Dans son allocution télévisée, le Président de la République a avalé un petit bout de son chapeau. Il a changé de ton et annoncé de premières mesures pour tenter d’éteindre l’incendie social. Mais en tendant l’oreille, certains mots ont sonné faux et les mesures déclamées sont à mille lieues des urgences sociales, environnementales, démocratiques. Ne boudons pas ce qui a été arraché. Oui, la mobilisation permet d’obtenir des gains. Mais soyons lucides sur la réalité des mesures mises sur la table et sur l’ampleur des besoins, toujours si profondément insatisfaits.
Beaucoup ont ainsi cru entendre « augmentation du SMIC », quand la magie de la communication présidentielle a expliqué que « le salaire d’un travailleur au SMIC augmentera ». Rappelons ici que l’augmentation de ce salaire ne se fera qu’à travers celle de la prime d’activité, qui est une prestation sociale et dont l’augmentation était d’ailleurs programmée au cours des prochaines années. Cette hausse ne se fera donc que de manière artificielle, et au prix d’une pression fiscale supplémentaire pour les classes moyennes.
Pourquoi épargner les riches et les dividendes ? Il est assez ahurissant que le Président continue de protéger les plus riches. Il aurait pu, dû, annoncer le retour de l’ISF et la fin du CICE, ces milliards donnés aux grandes entreprises sans aucune contrepartie en matière d’emplois et de transition énergétique. Ces exigences ont été relayées partout dans le pays. Mais Emmanuel Macron n’entend visiblement que de l’oreille droite. Il préfère la défiscalisation des heures supplémentaires, une logique désastreuse notamment pour lutter contre le chômage et que chérissait tant Nicolas Sarkozy.
Le cap reste donc inchangé. Toutes les mesures annoncées par Macron hier soir consistent en ce tour de passe-passe : nous prendre dans une poche ce qu’il nous rend dans l’autre. Car ne nous leurrons pas : l’augmentation de la prime d’activité et la défiscalisation des heures supplémentaires se feront forcément en asséchant les caisses de la sécurité sociale et, au final, ce sont les plus modestes, les gilets jaunes mais aussi tous les autres, qui paieront. Emmanuel Macron a réaffirmé, les yeux dans les yeux, son ambition de lutte contre l’évasion fiscale alors même que vendredi dernier, les sénateurs ont voté l’allègement de l’exit tax à la demande du gouvernement !
Ce qui est édifiant, c’est aussi tout ce que le Président n’a pas abordé. Rien sur l’environnement. Alors qu’il a, sous la pression, abandonné une taxe supposée abaisser les émissions de gaz à effet, il n’a pas dit un mot sur les moyens de faire face au réchauffement climatique. Pas de taxe sur le kérosène, ni de mise à contribution des grands groupes premiers pollueurs. Rien sur la démocratie. On retiendra une vague reconnaissance potentielle du vote blanc. Au moment où la crise de la représentation politique et des institutions explose, le Président ne propose rien de rien pour y répondre. Même le simple RIC (référendum d’initiative citoyenne), cher aux gilets jaunes, n’a pas eu grâce à ses yeux. Rien enfin sur les violences policières, alors même que les images de Mantes-la-Jolie, de gaz diffusés de façon disproportionnée ou de jeunes blessés par des flashballs ont alimenté la colère légitimement.
Ma conviction est que l’acte V de samedi doit être réussi et pacifiste. L’heure est aux convergences. Avanti !
Clémentine Autain.