Il aura fallu 1336 jours pour que la lutte des Fralib à Gemenos parvienne à faire plier l’entreprise multinationale de l’agroalimentaire Unilever.
Une lutte populaire
En refusant la délocalisation en Pologne, les Fralib ont réussi à obtenir un vrai soutien populaire dans les Bouches-du-Rhône et la région  Paca, à travers les réseaux syndicaux – la CGT en point d’appui central –, ainsi que les réseaux des élu-e-s locaux/locales de leur département et de leur région, du Front de gauche et même de l’ensemble de la gauche régionale. La mascotte de l’éléphant, symbolisant l’exigence de la part des Fralib de réappropriation de la marque marseillaise historique, a frappé l’imagination dans toutes les grandes manifestations syndicales de ces dernières années.
Et on a encore en mémoire les visites rendues par l’ensemble des candidat-e-s de gauche aux Fralib lors de la présidentielle de 2012, promesses de soutien à l’appui, ainsi que l’accueil le 31 janvier dernier, dans l’usine occupée, de la première rencontre européenne « L’économie des travailleurs », réseau des expériences autogestionnaires d’entreprises récupérées, avec des délégations venues notamment d’Argentine et du Brésil.
Mais la popularité des Fralib ne s’explique pas seulement par leur ténacité à défendre l’emploi, l’outil de travail, le savoir-faire ouvrier.
Oser sortir des luttes classiques
C’est d’avoir osé sortir des luttes classiques et de s’être cramponnés à un projet coopératif qui a fait mouche. Et c’est bien en s’appuyant sur cette démarche alternative d’articulation défense de l’emploi-projet coopératif que les Fralib ont construit le rapport de forces qui a débouché sur leur victoire le 26 mai dernier.
D’après Les Échos du 28 mai, la crainte d’Unilever de la perspective d’un nouveau refus du 4e plan de sauvegarde de l’emploi proposé par la multinationale a joué dans l’accord de sortie de ce conflit. Cet accord se traduit par des avancées significatives : 19 millions d’euros pour la SCOP TI (Thé et Infusion), un soutien pour la recherche de débouchés, la cession de l’outil industriel aux salarié-e-s valorisé à  7 millions d’euros, le versement d’1,5 millions d’euros en fonds de roulement et de 500 000 euros pour la formation, un investissement de 250 000 euros pour la création d’une nouvelle ligne de coupe, diverses contributions pour la remise en ordre de marche des machines, la construction d’une marque, le recrutement de personnels commerciaux et la réalisation d’une étude de marché, à quoi s’ajoute une prime de préjudice de 100 000 euros en plus des indemnités légales…
Une expérience qui interpelle
En négatif, les Fralib – dont les effectifs de 180 ont fondu à 76 – n’ont pas obtenu d’Unilever la cession de la marque Éléphant qui leur tenait à cœur. Néanmoins, l’outil industriel est maintenu et c’est un nouveau projet coopératif qui émerge, dont la dimension écologique est bien présente : en remplaçant les arômes chimiques par les arômes naturels de la région, en permettant notamment la relance de la filière du tilleul dans les Baronnies, en favorisant en même temps les circuits courts, ce projet dessine un avenir autrement plus désirable que celui des multinationales. Voilà pourquoi il se doit d’être pérenne. Dans un contexte particulièrement difficile, le soutien des réseaux syndicaux, associatifs et politiques devra se poursuivre et s’intensifier, à la hauteur de ce projet au parfum d’écologie et d’autogestion.
Pour nous, Fralib est une expérience qui interpelle toutes les luttes et la conception traditionnelle de la politique : n’est-on pas plus fort dès que l’on se fixe comme objectif de trouver une solution qui va au-delà de la logique capitaliste ?;
La commission « Démocratie active et autogestion »