Les émissions de gaz à effet de serre dues à la production d’électricité dans le monde n’ont cessé d’augmenter, alors qu’en Europe elles ont baissé. Dans ce contexte, la France pourrait apparaître comme LE bon élève, puisqu’avec 17 % de la production européenne elle ne participe qu’à hauteur de 3 % aux émissions. En comparaison, l’Allemagne, dont le charbon fournit 46 % du mix électrique, est responsable du quart du CO2 émis par les centrales de l’UE.
Alors l’électricité nucléaire serait LA solution, exemplaire pour le reste du monde ?
Avec ses 58 réacteurs exploités, EDF produit 79 % de l’électricité du pays. Depuis de nombreuses années, le lobby nucléaire français (EDF, AREVA) entretient l’idée que cette énergie serait « renouvelable », « propre » et « pas chère » et donc la seule susceptible de répondre aux besoins énergétiques mondiaux en forte croissance. Plus récemment, s’appuyant sur son « expérience » et son « savoir-faire » il a théorisé sur la « renaissance » du nucléaire, dont il revendique la première place !
L’électricité nucléaire serait renouvelable et participerait à notre indépendance énergétique ?
Il n’en est rien : 100 % de l’uranium utilisé dans les centrales françaises est importé ! Au rythme actuel de consommation du parc nucléaire mondial, les réserves d’uranium seront épuisées dans 60 ans. En France, AREVA (3ème producteur mondial) peine à exploiter les mines du Niger dans un contexte de corruption et de présence pesante de l’armée française sur ce territoire et à ses abords (Mali).
Une énergie dangereuse et dont on ne sait que faire des déchets ?
Un des défauts majeurs de cette technologie reste la production de déchets qui ne sont pas recyclables (1 200 tonnes produites chaque année par les réacteurs français) et dont certains resteront dangereux très très longtemps (le plutonium reste radioactif 234 900 ans et en respirer un millionième de gramme suffit à déclencher un cancer du poumon). En plus l’exploitation de la filière nucléaire semble catastrophique en matière de santé publique. En tout cas, la mobilisation continue d’être forte contre l’enfouissement des déchets, en particulier cet été du côté de Bure où 1500 personnes se sont rassemblées !
L’électricité nucléaire serait une énergie pas chère ?
Pas évident, même si la ministre vient d’annoncer une hausse de l’électricité limitée à 2,5 %, alors que la veille la Commission de régulation de l’énergie publiait un rapport pointant la nécessité d’une augmentation des tarifs comprise entre 3,5 et 8 %. Plusieurs raisons à la prise en charge par le « contribuable » d’une partie de la facture, la fixation du prix unitaire du kilowatt-heure à un niveau bas n’étant qu’une décision éminemment « politique ».
Cette hausse limitée s’explique par le poids très important de la note d’électricité dans les dépenses des ménages, lié à une surconsommation particulièrement importante, elle-même due à une politique commerciale agressive. Ainsi, en moyenne, la consommation d’un ménage français dépasse de 34 % celle d’un ménage allemand ! Malgré un prix du kWh artificiellement bas, sa facture reste donc plus élevée que celles de la plupart des ménages européens.
Ce choix d’un prix unitaire bas découle également de la sous-évaluation des coûts réels de production et de transport de cette politique du « tout nucléaire ». En effet, il semblerait bien que les dépenses à venir de remise à niveau du parc de réacteurs n’aient pas été prises en compte, que l’on n’ait pas anticipé le coût plus important de la production par les EPR, que les provisions pour le démantèlement des centrales qui seront abandonnées sont insuffisantes, etc. Quant au réseau de transport, adapté au système actuel (peu de points de livraison), il devra être restructuré pour tenir compte d’une production à venir plus diffuse. Pour clore provisoirement ce chapitre, on ne développera pas la question de la totale sous-évaluation du traitement des déchets (nucléaires) et du niveau excessivement bas d’assurance d’EDF en cas de catastrophes comme Fukushima ou Tchernobyl, etc.
Une situation des entreprises du secteur (EDF et AREVA) extrêmement préoccupante !
AREVA a essuyé de lourds échecs dans son développement international : fiasco du chantier d’Olkiluoto-3 la première commande d’un réacteur de 3e génération censé être sa vitrine à l’international, retard sur les EPR, etc. En mars, AREVA annonçait, pour 2014, une perte de 4,8 milliards d’euros, sur 8 de chiffre d’affaires et une dette de 5,8 ! En situation de faillite, l’entreprise ne pouvait éviter une restructuration drastique. Début juin, l’Élysée mettait en demeure EDF de se rapprocher d’AREVA pour l’aider à sortir de ses difficultés financières. Au bout de deux mois de négociation, les deux groupes ont conclu un accord, qui prévoit un contrôle majoritaire par EDF d’AREVA NP filiale en charge des activités de construction et de services aux réacteurs.
AREVA qui emploie 44 000 personnes (dont 28 520 en France) envisage une saignée d’ici à fin 2017 : 5 000 à 6 000 suppressions de poste dans le monde (3 000 à 4 000 en France). Rappelons que l’entreprise avait chiffré ses besoins de financement d’ici à 2017 à environ 7 milliards !
Un renflouement qui va pénaliser la transition énergétique.
Le sauvetage de la filière nucléaire va nécessiter une forte intervention financière d’EDF et du contribuable pénalisant ainsi la transition énergétique de la France, l’essentiel des moyens étant encore une fois investis dans ce secteur, au détriment d’un engagement résolu dans les énergies renouvelables.
Et pourtant nous pourrions faire autrement.
Si l’on en croit le réseau « Sortir du nucléaire » : « En retenant des hypothèses pourtant prudentes, la sortie du nucléaire ne coûte pas plus cher que renouveler le parc des réacteurs nucléaires vieillissants. Mais les coûts du nucléaire montent constamment, tandis que ceux des renouvelables ne cessent de baisser : au final, on peut s’attendre à ce que la sortie du nucléaire revienne bien moins cher ! »
René Durand