ENSEMBLE! : Oser le dépassement ! Partie 1/2

Par le groupe de liaison d’ENSEMBLE!.1Le groupe de liaison d’ENSEMBLE! était chargé des discussions avec L’APRÈS pour parvenir à un protocole. Il était composé de Brigitte Lopez, Laurence Boffet, Denise Milbergue, Isabelle Graux, Janie Arnéguy et Jean-Marie Fouquer, Roland Mérieux, Robert Hirsch, Francis Sitel, Jean-Claude Mamet. Le 29 juin 2025.

Les 21 et 22 juin 2025, l’Association pour la république écologique et sociale (L’APRÈS) tenait son premier congrès constitutif. Le 22 juin, était également officialisée la constitution d’une organisation commune avec ENSEMBLE !, impliquant un gros travail de mise en compatibilité des deux traditions.

Le vocable L’APRÈS sera maintenu, mais deviendra « L’Alliance… » (à la place d’Association). Et un sous-titre rendra compte de cette construction complémentaire : « Ensemble pour l’unité à gauche » (ou « l’unité du Nouveau Front populaire »), expression qui traduit un projet pluraliste commun. Reste à imager tout cela dans un logo attrayant.

Un peu d’histoire politique de notre mouvement

Ce dépassement d’ENSEMBLE! a pris du temps. Mais nous le souhaitions depuis longtemps.

À notre Assemblée générale de 2022, notre organisation enregistrait une scission avec le départ fracassant de camarades vers la France insoumise (en constituant la GES). Tout en nous engageant dans le soutien à la NUPES, nous avions écrit ceci dans un prologue du texte adopté en 2022 :

Parallèlement [au soutien à la NUPES], le dépassement d’ENSEMBLE! reste d’actualité pour construire une force large de la gauche alternative (anticapitaliste, féministe, écologiste et autogestionnaire). Ce dépassement… peut s’envisager avec d’autres courants politiques également percutés par la nouvelle situation, mais aussi avec les forces citoyennes, associatives, syndicales, et ce, à l’échelle du territoire. Cela suppose des repères politiques communs, la volonté d’engager une discussion stratégique et programmatique pour évaluer les convergences durables. La force et l’utilité d’ENSEMBLE! avait été justement de proposer concrètement un cadre unitaire fédérateur fin 2013. À nouveau, fixons-nous cette perspective dans les mois et l’année à venir.

Nous y sommes.

Nous nous sommes divisés sur la France insoumise, parce que nous estimions que le rôle de celle-ci était certes incontournable, mais qu’elle n’exprimait pas à elle seule la richesse de toutes les traditions à gauche et dans l’écologie politique. Après le mouvement social de 2023, qui a symbolisé la responsabilité de l’union, nous avions initié un dialogue (Université d’automne d’ENSEMBLE !) avec des responsables de LFI cherchant une autre voie face aux menaces d’extrême-droite. Parallèlement, nous poursuivions un travail d’échange et d’action avec GDS, des camarades de Génération.s, de Nouvelle Donne, mais aussi du courant Alternative communiste et de PEPS. L’évolution du NPA-A vers le Nouveau Front populaire est positive, même si elle devrait, selon nous, se prolonger vers un dépassement général.

Autrement dit, notre ténacité à vouloir rassembler en évitant les raccourcis politiques a été une bonne voie. Cependant, elle ne saurait être suffisante dans une situation qui modifie profondément les coordonnées de l’action politique. En aucun cas, nous ne pouvons rester replié·es sur nos certitudes, si justes soient elles. Ce n’est pas pour rien que notre organisation s’intitule « mouvement » : elle doit savoir « faire mouvement », prendre des risques, se frotter à d’autres expériences. Bref, servir à quelque chose dans les secousses politiques qui bouleversent la société. À cette même Assemblée Générale de 2022, nous disions déjà – après le constat des « épreuves » subies – que notre mouvement « n’a pas su se renouveler dans la jeunesse » et que « nous avons atteint un seuil critique en termes de forces et de visibilité, et donc de crédibilité ».

Aussi, lorsque – venant de la France insoumise (dominante à gauche depuis 2017) – des député·es, des militant·es ont subi des « purges » bureaucratiques pour avoir osé un débat, il ne fallait pas hésiter à dialoguer. Parce qu’ils et elles ont fait l’effort de « dépasser » leur expérience et de s’adresser à nous et à GDS, puis à Génération·s et à Picardie Debout. Nous avions eu des divergences avec certain·es. Mais le passé est le passé. On ne bâtit pas sur du ressentiment. On n’oublie rien, mais on avance… ensemble ! Avec nos « fondamentaux », mais en les frottant à ceux des autres.

