’entreprise ». Le rêve : des représentants du personnel amis, qui consacrent toute leur énergie à partager avec nous de doux moments de symbiose intellectuelle.
Préconisation 32 : « Favoriser l’accès aux outils numériques des partenaires sociaux »
Un complément de la préconisation 31.
La loi a prévu qu’un accord d’entreprise peut autoriser les organisations syndicales à diffuser publications et tracts par l’intranet ou par la messagerie électronique de l’entreprise. Sous couvert de favoriser l’accès des « partenaires sociaux » à ces moyens numériques de diffusion, le rapport énonce plusieurs propositions tendant à le limiter : « La mise en œuvre de ces moyens de communications devra être clairement encadrée par un accord négocié avec la direction qui permettra notamment de définir les conditions de bon usage de ces outils (encadrement de la fréquence et de la taille des supports de communication)» ; « Les organisations syndicales devront aussi clairement identifier un ou plusieurs responsables de ces moyens de communication » (savoir qui incriminer) ; « ces outils pourront par exemple prendre la forme : d’un espace dédié sur l’intranet de l’entreprise avec possibilité d’abonnement des collaborateurs au(x) site(s) dédié(s) aux organisations syndicales (on saura qui s’abonne et les syndicats ne pourront plus contacter ceux qui ne seront pas abonnés) ; d’autres outils collaboratifs à définir (plateformes collaboratives d’échange etc…) ».
Préconisation 33 : « Développer au sein de l’entreprise une logique de co-construction et de co-innovation »
« La mission a constaté que les entreprises ayant adopté cet état d’esprit ont vu une meilleure adhésion à la transition numérique et ont gagné en agilité et en innovation, facteurs de performance économique et de qualité de vie au travail  ».
Dites-nous comment faire pour mieux exploiter votre temps de travail, votre énergie et vos idées et vous gagnerez notre reconnaissance.
Préconisation 36 : « Mettre à l’agenda de la prochaine conférence sociale l’impact de la transformation numérique sur la vie au travail »
Le menu de l’agenda est aussi un bon résumé du rapport : « le partage desdits enjeux avec les partenaires sociaux ».
Richard Abauzit.
GLOSSAIRE (French translation of the managerial catechism’s language) :
Big data : gros tas de données numériques gonfleur de PIB
Business model : ne pas confondre avec Business plan ; littéralt. Modèle d’affaires ; représentation synthétique des techniques d’extraction de profit (exemple : modèle dit de l’appât et de l’hameçon)
Business units : ne pas confondre avec Business areas ; littéralt. Unités d’affaires ; division formelle de l’entreprise en unités de Business model
Capteurs locaux : Managers planqués sous les ramures
Coach agile : manager subtil (je ne suis pas là mais je sais tout, voir définition précédente)
Co-construction : un synonyme de fayotage
Communauty buildings : lieux de travail pour plusieurs personnes
Convention collective (grille salariale) : mot grossier
Co-working : travail à plusieurs
Crowd-sourcing : mot valise ; littéralt. approvisionnement par la foule ; traduction moderne de sous-traitance, sans délimitation juridique (exemple : fonctionnement de Wikipédia et Google)
Crowd workers : travailleurs pauvres mais modernes
Déconnection : le cauchemar du salarié insouciant (« savoir se déconnecter est une compétence »)
Digital natives : Obélix du numérique ; se dit des personnes potentiellement unidimensionnelles car tombées à la naissance dans la marmite électronique
Digital pattern : taches graisseuses laissées sur le net par les télétravailleurs et analysées par le manager de proximité
Durées légale et maximales du travail : mots souvent grossiers, à manier avec dextérité
Empowerment : à l’origine, moyen de libération collective des dominés, désigne aujourd’hui l’effort de conviction et le sentiment qu’on est plus grand en levant le front ou, plus fréquemment la satisfaction souvent illusoire d’ « avoir eu son mot à dire » ; terme polysémique très en vogue dans la littérature managériale (en 1997 est paru un livre sur le self-empowerment des chiens)
Emprunt : mot dont la proximité avec « empreint » rend l’utilisation délicate
