La Bretagne est sous le feu des projecteurs et des commentaires depuis quelques semaines. La mobilisation qui fait beaucoup parler, revendique le terme de “bonnets rouges”. Or, il existe bien aujourd’hui deux mobilisations de nature différente.

S’il pouvait y avoir des doutes quant à l’appel à manifester le 2 novembre 2013 à Quimper, aujourd’hui les choses sont beaucoup plus lisibles. Le collectif des bonnets rouges est un objet très identifiable. Son moteur est l’institut Locarn, sorte de “think-tank” de patrons bretons, de défenseurs du modèle productiviste de l’agro-business et de régionalistes. Pour eux, comme pour le maire de Carhaix à quelques nuances près, les objectifs sont ultra-libéraux et ultra-conservateurs : il faut liquider les services publics, en finir avec l’héritage de la Révolution française et avec le syndicalisme. Il faut aussi s’affranchir du peu de règles du code du travail : c’est le fameux “droit à l’expérimentation et à la fin du carcan des règles administratives”. Ce mouvement est entièrement au service d’une aile très réactionnaire du libéralisme : transformer la région en zone franche avec comme seul argument l’identité bretonne. Après le 2 novembre, ce collectif hétéroclite appelle de nouveau à manifester. De la soi-disant défense de l’emploi, il ne reste rien.

Dernier soubresaut. Le syndicat FO du Finistère vient de faire machine arrière en se désolidarisant de l’appel du collectif des bonnets rouges. Il vient de découvrir – ce qui aurait dû sauter aux yeux dès le début – le caractère profondément antisocial du collectif dans lequel il s’était largement engagé.

Il faudrait être atteint de cécité pour continuer à peindre en rouge ce collectif patronal et régionaliste.
S’il existe un espace pour ce type de mobilisation d’un genre relativement nouveau où peuvent se mêler colère légitime des licencié-e-s et responsables des licenciements, c’est en raison de l’impasse que constitue la politique des socialistes au pouvoir et de l’absence de perspectives lisibles pour les salarié-e-s, la jeunesse, les retraité-e-s…
Hollande et Ayrault à force de reculades, ouvrent encore plus de brèches pour les exigences multiples d’un patronat qui cherche sa place dans la crise du capitalisme mondialisé. La réponse gouvernementale sous la formule du “Pacte d’avenir pour la Bretagne” est dérisoire : des millions d’euros sont distribués au patronat sans aucune contrepartie pour les salarié-es.

Il est temps de mobiliser, en Bretagne comme ailleurs, sur des revendications qui auraient du sens pour les salarié-e-s. Ainsi, par exemple, il faut militer pour la sécurité sociale professionnelle (vieille revendication), contre la loi de sécurisation des parcours professionnels. Il faut aussi indiquer la cible réelle, c’est à dire le capitalisme. Dans ce cadre, celles et ceux de Marine Harvest ont eu bien raison, parce qu’ils ont compris la mondialisation capitaliste, de faire cracher un maximum de pognon aux patrons.

Il faut reconstruire et organiser la mobilisation de celles et ceux qui souffrent.
L’appel des organisations syndicales à manifester dans les quatre départements de Bretagne le samedi 23 novembre est un début de réponse. Il est absolument nécessaire de faire en sorte qu’il rassemble le plus grand nombre, à Rennes, à St Brieuc, à Lorient et particulièrement à Morlaix à 15 heures.
Pour autant, cet appel ne peut suffire à lui seul à résoudre les questions de remobilisation.
Il n’y a pas, pour l’heure, d’autres dates en vue sinon que d’inscrire “le mouvement dans la durée”. Formule qui laisse entendre que l’on ne sait pas trop quoi faire après. Donner des prolongements au 23 novembre consisterait au moins à appeler aux manifestations du 1er décembre.
Il faut dès maintenant s’attacher à l’essentiel, c’est à dire transformer ce front unitaire en un front plus large qui s’attelle aux enjeux : donner des perspectives tant en terme de mobilisation que de mots d’ordre qui donnent de l’espoir. Cette tâche doit occuper principalement toutes celles et tous ceux qui se posent la question stratégique.
André Garçon (29)