Neuf députés européens du RN et 12 assistants parlementaires ont été condamnés pour détournement d’argent public au profit de leur parti. Pour François Calaret, il s’agit là d’une certaine conception de la politique, de l’éthique et de l’usage de l’argent public. Ces questions ne sont ni anecdotiques ni mineures.

Condamnation du RN : débattre du fond

Par François Calaret. Le 13 avril 2025.

Réactions du RN

Deux semaines se sont écoulées depuis la condamnation de neufs députés européens du RN et 12 assistants parlementaires pour un système de détournement d’argent public au profit de leur parti. Après avoir crié au complot et au procès politique visant à l’empêcher de gagner la présidentielle de 2027, Marine Le Pen semble vouloir remettre son parti sur les rails de la présidentialisation en pariant sur un « trou de souris » qui lui permettrait d’échapper à une condamnation définitive.

Confusion à gauche

À gauche, les réponses ont été diverses. L’idée, notamment avancée par la France insoumise que « la décision de destituer un élu devrait revenir au peuple » revient à confondre légitimité et légalité.

Les mécanismes de révocation d’un élu (qui existent par exemple aux États-Unis) peuvent se débattre dans le cadre de contrepouvoirs démocratiques face à des représentants qui seraient considérés au cours de leur mandat comme illégitime par leur action.

Mais être condamné pour des actes illégaux est d’une nature différente. Cela suppose par ailleurs le respect du droit de se défendre, d’avoir un avocat, un procès équitable, ce que le référendum révocatoire ne prévoit pas, car il ne s’agit pas d’une procédure judiciaire.

De nombreuses autres voix à gauche ont souligné que le véritable scandale n’était pas l’exécution provisoire de la peine, mais la réalité des détournements de fond, tout en essayant de prendre la mesure du séisme politique que représentent la condamnation de la présidente du RN et son impact sur la situation politique.

Discuter des faits

Il peut donc être utile de discuter des faits eux-mêmes d’autant que d’autres affaires judiciaires, souvent de moindre ampleur, que le détournement quasi industriel opéré par le RN, ont touché d’autres partis politiques, que ce soit le Modem ou le PCF.

C’est une question qui dépasse le cas du RN et comme l’ont affirmé certaines personnalités politiques « tout le monde fait cela ».

Au-delà de la question de l’amélioration du « confort de vie » relevé par le jugement, le reproche principal est la rémunération via des fonds publics d’activités propres du RN en lieu et place du travail à réaliser dans le cadre de postes d’assistants parlementaires (qui deviennent des « emplois fictifs » comme l’a reconnu le dirigeant RN Wallerand de saint Just). La défense des dirigeants du RN s’appuyant sur le fait qu’il n’y a pas de séparation totalement étanche entre les activités militantes du RN et celles faites dans le cadre parlementaire. Tout cela se mélangerait dans une même bataille d’idées.

Qu’est-ce qui se joue dans cette question ?

Avant tout, une certaine conception de la politique, de l’éthique et de l’usage de l’argent public. Et il faut reconnaître que la gauche n’a pas toujours été à la hauteur des exigences de transparence et de cohérence dans le rapport aux institutions.

En effet, si on considère que les institutions sont corrompues, aux mains de la « classe dirigeante » ou de l’oligarchie », utiliser l’argent public pour développer l’activité d’un parti, qui bien sûr est censé être porteur des intérêts supérieurs des exploités et qui combat cette oligarchie, peut apparaître comme légitime. Bref, la fin justifie les moyens.

Céder à cette logique, tout comme d’affecter à l’usage d’un parti d’autres sources de financement public ou de moyens matériels auxquels les élus peuvent accéder, c’est faire une double erreur politique.

Éviter une double erreur politique

D’une part sur la conception qu’implique l’exercice démocratique d’un mandat électoral. Être élu, même d’opposition, fait accéder à un certain nombre de possibilités matérielles qui doivent être encadrées et soumis à contrôle public, sans naïveté par rapport à ce que sont les institutions aujourd’hui, leurs limites et leur partialité.

D’autre part, c’est sous-estimer la profondeur de la crise politique que de considérer ces questions comme anecdotiques ou mineures. La défiance des citoyens et citoyennes envers le monde politique s’enracine dans une perception aigüe, accumulée par des années de scandales, de renoncements de contradictions entre ce qui est dit et ce qui est fait par le personnel politique, qui pousse aujourd’hui à un haut niveau les exigences de transparence dans l’usage de l’argent public. Cette exigence touche toutes les forces politiques et c’est plutôt une bonne chose.

La gauche aurait tout intérêt à prendre la mesure de cette situation pour répondre aux enjeux de la crise politique d’aujourd’hui.