Ergostressie : concept flou (fatigues physiques et mentale + stress + plaisir) bien commode
Essaimage digital : se dit de l’envol de salariés, à la faveur de « dispositifs fiscaux incitatifs », vers une indépendance de statut suivi de leur atterrissage au sol
Feedback : Reporting régulier ; fait Larsen en cas d’excès
FOMO (Fear og Missing Out) : littéralement, “angoisse de manquer quelque chose” ; phénomène psychologique de rejet périodique et violent de la laisse numérique incorporée
Forfait jours : aux salariés le temps sans montre, aux chefs le chronomètre sans aiguilles
Freelance : Crowd workers en devenir
Front-end : désigne la partie émergée de l’iceberg informatique, ce qui est présentable et présenté au client
Groupement d’employeurs : regroupement d’employeurs pour éparpiller leurs salariés
HR : RH en anglais
Incubateurs : sorte d’œufs qui, lorsqu’ils sont « au sein des murs » de l’entreprise, peuvent donner quelque omelette
IM : Instant Messaging ; bavardage numérisé
Infobésité : version moderne du travail à la chaîne numérique
Manager de proximité : emmerdeur le moins éloigné
Lien de subordination : notion en cours de réécriture
Littératie numérique : concept sans définition consensuelle
Multitude : source de profits captée en dehors de l’entreprise
Nétiquette : normes de politesse sur Internet
Nodal (échelon) : lieu précis où se situe l’emmerdeur susévoqué ; point délicat à situation réversible (« le management de proximité étant l’échelon nodal des tensions dans l’entreprise…)
Nouvelles formes d’emploi : anciennes formes de précarité
Obergo : Observatoire du télétravail et de l’Ergostressie
Open spaces : espaces de travail ouverts aux regards managériaux mutualisés
Partage de salariés : voir groupement d’employeurs
Quantified self (au travail) : désigne en hommage à Sisyphe le travail de mesure permanente opéré par le subordonné qui se rachète après s’être vendu
Raisonnable : notion juridique prisée en Allemagne et reprise par la Cour de cassation ; désigne la mesure précise et idoine des dérogations à la loi qui peuvent être admises
Reconnaissance professionnelle : gage d’une augmentation de la productivité du travail (« une reconnaissance professionnelle forte peut contribuer à accepter une intensité de travail importante »)
Reporting : littéralt. action de rendre le rapport attendu à son chef ; profonde addiction managériale sans traitement curatif connu
Ressenti : fausse appréciation (« 95 % estiment que leur qualité de vie est meilleure, mais 61% ressentent une augmentation du temps de travail  » ;
Risques psycho-sociaux : maladies socialement transmissibles par contact trop étroit avec le management
R.T.T (jours de) : littéralement Réduction du Temps de Travail, mais simple mode de répartition du temps de travail ; notion archaïque peu cohérente dès l’origine ; entendue aujourd’hui communément comme repos des privilégiés
Score d’employabilité : mode de quantification des salariés utilisée en toute discrétion dans des jeux pervers réservés à l’élite managériale
Self-employment : chômeur aventureux
Sentiment : fausse appréciation (« La transformation numérique peut être un facteur de stress au travail… en créant chez le salarié un sentiment de sollicitation permanente »; « plage de disponibilités » (sous la tablette, la plage)
Sérendipité : mot utile pour ne pas passer pour un plouc aux « Diners du Siècle » ; désigne une qualité des plus rares, à valoriser ; la développer permet de prévoir l’imprévisible et de programmer le hasard
Smart data: Big data orienté(e)s commerce
Squad : équipe de travailleurs libres sous coach agile
Télé-local : se dit d’un travail effectué dans un lieu plus ou moins proche du domicile
Télé management : contresens facile ; déplacement des managés, pas du manager
Télétravail : travail à domicile mais sans la télé.
Top management : le dernier échelon nodal
Travail nomade : notion trompeuse (mobilité externe fortement encadrée)
Vagues : phénomène naturel inéluctable ; « des vagues de risques psycho-sociaux » (sous la vague, le manager)
Vocation (à) : Désigne de plus en plus fréquemment une chose ou une personne destinée à disparaître de la vue ou de la circulation (« les personnes occupant des postes ayant vocation à disparaître »