La fonderie Castmétal de Colombier Fontaine  est connue pour la dureté de ses conditions de travail : chaleur, bruit, poussière, cadences. Une partie importante des 122 ouvriers est d’origine turque. Jusqu’en 2014, il n’existe qu’un syndicat dans l’entreprise, la CFDT.
En décembre 2014, une partie des salariés décide de créer un syndicat CGT. C’est insupportable pour la direction, qui à l’approche des élections professionnelles tente un coup de force : prenant prétexte d’une dispute survenue à la sortie du travail, elle engage une procédure de licenciement pour faute grave contre le représentant syndical CGT et 4 autres ouvriers turcs. Le 20 avril 2015, quarante ouvriers se mettent en grève pour s’opposer aux licenciements et exiger le respect du droit syndical. La CFDT prend position contre la grève, la direction déclare cette dernière illégale et tente d’accréditer l’idée que les ouvriers licenciés ont un comportement violent. Le conflit dure 5 semaines, les ouvriers en grève et leurs femmes campent jour et nuit devant l’usine, ils reçoivent le soutien de la CGT et d’une partie de la population. La grève n’est pas victorieuse et la reprise du travail doit  se faire mais le 17 juin 2015, aux élections professionnelles, la CGT obtient 35% des voix dans le collège ouvrier. Pour un syndicat qu’on a voulu isoler et discréditer, pas mal…
Le 3 juillet 2015, l’inspection du travail refuse le licenciement du représentant syndical, les 4 autres licenciés saisissent alors les Prud’hommes puis la Cour d’Appel. Le 3 février, celle-ci rend sa décision, constate que les licenciements sont intervenus en raison de l’appartenance syndicale des ouvriers, et ordonne leur réintégration dans l’entreprise ainsi que le paiement de tous les salaires dus.
Le 22 février à midi, c’est toute la CGT du Pays de Montbéliard et de nombreux militants qui viennent accompagner le retour au travail de leurs camarades (notre photo). Aux dernières nouvelles, la direction de Castmétal se pourvoit en cassation.
Castmetal mais aussi Goodyear ou Air France
A Air France, on a vu des militants syndicaux assimilés à des délinquants de droit commun et arrêtés chez eux au petit matin comme des voyous. Le 12 janvier, 8 militants de l’ex-usine Goodyear d’Amiens sont condamnés à 15 mois de prison, dont 9 ferme ,pour leurs actions en vue d’empêcher la fermeture de leur usine. On pourrait aussi parler de la répression qui a touché des syndicalistes paysans en lutte contre la ferme-usine des 1000 vaches.
Depuis que le capitalisme existe, le patronat tente de s’opposer à l’exercice par les salariéEs des droits syndicaux, c’est une des formes de  la lutte des classes. Jean Jaurès s’insurgeait déjà en 1906 contre l’hypocrisie patronale qui exerçait de plein fouet sa violence sociale tout en fustigeant la soi-disant violence ouvrière. Alors, rien de neuf ? Non, pas vraiment, mais le contexte est changé.
Ce qui est neuf, c’est que dans le cadre de la mondialisation capitaliste et de la concurrence effrénée qu’elle engendre, il devient indispensable pour les patrons, s’ils veulent préserver leurs profits, de s’attaquer beaucoup plus frontalement aux droits sociaux conquis de haute lutte. Pour cela il faut discréditer les syndicats, du moins ceux qui s’opposent à ces mesures. D’où l’équation luttes = violences inadmissibles et « criminalisation » de l’action syndicale…
Ce qui est nouveau aussi, c’est qu’en France, un gouvernement socialiste, met lui-même à la disposition des grands groupes capitalistes l’arsenal juridique dont ils ont besoin pour s’attaquer aux droits sociaux et augmenter leurs profits. Avec la casse annoncée du Code du Travail, par exemple. Au nom de la modernité, bien sûr. Et on va jusqu’à instrumentaliser la légitime inquiétude face à la montée du terrorisme, pour s’attaquer aux libertés, à travers l’état d’urgence.
Les travailleurs de Castmétal ont remporté une victoire, locale certes, mais symboliquement très forte : c’est la tête haute qu’ils réintègrent leur entreprise, en ayant fait respecter la liberté d’opinion et le droit syndical. La solidarité avec les 8 de Goodyear doit s’amplifier et permettre une autre victoire que serait leur relaxe en cour d’appel. Enfin, la gravité du coup porté au Code du travail par le projet gouvernemental impose une mobilisation large et unitaire dans les semaines qui viennent.
Véro Bourquin-Valzer