L’été a été marqué par de fortes mobilisations paysannes illustrant une nouvelle fois la profondeur d’une crise sociale et écologique, qui appauvrit les paysans et sacrifie l’environnement. Cependant, les paysans mobilisés cet été, et en particulier leurs soutiens de la FNSEA, se trompent et de diagnostic et de solutions. Cette crise profonde de l’agriculture productiviste a d’abord touché les filières du porc et du bœuf, et concerne maintenant les producteurs de lait. La fin des quotas laitiers en avril dernier a conduit une grande partie des producteurs à s’agrandir, jouant ainsi le jeu du productivisme, et à s’endetter. Les petites exploitations, qui n’ont pas eu la folie des grandeurs, sont aujourd’hui moins endettées, et donc moins touchées par la crise.
Le gouvernement, toujours très à l’écoute des desiderata de la FNSEA, a lancé un premier plan d’urgence : 100 millions d’euros d’allègement de « charges » puis 500 millions de report d’emprunt. Autrement dit, un vrai-faux plan de sauvetage fondé sur le pronostic d’une sortie de crise rapide alors rien n’indique qu’une telle perspective soit envisageable, car la libéralisation du marché du lait n’est jamais remise en cause. Bien au contraire, malgré l’embargo sur la Russie et les baisses de débouchés sur le marché chinois, le gouvernement pousse à intensifier l’exportation du lait français et à conquérir de nouveaux marchés. Les ministres se font ainsi VRP du lait en Asie et au Proche-Orient. François Hollande doit faire de nouvelles annonces le 3 septembre.
La FNSEA demande d’aller plus loin dans la libéralisation en appliquant un moratoire d’un an sur les normes environnementales de production et souhaite des allégements de « charges » encore plus importants. Il s’agit surtout de sauver les producteurs qui jouent le jeu du productivisme et de l’agrandissement de leurs exploitations. Pour le syndicat majoritaire, les regroupements d’exploitations doivent permettre de retrouver de la compétitivité en faisant baisser les coûts de production. Avec la multiplication des fermes-usines, c’est une étape supplémentaire de l’industrialisation de l’agriculture qui se prépare. Alors que dans la Somme, la ferme des 1000 vaches, malgré le non respect de la législation, n’est toujours pas sanctionnée, les militants de la Confédération Paysanne sont dans l’attente du délibéré de leur appel dont le procès s’est tenu en juin dernier. A cette occasion, des actions locales seront organisées devant les commissariats le 16 septembre.
Du côté de la FNSEA, son dirigeant Xavier Beulin a été chahuté par sa base, dont les militants commettent des dégradations bien plus importante que ceux de la Confédération Paysanne, sans pour autant subir les foudres de la loi. Derrière un discours très nationaliste, la FNSEA est un promoteur du libéralisme agricole à outrance. Si la colère d’une partie des paysans est légitime tant ils sont confrontés une crise sociale majeure, ce n’est pas en adoptant les recettes d’un système en faillite que leur situation va s’améliorer. Combien faudra-t-il de fermetures d’exploitations, de suicides de paysans, pour que s’invente un autre modèle agricole, non pas fondé sur la compétitivité et le toujours-plus-grand, mais la relocalisation de la production et de la distribution, et la mise en place de prix rémunérateurs ?
A coté des mobilisations médiatisées de cet été, la Confédération Paysanne a multiplié les actions : distributions gratuites de lait, blocage de laiteries industrielles, manifestations… Le sommet européen de l’agriculture à Bruxelles le 7 septembre sera une occasion d’ampleur pour porter une autre voix paysanne, avec les partenaires européens de la Conf’, notamment pour réclamer des mesures assurant le désengorgement des marchés et la diminution des volumes de production, mettre en oeuvre conditionnalité sociale des aides et réorienter celles-ci, abandonner les négociations d’accords de libre-échange… La veille, les réseaux anti-austérité et anti-TAFTA de Belgique apporteront leur soutien aux paysans, car dans l’agriculture ou d’autres secteurs, le libéralisme et le productivisme, c’est la crise sociale et environnementale assurée.
Vincent Gay