Aujourd’hui, 12 février 2019, débute devant la Cour suprême le procès contre le référendum du 1er octobre 2017. Ce procès vise 12 personnes, membres de différents partis et organisations de la société civile catalane. Nous allons assister dans les prochaines semaines, quoi qu’il en soit, à une véritable affaire de portée générale visant l’indépendantisme dans un procès au caractère nettement politique.
• Au-delà du procès, nous ne pouvons pas oublier que la persécution judiciaire ciblant l’indépendantisme catalan touche déjà plusieurs milliers de personnes, soumises à enquête, parmi celles-ci plus de 700 maires, des personnes exilées, des activistes, etc. Il s’agit là d’une politique de micro et de macro répression que cherche à imposer par la force, sans dialogue ni projet démocratique, la «raison d’État»; une raison qui épouse le discours, les pratiques et les revendications de la «minorité dangereuse» qui s’est rassemblée ce dimanche 10 février sur la place Colomb à Madrid, sous la houlette de Casado [dirigeant du Parti populaire], Rivera [dirigeant de Ciudadanos] et d’Abascal [dirigeant de Vox] [1].
• Une minorité qui cherche à dissimuler, derrière sa catalanophobie et son discours de peur et de haine, les nouvelles affaires de corruption qui frappe le PP, les avantages fiscaux des riches, les nouveaux plans de licenciements collectifs d’un secteur bancaire sauvegardé par l’argent public, mais qui privatise des profits par millions, les nouvelles spéculations, la hausse du prix de l’électricité, la destruction de l’environnement et la guerre qu’elle mène contre les salarié·e·s. Au sein de cette Espagne de la haine, de la répression et de l’absence de libertés n’existe aucun projet. Et aucun projet de pays ne peut exister pour la majorité laborieuse qui soit fondé sur la contrainte, quelle qu’en soit la forme.
• La Cour suprême est appelée à juger des accusations portant sur de prétendus délits de rébellion, de malversation et de désobéissance grave. Il s’agit d’un procès politisé, par le truchement du système judiciaire de ce pays, un système qui exige une réforme démocratique depuis longtemps, qui est toujours lié à des intérêts obscurs et, si l’on écarte quelques exceptions brillantes et exemplaires, œuvre pour cette minorité qui s’appuie sur le machisme, le désastre environnemental, l’absence de libertés, la précarité du travail ou la maltraitance animale, entre autres. Nous nous souvenons encore du message WhatsApp [en novembre 2018] du porte-parole du PP, [Ignacio] Cosidó, justifiant l’accord avec le PSOE pour se répartir les postes des organes supérieurs du pouvoir judiciaire et de pouvoir le contrôler «par derrière».
• Des procès comme celui de la manada, d’Altsasu, sur les questions hypothécaires [en octobre 2018] dans cette même Cour suprême, contre des travailleurs et travailleuses en grève ainsi que dans d’autres jugements se traduisant par des restrictions des libertés et des droits démocratiques en témoignent [2]. Il ne fait aucun doute que ce procès résulte d’une connivence entre le système judiciaire et le pouvoir politique, prétendant couvrir du masque de l’impartialité une opération dont le but est de mettre un terme, de la pire des façons, à la question catalane. Les peines cumulées de prison envisagées atteignant 214 ans. En ce sens, nous voyons bien comme autant le ministère public que l’accusation particulière (provenant d’une force d’extrême droite comme VOX) partagent l’invention d’un prétendu délit de rébellion qui a déjà clairement été rejeté par la justice allemande [lorsqu’elle a examiné la demande d’extradition de Carles Puigdemont].
Les trois leaders des droites extrêmes et de l’extrême droite (Vox): Abascal, Casado et Rivera
• À cette fin, il est nécessaire de construire l’inverse même de ce qui va se produire dans la salle du tribunal. Nous ne sortirons pas de ce procès avec un pays plus libre, plus démocratique et où les droits auront été élargis sur la base de la haine et de la contrainte. Il s’agit d’un procès que le nationalisme espagnol le plus ultra – celui qui a défilé sur la place Colomb [Plaza Colón à Madrid, avec 45’000 présents selon le gouvernement, 200’000 selon le PP, Cuidadanos (C’s) et Vox], ce dimanche 10 février] – veut transformer en une vengeance contre le 1er octobre 2017 et contre les aspirations légitimes du peuple catalan à exercer le droit à décider.
Anticapitalistas lance un appel à toutes les organisations et mouvements qui misent sur une sortie démocratique de la question catalane à condamner activement et à se mobiliser contre un procès à caractère politique qui devrait servir, en dernière instance, à rendre évidentes les limites démocratiques de l’État espagnol ainsi qu’à chercher une voie de sortie par le dialogue, démocratique et solidaire. Une issue qui serve également au reste du pays pour mettre au premier plan la nécessité de décider sur les questions essentielles qui nous touchent et qui semblent être du ressort exclusif de politiciens et de grandes entreprises.
• Enfin, nous exigeons, demandons que les personnes poursuivies soient immédiatement libérées et qu’elles puissent retrouver leurs familles, chez elles, sans devoir se soumettre à des chantages ou aux menaces de l’offensive réactionnaire qui s’est réunie sur la place Colomb. (Déclaration faite le12 février 2019; traduction Réd. A L’Encontre)
___
[1] L’emploi du terme de «minorité dangereuse» doit ici se comprendre en lien avec la campagne menée par Anticapitalistas qui entend «retourner» le stigmate projeté sur les «minorités dangereuses» (étrangers, indépendantistes, etc.) propre au discours des droites. «Les minorités dangereuses, c’est eux!», par ce slogan Anticapitalistas cible donc les droites, les dominants, etc. (Réd. A L’Encontre)
[2] La manada, la «meute», autodénomination d’un groupe de cinq jeunes adultes qui, en juillet 2016, a violé une jeune femme; cet acte terrible et abject a été qualifié au plan juridique non de viol mais d’agression sexuelle. Ce jugement a été soumis à une remise en cause de la parole de la victime. Il a suscité d’importantes manifestations féministes. Autre exemple: une altercation dans un bar de cette petite ville de Navarre entre deux gardes civils, leurs compagnes et huit jeunes, en octobre 2016, a conduit à la condamnation de sept de ces derniers à des peines de prison entre 9 et 13 ans sous le chef d’accusation «d’attentat», celui de «terrorisme» ayant finalement été écarté. Il est à noter que la juge de ce procès, auprès de l’Audience nationale, Carmen Lamela, membre depuis 2018 à la Cour suprême, a joué un rôle central dans les poursuites lancées contre les indépendantistes catalans. (Réd. A L’Encontre)