Une mobilisation admirable.
Contre la discrimination et la libéralisation, les étudiant-e-s s’organisent.
Depuis les annonces d’Edouard Philippe qui, le lundi 19 novembre, a annoncé une multiplication par 16 des frais d’inscription des étudiant-e-s non-européen-ne-s, et le rapport de la Cour des comptes préconisant une augmentation des mêmes frais pour les nationaux, des résistances s’organisent. Des journalistes et des responsables politiques de LREM, de LR et autres prétendent que cela reste un « projet » sans doute sans suite. Pourtant, Campus France, établissement public dont le site internet est consulté par tou-te-s les étudiant-e-s souhaitant venir en France, annonce déjà des coûts d’inscription à hauteur de 2770 euros par an en licence, et 3770 pour une année de master ou de doctorat, applicable même aux étranger-e-s non communautaires vivant déjà en France mais changeant de cycle l’année prochaine.
Lucidement, les étudiant-e-s ont déjà posé les jalons d’une contestation de grande ampleur. Le contexte politique peut donner un élan à cette mobilisation ; mais il nous faut insister, dans une période d’incertitudes, sur la nécessité de la bataille contre la xénophobie et toute forme de racisme, ainsi que sur l’importance des combats pour une éducation émancipatrice, démocratique, et (osons) populaire.
Comités de mobilisations, manifestations, assemblées générales et blocages
Dès le 23 novembre, une Coordination étudiante contre la hausse des frais d’inscription pour les étudiant-e-s étranger-e-s s’organisait, dans l’objectif d’informer et de mobiliser pour faire reculer le projet du gouvernement. La Coordination a ainsi produit plusieurs vidéos https://www.facebook.com/universitesansfrontiere/videos?ref=page_internal  d’informations dans lesquelles des étudiant-e-s non communautaires développent, à l’aune de leur expérience personnelle, des arguments contre une loi contraire aux idéaux universalistes et démocratiques auxquels la France peut encore parfois être associée de par le monde.
Le gouvernement fait la sourde oreille ; les étudiant-e-s ont organisé des manifestations. Ainsi à Lyon le samedi 1er décembre, plus de 500 manifestant-e-s, bientôt rejoint-e-s par des Gilets jaunes, ont scandé devant l’Université Lyon 2 leur mécontentement. Dans la capitale, alors que plusieurs manifestations étaient organisées le même jour, des centaines d’étudiant-e-s déterminé-e-s se sont réuni-e-s devant le Panthéon. Pendant ce temps, des centaines de milliers de personnes faisaient circuler des pétitions contre les annonces gouvernementales, la première d’entre-elles ayant reçu près de 300 000 signatures en quinze jours.
Mais ces actions semblent insuffisantes pour attirer l’attention du premier ministre ou du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche (ESR). Des dizaines d’Assemblées générales (AG) ont donc été organisées partout en France dès la fin du mois de novembre. Après une première AG à Tolbiac le 30 novembre, les étudiant-e-s et le personnel de l’Université ont décidé en AG le mardi 4 décembre de voter le blocage pour le lendemain matin. Après les évènements du printemps dernier dans cette université, il y a fort à parier que le gouvernement redoute un mouvement d’ampleur lancé depuis Tolbiac. L’Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle réunie en AG les 3 et 4 décembre a également voté le blocage du site de Censier pour mercredi et jeudi. À Paris 7, Paris 5, Paris 8, à Nantes, Grenoble, Lyon, Nancy, et Metz, à Valencienne, Rennes, Nanterre, Toulouse et Lille, partout des AG se réunissent pour organiser la contestation.
