A peine arrivée rue de Valois, la nouvelle ministre de la Culture et de la Communication Fleur Pellerin a décidé de frapper vite et fort en plaçant un pistolet de fabrication néolibérale sur la tempe des salariés de l’AFP, en décidant ex abrupto de rendre caduc le statut de l’une des trois premières agences mondiales d’information.
Cette décision met gravement en péril l’indépendance de l’agence, d’une part sur le plan technique par la création d’une filiale ad hoc et d’autre part sur le plan rédactionnel par une modification sensible du statut de 1957.
Le comble du cynisme dans cette affaire est que le gouvernement Valls veut administrer ces potions quelques semaines après la commémoration de la libération de l’agence par une poignée de journalistes résistants, qui il y a 70 ans ont chassé les armes à la main les hommes de Vichy.
Tout un symbole !
Faut-il rappeler à la Ministre que l’AFP n’existe que par la seule volonté de la Nation qui a doté la France d’une agence d’information à rayonnement mondial pour assurer une information « exacte, impartiale et digne de confiance », selon les statuts de la loi du 10 janvier 1957 (votée à l’unanimité du parlement à l’époque). Ceux-ci stipulent que l’AFP « ne doit, en aucune circonstance, passer sous le contrôle de droit ou de fait d’un groupement idéologique, politique ou économique ». Si la proposition de loi était adoptée cet article fondamental serait frappé de nullité et l’agence risquerait une perte grave de son indépendance qui en fait sa substantifique moelle reconnue par tous les medias.
C’est le libre accès à l’information par les citoyens qui est mis en cause : quel groupe privé acceptera que l’information aille à l’encontre de ses intérêts ?
Aujourd’hui, la Ministre veut « légiférer à brève échéance », c’est-à-dire en bon français « on fonce » pour faire appliquer le rapport du député PS de l’Oise Michel Françaix, sans tenir compte des oppositions à ce projet des personnels et de leurs organisations syndicales.
Contrairement aux assertions mensongères, la réforme de l’agence n’est pas réalisée « dans le plein respect de son autonomie », puisque la création d’une filiale technique dans le projet Françaix met en danger l’équilibre subtil de l’architecture de l’agence et brise le statut de 1957 qui, depuis plus d’un demi-siècle, a assuré l’indépendance rédactionnelle et technologique de l’agence.
Il a également permis, n’en déplaise à la doxa néolibérale et à ses adeptes dans les gouvernements de Sarkozy et Hollande, de conserver sa place au sein du trio des principales agences mondiales avec le concours de ses 2000 salariés sur les 5 continents.
Sarkozy en a rêvé, Hollande le fait.
En adoubant cette réforme, Fleur Pellerin introduit la privatisation rampante de l’agence, via la filiale qui ne relèvera pas de la loi de 1957. Cette filiale, qui pourrait être abondée par la Caisse des Dépôt, a pour but de louer ses services contre paiement d’une redevance à l’AFP ! L’exemple de la SNCF avec la création de RFF est éloquent sur les risques inhérents à ce genre de filialisation.
Cette construction kafkaïenne trouve sa justification officielle dans les imprécations de la Commission européenne appliquant stricto sensu la règle de la concurrence libre et non faussée, sans tenir compte des règles de l’UE en matière d’exception culturelle.
De plus, la nouvelle construction juridique de l’agence, prônée par ces apprentis sorciers en mal de privatisation et reprise dans la Proposition de Loi du groupe socialiste à l’Assemblée, menace non seulement à terme les financements des missions d’intérêt général de l’agence par l’Etat, mais également la façon dont serait organisée la gouvernance de l’AFP avec des modifications de structures qui, sous des aspects formels, pèseront sur l’avenir de la 3eme agence mondiale, la seule non anglophone de ce niveau, vecteur de la francophonie dans le monde.
Le FdG Médias demande urgemment que soit observé un moratoire sur ces projets mortifères qui, sous couleur de modernité, de toilettage de forme, reflètent en réalité une pensée mercantile et, plus grave encore, la volonté de contrôler l’information. D’autant que l’actuel président de l’AFP semble plus motivé par une présidence dans l’audiovisuel public que par la gestion de l’AFP, où l’état de la trésorerie ne laisse d’inquiéter les salariés et les syndicats. Sans oublier l’absence de dialogue social et la volonté de l’actuelle gouvernance, dénoncée par les interlocuteurs sociaux,  de remettre en cause les acquis sociaux des salariés.
Pour toutes ces raisons, le FdG Médias propose la tenue d’une table ronde qui pourrait-être prise par les parlementaires Front de Gauche à l’Assemblée et au Sénat, en présence des représentants de l’Etat, de la presse et des personnels, pour assurer les voies et moyens d’un financement pérenne de l’agence et le respect de son statut.  Comme s’y était engagé le candidat François Hollande en 2012.