Ce matin (mercredi 29 octobre) nous n’étions pas à la fête, à 6h30 au Petit Clamart. Nous étions rassemblés pour assister à l’expulsion de 27 familles de Roumains pauvres qui habitaient là depuis plus de 5 ans pour la plupart.
Dans le brouillard et la nuit du petit matin, l’émotion était à son comble quand on a vu chaque famille rassemblée devant sa maison, pauvre maison en planches, avec ses enfants habillés chaudement et ses paquets entassés. Dimanche dernier, lors d’une réunion sur place, ces familles avaient demandé que nous ne nous opposions pas à l’expulsion, donc, nous étions « juste là » avec nos appareils photo tout de même…
Il y avait les trois associations qui se sont le plus occupé d’eux depuis des années : Ligue des Droits de l’Homme, Secours Catholique, Rom Europe. L’appel fait auprès de Ensemble ! a amené trois militants, les Verts étaient 3 aussi, la gauche clamartoise radicale était présente aussi. Ni le PS, ni le PCF n’étaient là (j’aurais sans doute eu du mal à leur parler poliment…). Au total, nous étions une quinzaine de militants présents pour les soutenir et leur réchauffer le cœur dans la mesure de nos moyens. Une des habitantes nous a distribué des bonbons à un moment en disant: « prenez, vous ne voulez quand même pas qu’on les distribue aux policiers! »…
A 7h30 environ, une centaine de CRS a pris position dans la longueur de l’allée de ce « petit village » de pauvres au milieu de la banlieue bourgeoise de Paris. Il y avait aussi des policiers en tenue, en civil, avec ou sans brassard , deux commissaires et un groupe de CRS casqués à l’écart pour le cas où… Tout cela avec le blocage d’une file de circulation de la bretelle allant au Petit Clamart, à une heure de pointe, pendant plus de deux heures…
Avec les « forces de l’ordre », sont arrivés quelques cravatés : le sous-préfet des Hauts de Seine, par exemple, que les trois assoc citées plus haut voyaient pour la première fois malgré les dizaines de demande de rendez-vous depuis plusieurs années. La Maire de Bièvres est également venue un peu plus tard (imaginez Nadine Morano mais grisonnante). Et puis quelques personnes en civil avec des dossiers sous le bras. Pour moi, c’est ça le vrai visage de la dictature « moderne » : un homme en civil avec un dossier sous le bras !
Une policière a plusieurs fois fait demander par un interprète de bien expliquer aux gens qu’ils disent ce qu’ils veulent ou non garder car ce sera trop tard s’ils ne le disent pas tout de suite.
Ensuite, sont arrivées des camionnettes de déménagement avec tous les employés en combinaison de travail intégrale blanche et gants (comme si les roumains avaient ebola). Tout se passait bien, dans la résignation. Les employés en blanc ont pris avec des précautions correctes (tout se passait bien, je vous dis) les objets que leur ont désignés les habitants pour les mettre je ne sais pas où (aussi bien au garde meuble qu’à la déchetterie…). En effet, ce soir il ne devra RIEN rester sur place. Les familles ont été regroupées en haut du village à un endroit élargi, une sorte de place de transbordement (en allemand, Umschlagplatz, cherchez dans wikipedia !). Elles se sont regroupées de bonne grâce, en petits groupes avec leurs baluchons… Images saisissantes et effrayantes…
Ensuite sont arrivées les personnes de ADOMA et de la DRIHL qui avaient des hébergement pérennes à offrir à moins de la moitié des villageois et des hébergements en hôtel pour trois nuits aux autres. Evidemment ces hébergements se situent à Limay, Nanterre, Arcueil, Puteaux, etc… dans le but de les séparer. Tout se passait bien , je vous dis.
Ensuite, on a fait monter certaines familles dans deux petits autocars accompagnées par le Secours Catholique pour aller à Limay. Les autres devaient a priori se débrouiller.
Vers 9h30, nous avons dû partir nous aussi pour aller au boulot. Au passage, plusieurs habitants nous ont dit: « merci, merci beaucoup »…. Mais, de quoi ? Qu’avons-nous fait ? Simplement être là….
Tout s’est bien passé, je vous dis…. Il me reste un doute : je n’ai pas vu où était le bâtiment des douches….
Et tout ça, c’est un gouvernement socialiste qui le met en œuvre.
Il nous reste la colère et la honte.
Philippe Antzenberger