Un peu avant la rentrée scolaire, la décision de geler les contrats aidés s’est particulièrement faite entendre. Le gouvernement Macron a en effet estimé que « si les emplois aidés avaient été un instrument efficace de lutte durable contre le chômage, ça se serait vu ». L’argument n’est pas nouveau. Déjà en 2007, le gouvernement de Sarkozy avait tenté de réduire les contrats aidés mais il avait finalement revu sa copie afin d’amortir le choc de la crise économique de 2008.
Mais aujourd’hui, le gouvernement Macron ne semble pas vouloir reculer. La décision du gouvernement de geler les contrats aidés (c’est-à-dire les CUI et les CAE) va conduire à une baisse de plus de 40% des contrats aidés au second semestre 2017 avec une restriction drastique en 2018. Plus de 150 000 emplois vont être supprimés cette année, et sans doute 100 000 contrats supplémentaires en 2018.
Les contrats aidés sont-ils si coûteux ? Le journal Alternatives Economiques montre que la facture globale des contrats aidés est de 2,4 milliards d’euros en 2017. C’est quinze fois moins cher que les exonérations de cotisations sociales (36 milliards d’euros en 2016) et dix fois moins cher que le crédit impôt compétitivité emploi (CICE, 23 milliards d’euros en 2017). Tous deux sont favorables au patronat et ne créent que peu d’emplois contrairement aux contrats aidés. Comme le souligne le député François Ruffin, qui a aussi lancé avec son équipe une pétition et un site http://www.rendslescontratsaides.fr/, « nous refusons que le gouvernement vienne faire de minables économies sur le dos des plus faibles ».
Les contrats aidés ciblent en priorité les personnes les plus éloignées du « marché du travail » en leur permettant de remettre le « pied à l’étrier » et de reprendre confiance. Si l’efficacité des contrats aidés en termes d’insertion doit être relativisée, en particulier dans le secteur non marchand, il faut qu’ils s’adressent aux personnes les plus en difficulté dans une période de chômage de masse.
Par ailleurs, l’annonce du gouvernement d’orienter une partie des budgets dédiés aux contrats aidés vers la formation professionnelle doit être prise avec prudence. Comme le rappelle le syndicat Sud ASSO : « Ce n’est pas la formation professionnelle qui crée de l’emploi, cette dernière est partie intégrante de l’emploi et est une obligation de l’employeur »[1].
Les services civiques à la rescousse
Mais l’objectif du gouvernement en gelant les contrats aidés n’est pas de lutter contre le chômage et la précarité. En effet, la ministre du travail a incité les préfets à recourir aux services civiques pour compenser la diminution des contrats aidés.
Certaines associations, administrations et collectivités n’avaient pas attendu le gouvernement pour remplacer des contrats aidés en services civiques. Pour le Mouvement Associatif, « c’est une confusion inacceptable : le service civique est destiné à favoriser l’engagement des jeunes, et non à pourvoir des emplois qui ne peuvent être financés. La loi le spécifie d’ailleurs, en précisant qu’une mission de service civique ne peut se substituer à un emploi »[2].
Résultat : plus de précarité. Car les jeunes en service civique ne touchent qu’une indemnité moyenne de 570 euros par mois. Ils ne bénéficient d’aucun droit au chômage ni de prime de précarité. Le service civique n’est donc pas un véritable contrat de travail puisqu’il échappe largement au droit du travail (ou ce qu’il en reste). Ce n’est pas sans rappeler les fameux « jobs d’intégration à 1€ » mis en place en Allemagne, qui ont contribué à faire exploser la pauvreté de l’autre côté du Rhin – le miracle Allemand est surtout un mirage pour les travailleurs, mais ça n’empêche pas Macron de faire appel aux mêmes conseillers du néolibéralisme[3]…
Tout le monde est concerné par la suppression des contrats aidés : suppression d’accueil périscolaire dans de nombreuses écoles, réduction de l’aide aux personnes âgées dans les maisons de retraite, etc. Plus largement c’est un ensemble de services sociaux et de santé assurés notamment par des contrats aidés qui ont été touchés. Et la situation est encore plus tendue dans les départements d’outre-mer que dans la métropole !
Des fonctionnaires en moins
Les élus de tous bords n’ont cessé à travers leurs associations d’élus, au premier rang desquelles l’Association des maires de France (AMF), de dénoncer cette suppression des contrats aidés. Ce consensus entre les élus peut cependant interroger sur l’armée de réserve de précaires qui assurent le fonctionnement des services assurés par les collectivités locales, notamment dans les écoles, les établissements d’hébergement, les bibliothèques, etc.
Rappelons que le nombre total d’agents de la fonction publique ne cesse de diminuer depuis des années aux prix d’un déversement vers des contrats précaires dans les administrations ou les associations devenues délégataires de services publics.
Le Collectif des Associations Citoyennes (CAC) a d’ailleurs déposé avec d’autres structures un recours au Conseil d’État afin d’obtenir l’annulation de la décision concernant les emplois aidés. Le CAC rappelle les paradoxes de cette décision : « alors qu’ils se réclament de la « société civile », une série de dispositions et d’annonces gouvernementales démontrent un dédain, voire un mépris pour les associations, tout comme pour l’ensemble de la société civile hors « start-up » et « entrepreneurs ». »
L’ « affaire » des contrats aidés aura au moins permis de rendre visible un ensemble de travailleurs, et surtout de travailleuses, qui assurent quotidiennement au sein des administrations, les collectivités et les associations, un ensemble de services d’ « intérêt général » ou d’ « utilité sociale » indispensable à la cohésion sociale dans notre société.
Mais peut-on se satisfaire d’un « statut quo » sur les contrats aidés ? Non. Il faut rattacher cette lutte à la mobilisation actuelle contre la loi Travail II et son monde et revendiquer un vrai travail qualifié et un vrai salaire pour l’ensemble des travailleur.se.s, qu’ils ou elles soient dans le public, le privé ou l’associatif.
Sylvain, E! 80.
[1] Voir l’article « Mme Penicaud, la fin des contrats aidés : c’est CUI-CUI les petits oiseaux » sur le site de Sud ASSO (http://www.syndicat-asso.fr/)
[2] Issu de l’article « Contrats aidés : le Mouvement associatif réagit aux dernières annonces du gouvernement » sur le site du Mouvement associatif (https://lemouvementassociatif.org/). Le Mouvement Associatif des Hauts de France a d’ailleurs lancé un questionnaire et une page dédiée sur son site Internet pour avoir des informations (http://www.lemouvementassociatif-hauts-de-france.org/)
[3] Voir l’article « L’enfer du miracle allemand » (septembre 2017) sur le site du Monde diplomatique (http://www.monde-diplomatique.fr/)