Ce faisant, nous n’oublions pas d’autres nécessités, d’autres élaborations nécessaires, sur le plan programmatique et stratégique. Par exemple avec Construisons l’Alternative, avec Égalités, avec le NPA-A, ou des apports intellectuels nécessaires. Bienvenue dans ce projet politique ! Il faut une boussole qui donne le nord, mais d’abord pour agir politiquement, car nous sommes avec le peuple de gauche désemparé.

Deux organisations dissymétriques

L’APRÈS est d’abord un élan suite à une crise dans LFI. Les « purgé·es » et celles et ceux qui les ont soutenu·es (potentiellement plusieurs milliers) ont la conviction de pouvoir entraîner du monde. C’est leur énergie et leur notoriété qui font le mouvement, « après » la cassure. Ils et elles dessinent une organisation-mouvement fondée indiscutablement initialement par le haut, suite à une prise de position politique nationale. Il faut maintenant que cette organisation se construise à tous les niveaux.

Celles et ceux qui les soutiennent dans L’APRÈS ont une vive expérience d’une France Insoumise dont ils partagent grosso-modo le corpus programmatique (très discutable sur certains points). Il était difficile de voir d’emblée que le projet Mélenchon était en même temps une machine à son service pour la prise du pouvoir, avec la brutalité nécessaire contre quiconque oserait défendre des opinions non conformes. Dans L’APRÈS, le réflexe démocratique et politique est premier, mais pas immédiatement tourné vers l’action avec d’autres dans la société. Pas par refus, plutôt par manque de savoir-faire.

ENSEMBLE! aurait pu, depuis 2013, articuler mieux son savoir-faire militant initial avec un poids politique plus fort. Mais l’attraction de LFI nous a paralysé·es, même si des élu·es LFI connu·es et respecté·s s’en sont détaché·es et ont montré leur capacité à faire des propositions par la suite. Une organisation politique sans cette compétence est forcément menacée dans sa fonction-même, même si elle est très active dans les luttes. Les luttes sociales, citoyennes, et le politique doivent s’articuler sans hiérarchie pour porter une rupture. S’il manque une dimension, il y a quelque chose qui cloche.

L’organisation commune est à construire. Elle est devant nous.

ENSEMBLE! porte un combat et une expérience sur des combats sociaux et pour les droits. Nous aidons les sans-papiers, les migrant·es, dans la construction de réseaux unitaires pour défendre concrètement des droits (et pas seulement faire des déclarations). ENSEMBLE! a participé très activement à la mise en place du Réseau européen de soutien à l’Ukraine (RESU). L’APRÈS a soutenu cela en manifestant. ENSEMBLE! joue un rôle très actif pour la Kanaky contre le colonialisme. L’APRÈS soutient sans activité visible. ENSEMBLE! agit depuis des années pour la Palestine, au sein des structures unitaires. Nous avons de vifs débats sur la catastrophe en cours, mais ils n’effacent pas cette expérience. Avec GDS en janvier, au moment du « conclave » marchandé avec le PS, nous avons initié une campagne « retraites » qui a démarré avec des élu·es politiques signataires, où le rôle de l’APRÈS a été décisif. Mais elle a piétiné par manque de ténacité dans L’APRÈS pour en faire une vraie campagne durable. C’est finalement le PCF qui a réussi à porter cette affaire à l’Assemblée nationale, ce qui n’est pas très brillant. Cependant, c’est le RN qui sauve Bayrou et il semble que tout le NFP se raccommodera à l’occasion.

ENSEMBLE! joue aussi un rôle volontariste pour mettre ses « collectifs » de base au service d’une construction citoyenne. Nos collectifs sont insérés dans un tissu militant avec des résultats significatifs dans plusieurs villes ou régions. Cela a été mis au service de la coordination des Assemblées du Nouveau Front populaire (NFP), face à l’inertie des « grandes » organisations politiques, afin de parvenir à une « Convention de la gauche et de l’écologie » (texte d’appel du 22 mars 2025 à Paris) associant collectifs et partis.

Pour résumer, entre L’APRÈS et ENSEMBLE!, il y a un fort accord politique sur la situation. L’APRÈS a une puissance politique nationale. Le réseau d’ENSEMBLE! apporte une réflexion stratégique complémentaire sur la démocratie dans le champ politique et simultanément dans le champ du travail (l’autogestion), l’internationalisme, les organisations sociales et citoyennes, les pratiques de « terrain » par exemple, sur l’écologie active.

Ainsi, les dissident-es de LFI ont osé un dépassement risqué. Nous devons oser à notre tour et construire du commun. Même si nous n’avons pas les mêmes façons d’agir.

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Notes
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    Le groupe de liaison d’ENSEMBLE! était chargé des discussions avec L’APRÈS pour parvenir à un protocole. Il était composé de Brigitte Lopez, Laurence Boffet, Denise Milbergue, Isabelle Graux, Janie Arnéguy et Jean-Marie Fouquer, Roland Mérieux, Robert Hirsch, Francis Sitel, Jean-Claude Mamet.