Emmanuel Macron pouvait se targuer de finir l’année  apparemment soutenu par l’opinion publique. Mais en quelques jours, des signes de fragilité sont apparus au sein de la majorité.  Dans sa question au ministre de l’intérieur Gérard Collomb sur le projet de loi sur l’immigration, la députée de La République En Marche Sonia Krimi constatait avec force que « les centres de rétention sont devenues des centres de détention ». La député contestataire (qui a ensuite largement adouci ses propos) témoigne des contradictions qui traversent la majorité parlementaire, dont une partie est attachée à une politique d’ouverture et d’accueil vis-à-vis des migrant-es. Les mobilisations récentes, très enracinée localement, notamment au sein des associations et collectifs de solidarité à la frontière italienne (cf les articles sur le site d’Ensemble : https://www.ensemble-fdg.org/content/citoyens-montagnards-tous-solidaire… et https://www.ensemble-fdg.org/content/garavan-une-marche-de-solidarite-et…) ont mis sur la place publique  le caractère dramatique des parcours des migrant-es.
Cet épisode illustre les failles du macronisme. Si le Président de la République a pu s’appuyer sur un consensus social libéral pour imposer la réforme du Code du travail, la voie est beaucoup plus étroite sur toutes les questions d’égalité républicaine. Il se retrouve ainsi interpellé sur les « conditions d’accueil des migrants » et pour « la mise en place d’un réseau de villes solidaires » dans une lettre co-signée d’Alain Juppé à Martine Aubry en passant par Eric Piolle (maire de Grenoble)… (sur un autre sujet, l’explosion en vol du Conseil national du Numérique – dont la président et la plupart des membres ont démissionné après l’exclusion de la journaliste Rokhaya Diallo et de l’artiste Axiom – est un autre exemple de cette fragilité).
Au vue de la politique mise en œuvre par Gérard Collomb, en tant que ministre de l’intérieur, il est peu probable que les tensions s’apaisent. Que ce soit entre les circulaires ministérielles qui visent à chasser les sans-papiers des Centres d’Hébergement d’Urgence ou les pratiques policières indignes (destruction systématique des tentes des migrant-es à Calais). Le prochain projet de loi sur l’immigration peut constituer un moment  de cristallisation des tensions des réseaux mobilisés en solidarité avec les migrant-es et renforcer les failles au sein de la majorité. Déjà le gouvernement a dû reculer sur le principe scandaleux du « pays tiers sûr » (qui permettait de renvoyer les demandeurs d’asile dans un pays jugé « sûr » sans même examiner la demande d’asile, au mépris du droit fondamental pour un individu de pouvoir choisir dans quel pays demander asile).
Cette politique répond a un objectif. Outre, la gestion libérale des êtres humains, elle vise à poursuivre la recomposition politique en asphyxiant la droite. C’est la mission de Gérard Collomb (Jean Michel Blanquer ayant la même fonction sur l’éducation). Mais la victoire de Wauquiez à la présidence des Républicains, sur une ligne très à droite, proche des thèmes du Front National pousse à la surenchère. Pour empêcher que Wauquiez apparaisse comme un opposant et conquiert un espace politique, il faut faire de plus en plus répressif. Et ainsi c’est le président des Républicains qui inspire la politique du Président de la République empêtré dans ses « en même temps »…
L’issue du débat sur le projet de loi sur l’immigration sera cruciale. Il sera présenté en Conseil des Ministres en février 2018 pour une adoption au Parlement en mars/avril. Ce devra être un moment de mobilisation de tous les réseaux de solidarité, des associations, des collectifs, des syndicats, des forces politiques de gauche, pour mettre en échec Macron  et démontrer qu’une autre politique est possible. Dans la plupart des villes et villages où des centres d’accueil pour migrant-es ont été installés, l’expérience a été jugée positive. La bataille d’opinion peut être gagnée sur cette question pour permettre un accueil digne et humain.
François Calaret