Le samedi 30 novembre, à l’appel de l’Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE) qui réclame l’abandon de l’écotaxe, plusieurs milliers de camions ont bloqué les routes de France. Le 2 décembre c’était au tour du collectif indépendant « Alain Spinelli », sensé regrouper 2500 soutiens actifs dans les milieux du transport de s’essayer aux barrages filtrants avec la même revendication. Faute de combattants, cette dernière mobilisation a rapidement tourné court.
Au sein même de la gauche non productiviste, cette fameuse écotaxe, séquelle du Grenelle de l’environnement est rejetée. Selon Daniel Tanuro, militant écosocialiste et auteur notamment de «L’impossible capitalisme Vert : «  A l’instar de la taxe carbone, l’écotaxe sur le transport routier est à la fois inefficace du point de vue environnemental et injuste du point de vue social. Du point de vue environnemental : les autoroutes, ainsi que les routes nationales entre la France et l’Italie (sans compter le transport aérien !) étant exemptées, la taxe, alors qu’elle est censée stimuler la localisation de la consommation, favorise au contraire le transport à grande distance… et les exploitants d’autoroutes. Du point de vue social : à la question « qui va payer au final ? » la réponse est évidemment « les plus faibles ». La taxe ne peut en effet qu’accélérer la disparition des petites exploitations agricoles et de transports ainsi que des petits commerces, au profit de l’agrobusiness, des géants de la logistique et de la grande distribution… sur le dos des travailleurs et travailleuses qui forment la majorité des consommateurs. »
En finir avec le tout camion suppose de déployer une politique autrement ambitieuse que la mise en place d’une taxe. Il y a pourtant urgence tant sur le plan économique que sur le terrain écologique. D’abord parce que le choix du transport routier pour le flux de marchandises est en réalité largement subventionné. Les milliards d’euros dévolus au développement des infrastructures par l’Etat ou les collectivités territoriales sont, in fine, payés par les contribuables. Les conséquences écologiques et les effets induits sur la santé le sont aussi. Par sa configuration géographique, la France est une zone majeure de transit international où circulent les camions venus d’Italie et de la péninsule ibérique à destination de l’Europe du Nord. Ainsi, les flux de transit international de marchandises ayant un franchissement alpin ou pyrénéen et traversant la France sont estimés à plus de 3 millions de poids lourds. Certaines régions sont désormais au bord de l’asphyxie avec l’impact que l’on devine en termes d’environnement (effet de serre, pollution, bruit…) et de sécurité.
La solution est pourtant connue et se nomme ferroutage. Mais voilà, le fret ferroviaire a été inexorablement démantelé en France au gré des contre-réformes et de l’ouverture à la concurrence de la SNCF et de RFF ainsi que des coupes claires dans les budgets d’infrastructures (la SNCF étant devenu le premier pourvoyeur de transport…routier !). Si dans l’Europe des 25, il a crû de près de 10 % entre 1995 et 2005, c’est grâce à des pays comme le Royaume-Uni (+80%), l’Autriche (+45%) ou encore l’Allemagne (+37%), en revanche la France enregistre un recul de 16 %. Pour inverser cette situation il est illusoire de penser que la fiscalité pourrait être le levier principal. Une politique de réorientation du transport de marchandises suppose une réorganisation majeure et passera par un affrontement avec le lobby des transporteurs mais aussi avec celui de groupe comme Vinci sans parler de la Commission Européenne. On ne peut pas dire que le gouvernement Ayrault ait amorcé cette trajectoire, c’est un doux euphémisme.
Plus fondamentalement, une stratégie digne de ce nom doit repenser tout à la fois le type de développement des territoires, l’agriculture, la production de marchandises (qualité, utilité réelle, volume de transports). Dit autrement, il s’agit de commencer à s’attaquer au mode de production du capital mondialisé, bref l’inverse de la concurrence libre et non faussée.
Guillaume Liégard
Pour compléter :
http://www.lepartidegauche.fr/actualites/dossier/reforme-ferroviaire-le-tour-passe-passe-cuvillier-25583
http://www.cheminotcgt.fr/new_site/accueil_essentiel_actu_doss_fret.html