Un de nos camarades, Jean-Pierre Delbonnel
Par Pierre Cours-Salies – Le 15 septembre 2023.
Jean-Pierre est mort à Dinan il y a quelques semaines, après des derniers mois très éprouvants à respirer sous oxygène.
Voici quelques lignes, avant une réunion en son hommage à Chambéry où il a vécu et milité pendant une trentaine d’années.
Parmi les souvenirs qui reviennent aussitôt, se mêlent sa culture et son souci de construire et développer des cadres militants unis et capables de pratiques communes. Il faut rappeler ici sa capacité à rassembler le NPA, le PCF, EELV, les Alternatifs, le PG, ENSEMBLE! et des militant·es critiques du PS…
Le secret de son engagement, quand on y songe, se trouve sans doute dans la façon dont sa vie s’est construite. Celle d’un militant d’une grande continuité et d’une grande ténacité. Avec des choix qui, au tournant des années 1950-1960, auraient pu être très différents.
Fils d’ouvrier qui aurait pu facilement continuer des études plus longues, il a voulu faire comme son frère aîné et chercher un travail.
Ce n’est pourtant pas la volonté de discipline et la soumission à l’ordre qui lui facilitait la vie… Et ses rapports avec son « cadre » dans un emploi à la Banque en firent la démonstration.
Mais il trouva d’autres points d’ancrage, où ses goûts lui valaient des succès. C’est ainsi que, dans les années 1970, il a assuré la direction de la MJC de Morsang sur Orge. L’éducation populaire a pris alors tout son sens pour lui.
Puis, salarié pour les éditions Larousse, il en devint un des meilleurs vendeurs. À tel point qu’il fut même récompensé d’un voyage international par son employeur !
On l’imagine sans peine assurant des tâches de promotion de livres. D’ailleurs, c’est ce qu’il fit ensuite.
Militant du PCF, après avoir été un libertaire organisé, il fut embauché par Messidor, qui avait la volonté de développer un réseau de librairies. Sans sortir de ses obligations – les piles de livres à promotionner en fonction de ce qui fut peut-être une politique éditoriale – il réussit à faire de la librairie dont il avait la charge un lieu de rencontres et de débats alternatifs.
Il devint ainsi l’un des principaux animateurs de la Librairie Jean-Jacques Rousseau. Il en a été le responsable de 1990 à 2008, tout en contribuant à la continuité de son activité.
Communiste devenu très indépendant – au lieu de se contenter d’être critique – il participa à toutes les tentatives de renouvellement d’une gauche à partir des années 2000.
Il fut un animateur du Collectif unitaire anti-libéral après la campagne pour le Non au Traité en 2005. Et nous nous sommes mis à avoir des activités communes.

Jean-Pierre (2ᵉ en bas en partant de la droite) pour la liste Front de Gauche, en 2014
C’est ainsi qu’il a participé à la création de la FASE. Il y a apporté cette osmose entre la volonté de construire des groupes « à la base » et un souci permanent d’unité, grâce à sa grande culture politique. Il a, avec son groupe local, participé, en particulier, à l’écriture du texte « Osons une révolution démocratique », y compris avec les diverses vagues d’amendements à discuter et réécrire.
Il a, avec ENSEMBLE! 73 et des membres du PG, été à l’initiative d’une assemblée citoyenne du Front de Gauche où de nombreuses personnes venant d’horizons différents ont œuvré, notamment des citoyen·nes sans appartenance. Cette assemblée a, entre autres, élaboré des propositions pour la gratuité des transports en commun, sans l’aval de responsables locaux d’EELV.
Depuis, et à la suite de contacts avec nos camarades grenoblois, un collectif autour de la gratuité s’est reformé, regroupant des organisations politiques et des associations telles qu’ATTAC avec laquelle Jean-Pierre avait beaucoup de liens.
Toujours animé par l’espoir que l’unité l’emporterait sur la division, il a encore participé aux efforts pour parvenir à une candidature unitaire en 2022. Avec, certes, des divergences avec la FI, pour des raisons démocratiques.
La maladie le fatiguait trop. La mer l’attirait, tout comme Florence, sa compagne depuis vingt ans. Alors, quelques mois à Chambéry, quelques mois à Dinan. Mais toujours avec le souci de maintenir un groupe militant à Chambéry !
