Accorder une assistance ou donner des droits est un choix politique. Où est la différence ? Cette question nous est souvent posée. C’est le cas par exemple pour les transports en commun gratuits ou pour la Sécurité sociale alimentaire.

De l’aide au droit : qu’est-ce que ça change ?

Par Danièle M. Le 27 septembre 2023

« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en dignité et en droits… » article 1er de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme proclamée en 1948 pour en finir avec le cauchemar de la barbarie nazie.

Le Conseil National de la Résistance1Programme du Conseil national de la Résistance affirmait les droits sociaux et politiques d’une société émancipée des grandes féodalités économiques. La Sécurité Sociale, les services publics, le droit du travail élargissaient l’accès au logement, aux soins, à l’école, au confort, aux loisirs. Les travailleurs récupéraient une part de la valeur ajoutée de l’économie et le pouvoir de la gérer.

Aujourd’hui, la bête immonde se réveille et étend ses tentacules haineux sur le monde. Quelle est la part du recul des droits dans cette évolution ?

La casse des droits conquis et la montée de l’aide

Ces reculs sociaux, longuement mûris par les libéraux dans une stratégie du choc, imposés avec la crise des années 70, ont démarré brutalement au Chili en 1973, se sont accélérés avec Reagan et Thatcher, dans les années 80. Il fallait désarmer les mouvements populaires et promouvoir le privé lucratif.

Les multinationales ont confirmé leurs pouvoirs avec les accords de l’OMC, l’A.G.C.S, l’A.D.P.I.C en 1994. Plus qu’avant, les droits des actionnaires l’ont emporté sur les droits humains et environnementaux. Pour mettre cette logique en œuvre, il leur fallait briser les résistances, précariser, casser les solidarités, culpabiliser, diviser le monde du travail, démolir pièce par pièce les conquêtes émancipatrices.

En faisant leur marché sur toute la planète, à la recherche du plus faible coût, elles ont désindustrialisé les pays de droit et y ont sur-développé les activités commerciales, touristiques et de loisirs aux emplois plus précaires, moins qualifiés, moins rémunérateurs. Elles ont opposé les menaces de délocalisations aux luttes de salariés.

La montée de la pauvreté a été l’occasion de développer l’assistance publique : RMI, RSA ont coupé les plus exploités du monde du travail. Les aides se sont multipliées : à la rentrée, au logement, aux bus… elles « compensent » les failles des services publics et la faiblesse des salaires. Les recours aux organisations humanitaires ne cessent de croître quand la pauvreté augmente aussi vite que les profits du CAC 40 tandis que les appels à bénévolat et à charité explosent.

Passer de l’aide au droit : une urgence politique

L’aide est indispensable lorsqu’elle répond à une urgence. Structurelle, elle rend supportable la pauvreté sans la faire reculer.
D’un côté, elle marginalise, stigmatise ceux qui la reçoivent. Elle les oblige à justifier leur état de pauvreté à chaque demande, à chaque attribution.

L’aide alimentaire oblige 8 millions de bénéficiaires – dont une majorité (69 %) de femmes – à se ravitailler dans des lieux réservés aux pauvres, à accepter ce qu’on leur donne, ce dont les autres ne veulent pas, souvent de piètre qualité. Relégués au rang d’assistés, ils sont trop continuellement invités à faire profil bas au risque de perdre l’estime de soi, essentielle pour se battre. Terrible violence !

De l’autre, l’aide exacerbe les clivages au sein du monde du travail : frustration de ceux qui sont juste au-dessus du seuil, indignation des contribuables qui ont l’impression de payer pour les autres (tous sentiments dont se repaît l’extrême droite). Celle-ci en use pour désigner son bouc émissaire préféré : l’immigré, confortée par des déclarations officielles aussi mensongères qu’irresponsables. Les pauvres coûteraient « un pognon de dingue » !

Ne nous trompons pas ! Macron veut, dans la logique patronale, réduire les droits sociaux inscrits dans la logique salariale. Il s’agit, d’une part, d’orienter les plus hauts revenus vers les assurances privées via l’épargne-prévoyance. D’autre part, l’objectif est de cantonner les plus bas dans un panier de prestations minimales inscrites dans la logique d’assistance publique (RMI, RSA…), caritative ou familiale.

Les plus riches font ainsi sécession de la solidarité nationale. Ils revendiquent le droit de payer moins d’impôts pour choisir leurs investissements défiscalisés via des fondations, en fonction de leurs vœux, sans souci du bien commun. Ils daignent parfois un geste de charité à grand renfort de publicité.

L’universalité remet de l’égalité et de la fraternité dans une démocratie qui en a bien besoin.

Le droit à l’alimentation : un exemple significatif

L’accès, garanti à toutes et tous, à une nourriture saine et choisie, renforcerait l’estime de soi et le sentiment d’être comme les autres, à égalité. Ceux qui, malgré des difficultés, n’ont pas accès à l’aide se trouveraient débarrassés d’un souci alimentaire récurrent qui empoisonne leurs fins de mois et le contenu de leur assiette. Les plus riches seraient enfin traités comme tout le monde et amenés à verser plus au pot commun, utilement, sans être ruinés.

De plus, cette cotisation donnerait droit, à tout le monde, de participer à l’élaboration d’une politique agricole et alimentaire bonne pour la santé de tous et de la planète.

Redonner de la dignité et du pouvoir politique aux premiers de corvée, c’est reconnaître leur utilité sociale et leurs savoirs indispensables à toute transition écologique. C’est convoquer les énergies pour un projet fédérateur qui ne laisse de place ni à la concurrence, ni à la haine.

De quoi réarmer les esprits et réenchanter le politique ! Une mesure, bonne pour le plus grand nombre et pour l’écologie, c’est possible et ça ferait du bien !

 

 

 

 

Notes