Décidément, chaque jour apporte son lot de révélations sur les sommes dépensées pour l’appartement du secrétaire général de la CGT, Thierry Lepaon, sans que la direction de la CGT réponde aux questions que se posent ses syndiqués et les salariés qui lui font confiance.
Après deux jours de débats houleux les 4 et 5 novembre, le Comité confédéral national (CCN), assemblée rassemblant les secrétaires de fédérations et d’unions départementales (UD), s’est conclu dans la plus grande confusion. Les débats n’ont ni permis les éclaircissements demandés par les organisations de la CGT ni de refaire son unité puisque la majorité du bureau confédéral a campé sur ses positions, tentant d’imposer une analyse univoque de la situation : nous faisons face « à une campagne de dénigrement visant toute la CGT, à travers les attaques dont fait l’objet notre secrétaire général… » (déclaration du CCN du 5 novembre, envoyée aux organisations sans qu’un vrai débat ait pu permettre de vérifier si elle correspondait au souhait de toutes les organisations présentes).
Devant la colère et la profusion d’interventions estimant ses explications insuffisantes, le secrétaire général apparaît bien affaibli. Refusant les demandes de création d’une commission du CCN pour établir de nouvelles règles de contrôle, Thierry Lepaon cherche à imposer un remaniement du bureau confédéral, sommant chacun « de serrer les coudes » quand « la CGT est attaquée ». Dans cette déclaration finale du CCN (que Thierry Lepaon avait refusée la veille), la formule selon laquelle « nous réaffirmons notre solidarité et notre confiance » au secrétaire général aurait été ajoutée après le vote qui s’est déroulé dans une grande confusion, le texte n’étant pas finalisé au moment du scrutin. Quant à la composition remaniée du bureau confédéral (deux entrées supplémentaires pour consolider la position de Thierry Lepaon), après un premier échange à la Commission exécutive (CE) du 12 novembre, elle ne pourra statutairement être votée que par le prochain CCN, prévu en février 2015. A moins que la situation n’empire et que le « parlement » de la CGT ne doive se réunir plus tôt, comme l’ont demandé plusieurs fédérations ou UD…
Même si toutes les questions ne sont pas liées, les désaccords au sein de la CGT ne portent pas que sur le montant exorbitant des travaux de l’appartement de Vincennes. Ainsi, les divergences sur l’orientation à développer face au gouvernement Valls ne sont pas récentes. Lors du débat d’actualité au CCN, plusieurs représentants ont critiqué les journées d’action improductives menées par la seule CGT. Certains ont estimé que la CGT devrait s’associer aux manifestations organisées le 15 novembre par le Collectif Alternative à l’austérité (dit Collectif 3A), appel dont plusieurs secrétaires généraux de fédérations, d’unions départementales ou de syndicats sont signataires. Ainsi, les secrétaires généraux de l’union régionale Ile-de-France, de l’union départementale de Haute-Garonne, de la fédération des services publics et de bien d’autres, avaient déjà appelé à participer à la manifestation du 12 avril contre l’austérité, aux côtés de partis politiques et d’associations (voir nos articles sur le site). Beaucoup de syndicalistes CGT ne comprennent pas que l’unité réalisée avec la FSU et Solidaires, contre l’accord ANI de janvier 2013, contre la réforme des retraites de l’automne 2013, contre l’extrême droite ne soit pas généralisée concernant les politiques antisociales mises en œuvre par le président Hollande et ses gouvernements successifs. Au-delà, et suite à la violence de la politique économique qu’impose gouvernement et patronat, d’autres pensent qu’il faudrait élargir encore plus. Par exemple, à toutes les organisations syndicales qui prennent, à des rythmes différents, leurs distances avec le gouvernement. Celles-ci pourraient se rejoindre pour construire un rapport de force conséquent afin d’arracher des victoires. Rappelons aussi que le déroulement de plusieurs négociations a déjà provoqué des remous dans la CGT (ANI de 2013, formation professionnelle), ainsi que la participation aux tables rondes sociales du gouvernement, comme en juillet 2014 (où la CGT n’y a, finalement, pas participé).
Moins d’un mois avant les élections générales dans la fonction publique d’Etat, territoriale et hospitalière, pour la CGT l’enjeu est bel et bien de faire la preuve de son utilité pour organiser les luttes et défendre les salariés, les privés d’emploi, les retraités. Construire un syndicalisme de luttes tout en étant ouvert à une construction unitaire audacieuse, adopter des procédures démocratiques de débat en respectant les principes du fédéralisme, revoir les rapports entre syndicalisme et forces politiques : le mouvement syndical ne pourra faire l’économie de ces débats d’orientations stratégiques. C’est vital pour la CGT.
Alice Dubost. Le 9 novembre 2014.
Cette crise tombe à point nommé au moment où le patronat veut « assouplir » de nouveau le droit du licenciement ou imposer la hausse des seuils sociaux permettant d’avoir des délégués du personnel, des délégués syndicaux, un comité d’entreprise ou un CHSCT. Et l’oreille du gouvernement est tellement attentive aux injonctions du patronat… Mais le MEDEF est très occupé : il prépare une semaine de « mobilisations » et de manifestations à partir du 1er décembre. Après « la manif pour tous », le MEDEF pour tous ? Effrayant.