“La défense des libertés est devenue le sujet le plus brûlant de la période”(2)

Notre bataille pour la démocratie passe par le combat contre les atteintes aux libertés publiques, ce d’autant plus que des organisations syndicales de la police sont des relais de l’extrême droite et en viennent à demander des lois anticasseurs de plus et la lutte contre le laxisme de la justice. La question de modifications législatives doit être largement débattue dans les assemblées populaires et ne pas rester l’affaire des spécialistes.

Construire la démocratie

Pour combattre la politique néolibérale actuelle, nous devons débattre de transformations profondes des institutions, d’une démarche constituante. Nous devons discuter de la façon de permettre contrôle et décisions citoyennes afin de ne pas réduire la citoyenneté au dépôt d’un bulletin dans l’urne pour confier le pouvoir à des représentants. Un certain nombre de propositions se trouvent dans notre brochure Démocratie en crise, propositions à débattre.

Nous devons rappeler que la question des libertés – restaurer les droits de toutes les personnes, faire reculer la « raison d’État » – est une question centrale de l’exercice de la démocratie. Depuis une quinzaine d’années, les lois dites sécuritaires se sont multipliées pour accroître les pouvoirs de l’État et de ses administrations régaliennes sur le peuple. Sous divers prétextes (dont le terrorisme), les gouvernements ont réduit les droits fondamentaux au nom de l’efficacité. Le summum est la loi de fin 2017 qui fait rentrer dans le droit commun des mesures censées être extraordinaires et provisoires, de loi d’exception. Vous trouverez à la page 23 de la brochure la liste de ces lois. Cette liste n’est pas limitative, car il faut y ajouter la loi de 2019 et des délits « de prévention » qui permettent des interpellations massives et la criminalisation des manifestants.

Ces lois doivent être abrogées : il ne peut y avoir de démocratie quand de tels dispositifs répressifs sont laissés à la main d’un exécutif, fût-il formé d’administrateurs de gauche. Potentiellement privé·es de droits fondamentaux, les citoyen·nes ne peuvent être vraiment actif·ves. On les amène alors à accepter que leur sûreté soit déléguée à des appareils d’État qui demandent toujours plus au nom de l’efficacité.

Il faut également faire la liste des dispositions réglementaires à abroger comme les schémas du maintien de l’ordre. Le contrôle citoyen du maintien de l’ordre évoqué dans l’article précédent participe de cette logique.

Débattre des fonctions régaliennes de l’État

Sous peine de croire que le grand soir fera totalement table rase et fera advenir une société sans conflits et qui serait capable de s’autoréguler, nous devons ouvrir un débat sur le rôle de la police, de la justice et de l’armée dans une autre société.

Tout le monde sera d’accord pour mettre fin à l’IGPN ou l’IGGN pour contrôler la police et enquêter sur les délits. Il convient de la remplacer par une instance indépendante du pouvoir comme le sont – nous venons de le vérifier – la défenseuse des droits et la contrôleuse des lieux de privation. Avec leurs représentant·es dans les territoires, il faut  élargir leurs compétences et leurs pouvoirs d’instruction. Mais quelle place et quelles fonctions – au-delà de la reconnaissance du statut officiel et protégé d’observateurs – donner aux associations qui agissent pour la défense des droits (LDH et Amnesty, mais aussi Gisti et autres sur les migrant·es) ?

Sur la justice, des propositions sont faites par le Syndicat de la Magistrature (SM) et le Syndicat des Avocats de France (SAF) qui respectent les droits de la défense en général et celui à un procès juste et équitable en particulier. Nous ne pouvons que soutenir la non-intégration de la police judiciaire dans l’organisation de toute la police. Nous devons défendre aussi les jurys populaires, l’accès à la justice pour toutes et tous aux prud’hommes. Comment rendre la justice et les tribunaux « populaires » ; c’est-à-dire maîtrisables par tout le monde ? Comment développer l’accès au droit ?

Mais au-delà des délits (ou des crimes) à combattre, il faut débattre de ce que doit être une police du quotidien. Comment recruter, lutter contre le poids de l’extrême-droite dans la police ? Il faut épurer celle-ci et définir les fonctions et le cadre réglementaire d’intervention. Quel encadrement et quel contrôle citoyen sur la police au quotidien ? Un certain nombre de pistes sont citées dans Stop violences policières : mobilisez-vous ! Ce sont des dispositions qui peuvent paraître anodines comme le référentiel des identités et de l’organisation (RIO). Il s’agit d’un matricule visible en toutes circonstances, lisible à plusieurs mètres et plus facilement mémorisable. Il en va de même pour la réglementation des contrôles d’identité. Mais c’est fondamental contre les discriminations !

Pour poursuivre, il faut prendre connaissance des propositions du Syndicat de la magistrature : Notre réponse à la proposition d’audition des ateliers statut et organisation de la justice. Même chose pour le Syndicat des Avocats de France : Justice sabordée, changeons de cap ! 

Il est plus que temps pour la gauche de faire des propositions sur ces questions comme sur les autres terrains. Pour l’instant, il reste beaucoup à faire !

 

Le 15 mai 2023
Étienne ADAM