Ce samedi 17 novembre, 300 000 personnes, en réalisant plus de 2000 blocages, ont crié leur désespoir de cette austérité sans cesse accrue, leur refus de l’injustice fiscale, leur volonté de voir augmenter leur pouvoir d’achat. Et parfois leur inquiétude (contradictoire avec le rejet de tout impôt, parfois présent dans les blocages) devant la destruction des services publics de proximité. Mais aussi un rejet massif de Macron, de sa politique et de son mépris de classe. Et bien sûr des responsables de l’extrême droite, de la droite dure, eux, étaient bien présents sur le terrain et dans les médias, qui n’ont pas signalé la présence de représentants de la gauche.
Mais quelles que soient les ambigüités du mouvement des gilets jaunes, il est nécessaire que le mouvement ouvrier, la gauche, prennent en compte aujourd’hui ce désespoir social qui s’est exprimé ce 17 novembre (et parfois aussi le 18). D’autant que le gouvernement y répond par le mépris, Macron ne disant rien et Edouard Philippe affirmant qu’il va « garder le cap », c’est-à-dire poursuivre sa politique anti-sociale. Si le mouvement social ne prend pas la mesure de ce qui est en train de se passer, les conséquences politiques risquent d’être catastrophiques.
ENSEMBLE considère qu’il est urgent de mettre en place les éléments d’une mobilisation contre la politique sociale du pouvoir, à partir des axes suivants :
– La justice fiscale, avec comme premières mesures le rétablissement de l’ISF, la baisse de la TVA sur les produits de première nécessité, l’annulation des hausses de la CSG.
– La hausse des salaires.
– La défense de l’environnement par une politique écologique qui s’attaque aux principaux responsables de la dégradation environnementale et non aux populations en difficulté.
– L’arrêt de fermetures de lignes ferroviaires et le développement de transports publics de qualité, notamment dans les zones rurales et dans les banlieues.
Pour cela, il nous semble nécessaire de participer aux manifestations du mouvement en cours de manière indépendante et à partir des axes précédents. Par ailleurs, il est de la responsabilité du mouvement syndical, des associations écologistes, des forces de gauche et écologistes de proposer des initiatives d’action très rapidement afin de donner à la colère populaire des perspectives émancipatrices, sociales et écologiques.

20/11/2018
Passer des gilets jaunes aux drapeaux rouges et verts…
Le 17 novembre est derrière nous, et il convient maintenant de dépasser les débats qui ont agité notre gauche afin d’aller de l’avant. Tout comme notre mouvement Ensemble!, j’étais opposé à y être présent. Non que les problèmes à la base de cette mobilisation soient inexistants, loin de là : les augmentations des carburants augmentent gravement les difficultés de populations déjà très touchées par la situation et les mesures gouvernementales. Mais parce que la logique de la mobilisation dès le départ était anti – fiscale et évacuait totalement la question écologique. Par ailleurs, la présence de l’extrême droite a existé dès le début, s’exprimant pas des vidéos et des publications internet reliant la question de l’essence au racisme et à l’antisémitisme pour les groupes fascistes. Ce n’était pas une simple « récupération ». Enfin, la mobilisation internet, si utile soit-elle, pose de gros problèmes démocratiques. Qui décide de la communication, des actions … ?
A partir de cette situation, résultant en grande partie des insuffisances de la gauche et du mouvement syndical, des courants politiques, dont la direction de France Insoumise, ont considéré qu’il ne fallait pas laisser la place à l’extrême droite et qu’il fallait être présent le 17. Position tout à fait estimable, à condition de ne pas opposer, comme l’a fait Jean-Luc Mélenchon « l’avant-gardisme » des organisations et le « peuple ». Ensemble! n’a pas partagé cette position, estimant que les choses n’étaient pas rattrapables en une semaine, même en deux. Des camarades de notre mouvement, qu’ils et elles soient à FI ou pas, ont décidé d’être sur les blocages. Quelles que soient les positions adoptées, notre camp politique était en situation d’échec.
On peut faire un premier bilan : 300 000 personnes dans l’action, c’est important. Et, contrairement aux craintes que l’on pouvait avoir, l’extrême droite n’a pas impacté décisivement la mobilisation, même si les responsables interrogés par les médias en étaient pour la plupart et que seul Jean-Luc Mélenchon est apparu sur le terrain à gauche. D’autre part, les expressions repérées ça et là dépassaient le prix de l’essence pour aborder d’autres thèmes austéritaires. Ceci dit, notre gauche n’a pas non plus marqué le mouvement, c’est le moins que l’on puisse dire. Et l’axe anti – fiscal demeurait prégnant et sans nuances. Les préoccupations écologiques ne m’ont pas paru présentes. Il faudrait bien sûr approfondir ces réflexions par une étude plus poussée de ce que fut le 17. Sans compter sur le fait que ce n’est pas terminé. Par ailleurs, dans l’immédiat, on peut penser que les conséquences électorales profiteront plutôt à l’extrême droite.
Alors, maintenant, que faire ? Qu’elles qu’aient été les positionnements avant le 17, la gauche, les organisations syndicales se doivent d’offrir des perspectives de mobilisation unitaires pour prolonger le 17. Le rassemblement « marée populaire », qui avait manifesté le 26 mai, peut être à l’initiative de propositions liant l’écologie au refus de l’injustice fiscale et à des revendications salariales. Les organisations syndicales ont leur rôle, essentiel, à jouer. Et France Insoumise, le mouvement le plus en pointe à gauche, a une responsabilité de propositions unitaires, que les militant.e.s d’Ensemble se doivent de porter. Si nous ne faisions pas cela, nous risquerions d’être totalement à côté de la sensibilité populaire actuelle. Nous laisserions cette fois pour longtemps la place à d’autres. Et ce serait grave.
Robert Hirsch