Le projet de constitutionnalisation de l’état d’urgence et singulièrement les dispositions concernant la déchéance de nationalité n’en finissent plus de plonger ce gouvernement et sa majorité dans la crise. Depuis deux mois, un débat s’est développé dans le pays montrant les régressions liberticides inscrites dans ce projet.
S’il est nécessaire de se donner les moyens de prévenir de nouveaux attentats, cela passe par un renforcement des moyens de renseignements, des services publics et une lutte résolue contre les inégalités et les discriminations, et non par la mise en place d’un état d’urgence permanent qui a suscité une stigmatisation massive des musulmans et une criminalisation accrue des mouvements sociaux. Il est également nécessaire de s’opposer à la réforme du droit pénal et de la procédure pénale, qui introduisent dans le droit commun certaines des règles particulières de l’état d’urgence (perquisitions de nuit), et assouplissent les règles de la légitime défense au profit de forces de police déjà portées à en abuser.
Il est aujourd’hui largement acquis que ces mesures n’auront pas d’effets sur les groupes terroristes et pour prévenir de nouveaux attentats. Par contre, il en va tout autrement des effets sur les consciences et l’alimentation des peurs dans une situation où le Front National et ses idées se sont installés comme postulant au pouvoir. En jetant à la vindicte populaire les résidents binationaux avec la déchéance de nationalité, c’est à une campagne xénophobe légitimée d’en haut que nous assistons. Le scandale est qu’un gouvernement se prétendant de gauche porte cette politique.
Mais ce gouvernement et sa majorité sont mis en crise sur cette question même. La crise ouverte au PS, les démissions de Christiane Taubira ou plus récemment du député frondeur Pouria Amirshahi en sont autant de symptômes, Valls et Hollande n’ont pas de majorité « à gauche » pour mener une politique aussi contraire à ses valeurs.
Si le gouvernement a réussi à obtenir une majorité des 3/5ème à l’assemblée nationale et au sénat, l’adoption de ce projet ne repose que sur un accord fragile trouvé avec une partie de la droite. La décision du Sénat de modifier le texte voté à l’Assemblée démontre que les calculs soi-disant habiles de François Hollande peuvent voler en éclat. Ce gouvernement, confronté à un mouvement social sur la loi El Khomri, est fragilisé, c’est maintenant qu’il faut pousser. Dans un rapport de force difficile, les manifestations contre l’état d’urgence et la déchéance de nationalité du 30 janvier dernier ont été des réussites et des points d’appuis pour un mouvement plus larges. Avec des initiatives prises dans de très nombreuses villes, elles ont été un premier jalon posé pour construire une campagne contre l’offensive antidémocratique et xénophobe que mène ce gouvernement.
Samedi 12 mars sera une nouvelle journée de mobilisation nationale sur le sujet. L’enjeu c’est de s’appuyer sur le changement de climat social pour réussir ces mobilisations. Elles devront permettre de réaffirmer notre opposition totale au projet du gouvernement en appelant à la levée immédiate de l’état d’urgence et le refus de sa constitutionnalisation, au refus de la déchéance de nationalité, à l’arrêt de la répression contre les mouvements sociaux.
Pour plus d’information sur les initiatives :
http://www.stopetatdurgence.org/

Olivier Mollaz