La violence de la répression israélienne en Cisjordanie a atteint un stade inégalé depuis la fin de la seconde intifada (2005) : attaques meurtrières de l’armée contre les camps de réfugiés, agressions des colons contre les villages palestiniens et les communautés bédouines, répression judiciaire contre la résistance populaire non violente.

Cisjordanie : une répression tous azimuts

Par l’équipe d’animation de la commission Palestine/Israël d’ENSEMBLE!, le 29 avril 2024

La violence génocidaire des forces d’occupation israéliennes (FOI) à Gaza et la tentative d’élargissement du conflit dissymétrique avec l’Iran (avec l’attaque provocatrice de l’État israélien contre le Consulat iranien à Damas) ne doivent pas faire oublier la violence de la répression en Cisjordanie qui a atteint un stade inégalé depuis la fin de la seconde intifada en 2005.

Cette répression se manifeste par des attaques des FOI contre les camps de réfugiés et les villes, par des agressions, voire des pogroms des colons et une répression sans fin contre la société civile, en particulier contre les étudiant.es et les universitaires.

Le bilan de cette répression entre le 7 octobre 2023 et le 20 avril 2024 est, a minima, de 465 personnes tuées (dont 116 mineurs), 4900 blessées et 8300 arrêtées. Plus de 700 agressions de colons contre des villageois palestiniens ou des communautés d’éleveurs bédouins ont eu lieu entre le 7 octobre 2023 et le 2 avril 2024, selon l’ONU.

Le mois d’avril a été particulièrement difficile pour la population palestinienne de Cisjordanie.

Début avril, deux étudiantes, militantes, ayant protesté contre le processus génocidaire à Gaza, ont été arrêtées.

L’une, Layan Nassir (24 ans), membre du groupe étudiant Pôle Démocratique et Progressiste Étudiant (syndicat de gauche), a été condamnée à quatre mois de détention administrative, sans charge, ni procès.

À la mi-avril, la police israélienne a arrêté Nadera Shalhoub-Kevorkian, enseignante à l’université hébraïque de Jérusalem, pour « incitation à la violence et apologie du terrorisme ». En fait, elle avait protesté contre l’entreprise génocidaire à Gaza et demandé un cessez-le-feu. La justice l’a libérée le lendemain. L’arrestation de cette universitaire palestinienne de citoyenneté israélienne n’est qu’une étape supplémentaire du processus de répression qui s’abat sur elle depuis six mois (demande de démission, cyber-harcèlement, etc.).

Tout est bon pour faire taire les voix palestiniennes, pacifistes ou de résistance non violente.

À l’inverse, rien n’est fait par Israël pour assurer la sécurité des Palestinien·nes, qui est pourtant de son ressort, en tant que puissance occupante.

Du 12 au 14 avril, suite à la mort d’un jeune berger israélien issu d’un avant-poste1avant-poste : structures coloniales légères (quelques bungalows ou autres habitats légers) installées par des groupes de colons extrémistes (« Jeunes de collines » en particulier) en dehors des projets étatiques. Bien que considérés comme illégaux par les autorités israéliennes, ils sont protégés par les FOI. Parfois, ils sont démantelés par les forces de police, le plus souvent légalisés après un délai généralement assez long., des milliers de colons, dont de nombreux extrémistes des « Jeunes des collines »2« Jeunes des collines » : jeunes colons radicaux, proches de l’extrême droite suprémaciste, qui pensent que les Palestiniens doivent être expulsés de Cisjordanie., ont attaqué plus d’une dizaine de villages palestiniens au nord de Ramallah, avec le soutien des FOI.

Ces villages, généralement bouclés par l’armée, ont vu des hordes sauvages de colons se livrer à de véritables pogroms. À Al-Moughaïr, notamment, il y eut 2 morts et plus de 25 blessés et de nombreuses voitures ainsi que des maisons furent incendiées. Ces attaques se sont multipliées depuis le 7 octobre et, parallèlement, de nouveaux avant-postes – illégaux même pour le gouvernement israélien – ont été créés par des colons extrémistes afin d’accroître peu à peu l’espace contrôlé par les colonies sur des terres palestiniennes.

Si la violence des colons s’exerce principalement en milieu rural (zones B et C)3Suite aux accords d’Oslo, la Cisjordanie a été partagée en 3 zones : A, B et C. La zone A concentre plus de la moitié de la population (dont toutes les villes) sur 20 % du territoire. L’Autorité palestinienne (AP) est chargée de sa gestion, y compris sécuritaire, mais Israël s’arroge la possibilité — illégale – d’y intervenir à tout moment. Dans la zone B (un tiers de la population sur 20 % du territoire), l’AP est responsable des activités civiles et Israël de la sécurité. La zone C (10 % de la population sur 60 % du territoire) est entièrement gérée par la puissance coloniale., celle des FOI est essentiellement urbaine (zone A). Les camps de réfugiés, comme celui de Jénine et celui de Nour-Shams à Tulkarem, sont particulièrement ciblés.

Au prétexte qu’il y a dans ces camps des militants armés, les FOI y multiplient les interventions.

La dernière attaque du camp de Nour-Shams qui a duré une cinquantaine d’heures, du 18 au 20 avril, a été la plus violente depuis 2002. Elle a été menée par des FOI lourdement armées (bulldozers blindés, missiles, drones, armes de précision…).

Son bilan humain est particulièrement dramatique : 14 morts dont 2 adolescents, plus de 25 personnes blessées, une quinzaine arrêtées (du côté israélien, il n’y eut que quelques blessés, légers pour la plupart).

Le bilan matériel est, lui aussi, lourd : rues défoncées, canalisations d’eau et câbles électriques coupés, maisons, échoppes, restaurants détruits ou saccagés et même un centre pour handicapés rasé.

Par ailleurs, des militaires des FOI ont laissé des traces dans les appartements qu’ils ont occupés : étoiles de David, 7-10, ainsi que le mot neqamah (vengeance en hébreu). D’autres ont interdit l’évacuation de malades ou de blessés et, parfois, ont détruit des ambulances. Des journalistes aussi ont été ciblés par des militaires.

Ainsi, depuis le 7 octobre, la violence en Cisjordanie – quelle que soit sa forme – n’a pas cessé de se développer et l’on peut craindre qu’elle s’amplifie encore.

Notes
  • 1
    avant-poste : structures coloniales légères (quelques bungalows ou autres habitats légers) installées par des groupes de colons extrémistes (« Jeunes de collines » en particulier) en dehors des projets étatiques. Bien que considérés comme illégaux par les autorités israéliennes, ils sont protégés par les FOI. Parfois, ils sont démantelés par les forces de police, le plus souvent légalisés après un délai généralement assez long.
  • 2
    « Jeunes des collines » : jeunes colons radicaux, proches de l’extrême droite suprémaciste, qui pensent que les Palestiniens doivent être expulsés de Cisjordanie.
  • 3
    Suite aux accords d’Oslo, la Cisjordanie a été partagée en 3 zones : A, B et C. La zone A concentre plus de la moitié de la population (dont toutes les villes) sur 20 % du territoire. L’Autorité palestinienne (AP) est chargée de sa gestion, y compris sécuritaire, mais Israël s’arroge la possibilité — illégale – d’y intervenir à tout moment. Dans la zone B (un tiers de la population sur 20 % du territoire), l’AP est responsable des activités civiles et Israël de la sécurité. La zone C (10 % de la population sur 60 % du territoire) est entièrement gérée par la puissance coloniale.