La question d’un transport ferré, dédié, rapide et direct, entre Paris et l’aéroport de Roissy, n’est pas une nouveauté. À l’origine, nous sommes en 2001, un premier projet apparaît, porté par un groupement d’intérêt économique réunissant Aéroports de Paris (ADP), Réseau ferré de France (RFF) et la SNCF. À l’issue d’un débat public, où était au centre la question de l’amélioration des conditions de transport dans le RER B, le tracé proposé est bouleversé. La seule conséquence de cette étape sera l’annonce par le syndicat des transports Île-de-France (STIF) d’un début de modernisation du RER B dans le cadre d’un programme de travaux toujours en cours de finalisation. En grande difficulté pour conclure, ce groupement jette l’éponge et, dans un deuxième temps, l’État va reprendre la main. Ce dernier décide, sur le tracé maintenant définitif, de lancer une mise en concurrence pour son exploitation dans le cadre d’une délégation de service public. Cette deuxième tentative échoue elle aussi par manque de concurrents : seul Vinci est candidat. Nous sommes en 2008 et le sujet est mis en sommeil. Au plus haut sommet de l’État, on s’interroge à juste titre sur la pertinence de ce projet du fait du lancement du métro du Grand Paris (qui deviendra la ligne 17 du Grand-Paris Express) qui permettra de relier à l’aéroport les quartiers ouest (la Défense) ou nord-ouest de Paris (Saint-Lazare) respectivement en 35 ou 33 minutes.

C’était ne pas connaître les capacités de notre système libéral à faire renaître de leurs cendres ces grands projets inutiles et imposés (GPII) ! Ainsi CDG-Express réapparaît en 2015 avec la loi Macron qui habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure permettant sa construction. Immédiatement, une ordonnance de février 2016 attribue à une société détenue majoritairement par SNCF Réseau (le nouveau nom de RFF) et Aéroports de Paris, « une concession de travaux ayant pour objet la conception, le financement, la réalisation ou l’aménagement, l’exploitation ainsi que la maintenance » de cette liaison ferroviaire. Le coût du projet est estimé à environ 1,5 milliard d’euros soit 6 fois plus que les crédits dépensés pour la rénovation du RER B (250 millions) ! Au final il s’agira de transporter, à l’horizon 2050, de l’ordre de 9 millions de passagers par an, soit ce que la ligne B du RER fait en une dizaine de jours actuellement !

En raison de l’importance des investissements, l’Arafer (autorité de régulation des activités ferroviaires) a été sollicitée. Certes, elle donne un avis favorable, mais le conditionne au fait que l’État couvre par des financements publics la participation de SNCF Réseau à ce projet. En français, cela veut dire que, s’il doit se faire, le contribuable devra mettre la main à la poche. Cela est inquiétant, d’autant plus que les recettes attendues de la vente des billets (autour de 24 euros le trajet) sont insuffisantes pour boucler le projet. Une contribution (taxe) devrait être demandée aux passagers aériens ce qui fera forcément grogner le lobby aérien ! Le STIF lui aussi, donne un avis favorable sous réserve d’une dizaine de conditions qui concernent toutes l’impact négatif que pourrait avoir cette nouvelle ligne sur le réseau de banlieue qu’il exploite, que ce soit sur le sillon nord (RER B et K), en gare de l’EST ou dans celle de Roissy CDG.

Considérant cette avalanche de précautions absolument pas rassurantes, la fragilité du financement qui impliquera obligatoirement le contribuable, la concurrence que lui font les autres dessertes existantes ou à venir qui mettent en cause son équilibre, ce projet a toutes les caractéristiques des GPII d’autant plus qu’il stigmatise l’écart entre les usagers de banlieue et les passagers des aéroports avec sa logique de transport à deux vitesses.
Ce projet de desserte de Paris CDG doit retourner dans ses cartons, à une place qu’il n’aurait jamais dû quitter. C’est ce qu’ont affirmé, dans le cadre de la concertation en cours, un grand nombre d’élus (dont Clémentine Autain et François Asensi d’Ensemble !) et de militants associatifs en invitant les usagers à dire « non à CDG-Express et oui à la modernisation du service public ferroviaire ! » Mais pour des sujets importants comme celui-là, qui viennent mettre en péril le transport quotidien des Franciliens, le minimum obligatoire que sont les procédures légales est-il suffisant au regard de la demande de participation des usagers ?

René Durand