Son dernier mail, quelques jours avant sa mort, était adressé aux membres d’ENSEMBLE! pour les encourager à discuter, pour savoir si elles ou ils voulaient s’organiser pour réaliser les tâches de notre mouvement.
Sa culture et sa fidélité à ses engagements ne seront pas oubliés.

Jean-Pierre Delbonnel
En complément, voici deux courts textes : l’un d’un camarade du NPA, et celui de Florence
Envoyé : 25 août 2023 à 10:29 de : Laurent Ripart <[email protected]>
à : Florence DALZON <[email protected]>
Chère Florence,
Je fais partie des militants qui ignoraient la nouvelle et je ne savais pas que vous viviez dans les Côtes-du-Nord : cela fait longtemps que je ne l’avais plus vu dans Chambéry, ni dans les manifs, je m’étais fait la réflexion sur la question, en me disant que vous étiez probablement partis ailleurs.
Je vais en informer mes camarades et te présente toutes mes condoléances.
Je ne suis arrivé à Chambéry qu’il y a 20 ans et je ne connais donc qu’une partie de son histoire militante, mais Jean-Pierre a été une grande figure du milieu militant chambérien, tant par son activité à la librairie que par l’impulsion qu’il a donnée aux tentatives de construction d’un rassemblement d’une gauche de gauche, une politique qu’il a incarnée et menée avec constance pendant de nombreuses années.
Durant ces dernières vingt années, j’ai construit pas mal de choses avec Jean-Pierre, en particulier une liste aux municipales en 2014 que nous avions montée ensemble, mais j’ai aussi eu des désaccords avec lui à de nombreux moments. Dans les accords et les désaccords, j’ai en tout cas toujours eu, comme tout le monde, le plus grand respect pour ce militant cultivé et très politique, qui faisait ce qu’il disait et disait ce qu’il faisait.
C’était un homme plus attentif au mouvement de base qu’à ce qui se passait dans les directions, animé d’une sincère force de conviction éclairée par une réflexion personnelle qu’il s’était construite par ses lectures et ses expériences de terrain, ce qui en faisait l’une des grandes figures morales de la gauche chambérienne.
Et je pense aussi que ce serait bien qu’il y ait à Chambéry un événement autour de Jean-Pierre, pour que nous puissions lui rendre hommage.
J’imagine ta grande peine et je transmets en cette occasion toute ma sympathie.
Amicalement
Laurent
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Le 25/08/2023 à 10:03, Florence DALZON a écrit :
Bonjour,
Je prends connaissance aujourd’hui de cet échange de courriels à propos de la mort de Jean-Pierre Delbonnel qui est mon compagnon depuis plus de 20 ans. Il s’est éteint le 18 août 2023 à Dinan, dans les Côtes-d’Armor où nous résidons. La cérémonie autour de la crémation de son corps a eu lieu le 23 août, en présence de ses familles et d’ami.e.s très cher.e.s.
Je sais, pour avoir été à ses côtés et être moi-même une militante d’Ensemble !, combien Jean-Pierre a œuvré afin que le rassemblement des forces de gauche de transformation soit à la hauteur des enjeux politiques de notre temps, et combien sa présence active, les liens qu’il savait créer étaient appréciés.
Jusqu’à son dernier souffle, il a été intéressé par l’actualité, même s’il ne pouvait plus participer aux débats, étant trop épuisé.
Je suis très mauvaise internaute, et comme vous vous en doutez très bouleversée. J’ai donc à ce jour peu communiqué et je vous prie de m’en excuser. J’ai su que l’information avait circulé, mais sans doute des camarades ignorent-ils/elles encore cette triste nouvelle.
D’ici à la fin de l’année, nous organiserons avec l’aide de l’ADAL, à Chambéry, un hommage à l’homme et au militant. Je me dis qu’il faudrait peut-être en faire paraître l’annonce dans le Daubé.
Les cendres de Jean-Pierre seront sous peu, comme il le désirait, épandues au large du Cap Fréhel.
Je vous remercie de votre attention et de votre compréhension et vous dis à bientôt, camarades et ami.e.s qui êtes toutes et tous si précieux et précieuses dans la marche de ce monde.
Florence