La mobilisation s’élargit encore
Les étudiant-e-s insistent partout sur la logique d’ensemble – néolibérale – qui englobe la question de l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiant-e-s étranger-e-s non européen-ne-s. Celle-ci est liée au projet plus vaste d’ « ouverture » des frais d’inscription dans le supérieur, corolaire de l’ « autonomisation » des universités qui gèrent, depuis la loi LRU de Sarkozy, elles-mêmes leur propre budget, tout en étant toujours moins dotées de ressources publiques. Dans ces circonstances, des directions d’universités peuvent être tentées de voir dans l’augmentation des frais d’inscription un moyen de financer leurs établissements.
Pourtant, les étudiant-e-s ne sont pas seul-e-s dans leur bataille, puisque les enseignant-e-s et le personnel de l’ESR a déjà manifesté son désaccord avec ces inepties gouvernementales. Non seulement nombre d’universitaires ont publié des tribunes critiques, mais au sein même des Conseils d’administrations d’UFR voire d’Universités, des motions sont votées jour après jour. Ainsi, de l’Université Paris – Est – Créteil demandant officiellement « que les dispositions tarifaires concernant les étudiants étrangers hors de la communauté européenne soient reconsidérées conformément aux valeurs fondatrices de l’Université publique française. » Des associations professionnelles, comme l’Association des historiens contemporanéistes de l’enseignements supérieur et de la recherche (AHCESR) ont également dénoncé une « décision qui non seulement détournera des milliers d’étudiants de nos universités et établissements de recherche et empêchera les plus démunis de suivre des formations utiles pour eux-mêmes et pour les pays dont ils sont originaires, mais diminuera l’ouverture internationale et la diversité du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche français, nous privant ainsi d’une richesse d’échanges et de liens nécessaires à la constitution de nos savoirs. » Les syndicats d’étudiant-e-s comme du personnel de l’ESR ont également déclaré leur opposition au projet réactionnaire et libéral d’Edouard Philippe (1).
Et voilà que depuis vendredi 30 novembre, les lycéen-ne-s entrent dans le mouvement de contestation. Critiquant ParcourSup, le manque de moyens dans les établissements du secondaire mais aussi l’augmentation des frais d’inscription à l’Université – notamment pour les étudiant-e-s étranger-e-s non européen-ne-s (2) –, plusieurs milliers de jeunes ont bloqué une grosse centaine de lycées en région parisienne et ailleurs, réclamant la démission de Macron et de sa clique. Il est certain que l’humeur de mobilisation tous azimut (gilets jaunes, ambulanciers, pôle emploi, Université, etc.) a galvanisé des lycéen-ne-s qui sentent que maintenant, un rapport de force est jouable.
Prochaine étape : la grève ?
Les pétitions, AG, blocages, manifestations, motions et coordinations ont déjà apporté un degré d’information important dans l’ESR et commencent à se répandre dans le secondaire. Pour intensifier encore le rapport de force, la question de la grève du personnel de l’ESR et du l’éducation nationale peut être posée. Dans un contexte de mobilisations, la grève peut faire reculer le gouvernement non seulement sur la question des frais d’inscription, mais aussi sur les tristes plans de Jean-Michel Blanquer pour l’éducation, qui peut-être mobiliseront aussi le personnel du premier degré tant ces déclarations sont brutales à leur égard.
La mobilisation des personnels de l’enseignement secondaire ou supérieur est certainement un apport favorable à l’ensemble de la mobilisation actuelle. Toutes ces exigences affirment le besoin de changer les priorités du pays dans un sens positif. Alors que l’extrême-droite court après les gilets jaunes, tentant de faire passer des vessies d’exploitation pour des lanternes d’immigration, une grève résolument antiraciste, démocratique et antiautoritaire peut contribuer à tout changer : pour un véritable doit aux études pour tous, y compris pour le droit aux reprises d’études au cours de la vie professionnelles, faisons bien comprendre l’importance de cet abandon des mesures contre les droits d’inscription de toutes et tous à l’Université.
Vincent Bollenot
(1) Voir par exemple le communiqué de Solidaires Étudiant-e-s ou  du SNESUP.
(2) Voir l’action de l’UNL dans cette mobilisation.