Aux Finances Publiques (administration d’Etat), depuis longtemps, les tâches de nettoyage sont sous-traitées, mises à part quelques exceptions en voie de disparition (salariés dits « Berkany », de droit public mais non fonctionnaires, en référence à une jurisprudence qui a fait date et qui considère que les salariés non fonctionnaires employés par l’Administration sur des tâches de cantine, nettoyage…etc doivent être considérés comme des salariés de droit public).
Dans le cadre de budgets de plus en plus contraints par les politiques d’austérité, les entreprises qui gagnent les marchés publics à l’occasion des appels d’offre périodiques, sont celles qui « cassent les prix » au détriment de leurs salarié-e-s. La sous-traitance vient donc au secours des budgets d’austérité.
Aux Finances Publiques, à Paris, comme dans d’autres administrations, c’est l’entreprise TFN-ATALIAN qui a remporté le marché fin 2012, une multinationale de 65000 salariés et au chiffre d’affaires de 1,3 milliards d’euros. Sur les sites parisiens, les salarié-e-s de TFN travaillent de 2 à 3h par jour, soit 10 à 15 h par semaine, pour nettoyer en moyenne1400 m² par jour pour un salaire de 400 à 550 € par mois.
Le travail mécanisé (monobrosses) a de plus en plus laissé la place au travail humain, dans des conditions harassantes. Qui plus est, l’entreprise ne respecte pas toujours le droit du travail, profitant d’une main d’oeuvre qui maîtrise mal le français et ne connaît pas toujours ses droits. Les salarié-e-s sont majoritairement des femmes immigrées.
Les salarié-e-s réclamaient un 13ème mois, des contrats de travail sur les sites des Finances Publiques avec 16H minimum par semaine, une progression dans la grille des salaires, une participation de l’employeur au financement d’une assurance complémentaire, la suppression de la clause de mobilité, l’accès à la formation professionnelle, des tenues de travail fournies régulièrement, le paiement à 50 % du pass navigo, une prime de blanchisserie, le retrait d’un avertissement notifié à une salariée, le passage en CDI de 2 salariées en CDD…etc
Une grève au long cours : l’obstination a payé !
La grève des 23 salarié-e-s, a duré du 11 mars au 11 mai. La longueur du conflit est à rechercher dans plusieurs facteurs : intransigeance du patron, combativité des grévistes, éparpillement des chantiers en petites unités, remplacement des grévistes par TFN.
Cette grève a été contrôlée de bout en bout par les grévistes et leur déléguée CGT, avec le soutien constant du syndicat CGT Finances Publiques de Paris.
La reconduction de la grève et les initiatives à prendre étaient discutées chaque jour par les grévistes. La délégation qui a rencontré la direction de TFN à plusieurs reprises a pu permettre la participation à tour de rôle d’une bonne partie des grévistes.
Au final, les grévistes ont obtenu :
– le retrait de la clause de mobilité de leur contrat de travail.
– 2 CDD transformés en CDI.
– le passage à 16 h de travail par semaine pour 7 salarié(e)s.
– le retrait d’une sanction prononcée contre une salariée.
– l’examen des classifications d’emplois selon les tâches effectuées.
– un même nombre d’heures pour les salariés remplaçants que celui des titulaires.
– le respect du droit du travail avec des régularisations portant sur la rémunération des heures complémentaires, le remboursement des pass Navigo, l’aménagement des postes de travail des salarié(e)s handicapé(e)s, la communication du plan de formation, l’octroi régulier de tenues de travail.
– le paiement de 60 % des jours de grève
La combativité de ces salariés est étonnante et exemplaire. Ils et elles restent mobilisés pour continuer la lutte par d’autres voies afin d’obtenir satisfaction sur les revendications qui n’ont pu être satisfaites par la grève.
La responsabilité du donneur d’ordre
Bien qu’une clause du contrat liant l’administration au prestataire (article 8-2 du Cahier des Clauses Administratives Particulières-CCAP) prévoit la résiliation du contrat sans préavis ni indemnité si le prestataire ne respecte pas la législation du travail, le donneur d’ordre à tous les niveaux (Préfecture de Région, Service des Achats de l’Etat et Direction parisienne des Finances Publiques) préfère fermer les yeux devant les entorses à la réglementation du travail pour préserver un marché au prix le plus bas possible.
L’Etat, en l’occurrence, ne donne pas l’exemple !
Il serait nécessaire de prévoir un dispositif de contrôle de l’application de cet article 8-2, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Et à terme, il faudrait réintégrer ces services qui ne sont externalisés que pour faire des économies sur le dos des salariés.
Un syndicalisme à double face
Les salarié-e-s en grève, la déléguée du personnel (CGT Propreté), elle-même gréviste et le syndicat CGT des Finances Publiques Paris (donc le CGT du donneur d’ordre), soutenus par l’Union départementale CGT de Paris, ont travaillé conjointement à la réussite du mouvement.
Vu l’éparpillement des salarié-e-s du nettoyage en petites unités sur les différents chantiers, il est essentiel qu’ils soient appuyés par les personnels du donneur d’ordre qui les côtoient tous les jours et leurs syndicats. C’est une des conditions du succès.
Solidarité large et unitaire : une clé pour gagner
Des tracts et une pétition intersyndicale (CGT-Solidaires-FO) largement signée par les personnels des Finances Publiques et des collectes financières de solidarité ont permis que la lutte ne reste pas isolée. Le soutien de nombreuses organisations syndicales, associatives et politiques ainsi qu’une petite perçée médiatique ont permis de compenser l’effet négatif du remplacement des grévistes et les ont aidés à obtenir quelques avancées importantes.
Ce n’est qu’un début, la lutte continue !
Danielle Cheuton