Comme on le sait, le gouvernement envisage très sérieusement de remplacer plusieurs centrales nucléaires vieillissantes par des réacteurs EPR. A priori, ce projet constitue un véritable casus belli pour les députés et les ministres d’Europe Ecologie – Les Verts (EE-LV)… D’ailleurs, leur riposte ne s’est pas faite attendre : « Ça, ce n’est pas la transition énergétique (…) Ce scénario n’est pas compatible avec les engagements qui ont été pris, notamment sur la diminution globale de la consommation d’énergie et la réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique. » Et d’ajouter, en ciblant Henri Proglio, PDG d’EDF et nucléocrate forcené : « J’ai l’impression qu’il y a un nouveau type de ministre, le ministre fantôme : quelqu’un qui n’est pas dans les organigrammes, n’a pas été nommé, ne siège pas au conseil des ministres, mais qui décide de la politique énergétique de la France. »
Sauf que ces paroles critiques – et bienvenues – n’ont pas été prononcées par un dirigeant ou une dirigeante d’EE-LV… mais par une socialiste, Delphine Batho ! Les leaders du parti écologiste préfèrent, eux, se faire discrets. Ou alors, comme Jean-Vincent Placé, s’en prendre à… Arnaud Montebourg dénoncé comme « impuissant, plutôt inutile en réalité ».  Ce qui n’est pas d’une audace folle, tant Montebourg est controversé au sein du gouvernement et y compris au sein de son parti… Cela peut même être considéré comme une offre de service pour un futur gouvernement Ayrault remanié, que Placé appelle de ses vœux.
Au départ, la présence de ministres écologistes dans le gouvernement était justifiée par l’accord passé en 2012 entre le parti socialiste et EELV. Le moins que l’on puisse dire est que le contenu de cet accord manquait singulièrement d’ambition du point de vue de l’écologie. Mais le pire était à venir : la longue dérive droitière, libérale et productiviste de François Hollande et de son gouvernement. Au fond, les dirigeants du parti écologiste savent bien qu’ils seront jugés à l’aune du bilan global du gouvernement et non sur la base du bilan spécifique des ministères dont ils ont la charge. C’est pourquoi, très rapidement, la question du maintien des ministres EELV – ou, au contraire, de leur départ du gouvernement – est devenue récurrente. Au point de se transformer en feuilleton puis en mauvais gag, dans le registre  « retenez-nous ou… on fait un malheur ».
Naturellement, avec l’aggravation de l’orientation gouvernementale, des voix significatives se sont élevées pour proposer d’en finir avec cette satellisation des écologistes par le pouvoir. Ainsi, il y a quelques mois, Noël Mamère a même annoncé son intention de voter contre le budget 2014 ainsi que son départ de EE-LV, indiquant avec lucidité : « notre parti ne produit plus rien : il est prisonnier de ses calculs et de ses clans. Nous sommes devenus un syndicat d’élus ». Quant à Eva Joly, elle vient de se prononcer pour que les écologistes quittent le gouvernement : « Nous étions d’accord pour soutenir un gouvernement de gauche avec une politique de gauche : une politique pour les quartiers, contre le chômage. Nous n’étions pas d’accord pour soutenir une politique libérale orthodoxe».
Mais ces prises de positions ne sont pas seulement celles de « personnalités » un peu marginales par rapport au fonctionnement actuel : elles sont au cœur des débats, y compris ceux du dernier congrès d’EE-LV, tenu en novembre dernier. La motion défendue par Cécile Dufflot Et Jean-Vincent Placé n’y avait d’ailleurs obtenu que 38% des voix. Bien sûr, au cour du congrès lui-même, leur habileté manœuvrière et le contrôle de la distribution des postes (1) leur avaient assuré la majorité (55%). Pour autant, les scores réalisés par les différentes motions minoritaires – notamment La Motion Participative, animée par quelques Verts « historiques », notamment Yves Cochet et Alain Lipietz – témoignaient de l’existence de forts sentiments critiques et de doutes sur la participation gouvernementale. Evidemment, ces doutes se sont encore accrus avec les vœux présidentiels et le pacte de responsabilité. Et les débats sur le départ du gouvernement des ministres écologistes n’en finissent pas de rebondir. Dernier épisode en date, le conseil fédéral d’EELV début février. Il faut d’abord noter que la motion adoptée « exprime une opposition ferme à l’orientation économique environnementale et sociale de la politique gouvernementale telle qu’elle a été exprimée par François Hollande lors de sa conférence de presse de janvier ». Ce qui est quand même un peu paradoxal venant d’un parti qui non seulement est dans la majorité présidentielle… mais siège au gouvernement. Mais c’est sans doute ce qu’Emmanuelle Cosse, la nouvelle secrétaire générale d’EELV, appelle la « participation combative » ! Et encore, la formulation voulue par la direction d’EELV indiquant que « le soutien d’EELV au pacte de responsabilité n’est pas acquis » ne l’a emporté que par 2 voix sur celle de ses opposants, qui précisait : « EELV ne pourra pas voter la confiance ».
Jusqu’à présent, même les écologistes qui militent pour la sortie du gouvernement n’envisagent comme échéance que la fin de la séquence électorale, c’est-à-dire après les élections européennes. Ceux qui militent pour le maintien au sein du gouvernement fixeraient plutôt comme échéance le vote de la loi sur la transition énergétique…
Pourtant, c’est bien le vote de confiance qui, dans quelques semaines, suivra la présentation au Parlement du « pacte de responsabilité » qui va constituer la nouvelle épreuve de vérité.
François Coustal
Note :
(1) Sur son blog, Alain Lipietz livre un récit assez hallucinant des tractations auxquelles le congrès d’EELV a donné lieu. http://lipietz.net/?breve489.