En Argentine, un libertarien à la présidence du pays

Le 19 novembre, il n’y aura pas eu de surprise au second tour de la présidentielle en Argentine. Après être arrivé en tête lors des primaires du mois d’août, Javier Milei du Parti « La Liberté avance » l’a emporté très largement avec 55,69 % des voix.

Il a devancé le candidat centriste investi par le péronisme, Sergio Massa de « L’union pour la patrie », avec 44,31 %, soit une différence de plus de dix points. La participation a été de 76,3 %.

Javier Milei est arrivé en tête dans 21 provinces sur 24. Le péronisme n’aura résisté que dans la province la plus peuplée et la plus riche, celle de Buenos Aires (hors ville de BA). Mais il n’a conservé qu’une très faible avance, comme dans les deux provinces du nord, peu peuplées, que sont Formosa et Santiago del Estero.

Un président libertarien

Cette victoire du candidat libertarien et d’extrême droite – qui se qualifie également d’« anarcho-capitaliste » – est une très mauvaise nouvelle pour l’ensemble du mouvement social et les classes populaires de ce pays. En effet, le programme de Milei, salué par Elon Musk, s’apparente à l’ultra-libéralisme sauvage.

Cela rappelle évidemment la sinistre période de la présidence de Carlos Menem (1989-1999) qui allait déboucher sur le « corralito » en décembre 2001. Cette victoire s’inscrit par ailleurs dans un contexte de montée des extrêmes droites en Europe et dans les Amériques.

Des annonces sans équivoques

Les premières annonces de Milei sont sans équivoques. Il indique suspendre tous les travaux publics pour les concéder à des entreprises privées. Il veut déposer un « paquet de lois » au Congrès dès le 11 décembre (lendemain de son investiture) pour « réformer l’État », euphémisme de privatisations.

Aerolineas Argentinas, la compagnie privatisée par Menem puis renationalisée par Nestor Kirchner, la compagnie pétrolière « Yacimientos Petrolíferos Fiscales », également privatisée par Menem en 1992 et renationalisée en 2012 par Cristina Fernández, figurent en tête du « saccage » annoncé.

Son programme a reçu l’appui de la droite libérale (Macri et Bullrich du PRO – Proposition républicaine) et de secteurs patronaux liés à l’agrobusiness. Largement minoritaire au Parlement, il aura besoin de leur appui pour l’adoption de ses mesures.

Ironie de l’histoire, Milei qui prétend résoudre la crise économique et financière, s’allie avec le macrisme qui en est en partie responsable de la situation. En effet, l’accentuation de la dette avec le FMI trouve son origine sous la présidence de Mauricio Macri (2015-2019). Le processus a été aggravé par la suite avec la renégociation de la dette et les plans d’ajustement négociés par le péroniste Alberto Fernández (2019-2023). Ces mesures ont engendré une augmentation de la pauvreté (40% de la population en 2023) et l’hyper-inflation.

Analyser et comprendre

L’heure est à la sidération, car le programme est d’une violence sociale et politique inouïe. Il y a besoin d’encaisser le choc et de comprendre. Mais dans les jours, les mois, les années sinistres qui s’annoncent, la force et la vitalité du mouvement social argentin vont être fondamentales, tout comme son expérience de résistances.

Les féministes devront lutter pour préserver l’avancée des droits des femmes (la légalisation de l’IVG obtenue en 2020) ; les syndicats contre les privatisations et pour la préservation de leurs droits sociaux ; les secteurs autogestionnaires pour la récupération des entreprises ; les peuples autochtones pour la préservation de leurs terres face à l’accentuation de l’extractivisme… Le réseau argentin de l’économie des travailleur·euses appelle d’ores et déjà « à se préparer à la résistance, mais également à construire l’alternative ».

ENSEMBLE! Mouvement pour une alternative écologique et sociale exprime sa solidarité avec tous ces mouvements et les couches populaires face aux attaques anti-démocratiques, anti-féministes et anti-sociales annoncées.

Bagnolet, le 22 novembre 2023
ENSEMBLE!
Mouvement pour une alternative de Gauche Écologiste et Solidaire