La réforme territoriale est le pendant de la refondation sociale du Medef
Beaucoup de commentateurs sont surpris du «coup d’accélérateur » à la réforme institutionnelle territoriale  annoncé par le Président qui reçoit dans la foulée les « chefs de partis » : suppression des Départements et fusion des Régions qui passeraient de 22 à une douzaine d’ici 2017 avec report des élections régionales à 2016.
Au-delà de la dénonciation de la manœuvre politicienne réelle, la droite s’étrangle de voir que sur l’essentiel, F Hollande sur ce terrain là aussi, reprend et même va plus loin et plus vite – sur la forme comme sur le fond – que la Loi de réforme Territoriale de Sarkozy de 2010. Dans la Loi « Modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles » du 27/01/2014 – 1er volet de sa réforme Territoriale  intitulé improprement  « 3° étape de la Décentralisation » -, le  gouvernement Hollande a consacré les « Métropoles » comme clés de voûte de sa réforme : 3 de niveau européen ( Lyon Lille et Marseille) et le Grand Paris de niveau mondial).
Avec cette nouvelle Loi (2eme volet de la réforme destiné à la place des Régions), il veut faire en même temps faire disparaître les Départements en redéployant leurs importantes compétences sociales et faire des « économies » de dépense publiques utiles au nom de la théorie de réduction du « mille feuilles territorial » (alors que l’on vient de rajouter la couche « Métropoles »).

Qui va servir les prestations du  RSA, d’aide aux handicapés ; l’allocation d’autonomie ; s’occuper des collèges ; des transports scolaires et des routes départementales ; des Centres d’incendie et de secours ? Des biens immobiliers et quel avenir des dizaines de milliers d’agents publics impactés ?

La réponse est à chercher du côté des Métropoles comme le réalise par la Loi la création au 01/01/2015 d’une nouvelle institution la « Métropole-Lyon » par fusion de la Communauté Urbaine de Lyon et la moitié du Département du Rhône et qui gèrera ses  compétences.

Elle est à chercher aussi du côté des autres grandes intercommunalités (Communauté de Communes ou d’agglomérations et des Régions) car depuis l’adoption sans débat citoyen à la hauteur des enjeux du 1er volet de la réforme, toutes sont sommées de devenir des territoires « attractifs et compétitifs » tout en réalisant des économies en effectifs et moyens avec l’impact négatif que l’on sait sur les services publics locaux et le dynamisme économique local.

Cette « Réforme Territoriale » a été  annoncée comme la 2eme réforme phare du quinquennat avec  des « Pactes de compétitivité »  qui sont des pactes d’austérité ( dits de « stabilité », de « responsabilité »). Comme le 1er volet entérine la mort annoncée des Communes qui ont été sommées d’entrer de gré ou de force dans des schémas départementaux de l’intercommunalité sous domination financière et politique des « villes centre » ; ce 2ème volet de la Réforme territoriale annonce la fin programmée des Départements … sans l’indispensable débat citoyen. C’est un nouveau coup de force antidémocratique !

Quant aux fusions/dépeçage de régions petites ou moyennes au profit des 12 « grandes », si elle fait rêver les « grands Barons » qui se voient déjà en chefs de « mini états », elle rouvre deux débats :
– Un  débat sur la nature de la construction européenne  en réinterrogeant le « concept valise »  d’Europe des Régions cher à EELV à l’heure des négociations en cours pour les Contrats de plans Etat Régions 2014-2020 et des négociations pour l’attribution – et la gestion directe par les Régions –  de l’argent (Fonds européens) qui leur sont attribués… sous réserve de « spécialisation » de chaque « territoire ».
Dans le plus grand silence, se dessine une nouvelle carte des « territoires à enjeux » tel que les conçoit l’UE autour de son modèle néolibéral, c’est-à-dire au bénéfice des multinationales dont l’espace européen doit être formaté pour la compétition et la « guerre économique » de la mondialisation libérale (cf le TFATA, pour lequel F. Hollande met aussi les bouchées doubles).
– Un débat sur la place des Régions dans le « bigbang » institutionnel à l’œuvre, vu le poids qu’elles ont pris après 20 ans de décentralisation et alors que l’on assiste depuis la  Loi Sarkozy de 2010 dont Hollande reprend les fondamentaux (faire de la France un territoire et des territoires de « compétitivité » dans le cadre de l’UE libérale) à une « métamorphose » de l’Etat national français et  de son modèle unitaire « républicain social » issu du programme du CNR (*).

Politique de l’offre au service du patronat, réduction de la dépense publique et  réforme institutionnelle dessinent une nouvelle architecture de la puissance publique – Inter communes/Régions/ Europe – construisant un état néolibéral défendant les intérêts des multinationales et de l’oligarchie financière. C’est un véritable changement de pays que nous vivons et un véritable changement de société qui se joue.

Mais, il y a loin de la coupe aux lèvres : les résistances sont fortes au niveau des élus locaux (pas seulement pour des raisons de « clientélisme ») et au niveau social : la grève de toutes les fédérations de fonctionnaires territoriaux du 15 mai, dont les principales fédérations étaient dans la rue le 12 avril en atteste. Le Front de Gauche  doit montrer qu’il s’inscrit dans le refus de ce passage en force et qu’il a des propositions alternatives pour une république unitaire, décentralisée, démocratique, sociale, et écologique (une VI° République) et aussi pour rompre et refonder l’Europe.

Armand Creus

(*)Programme du CNR dont le dirigeant du Medef Kessler avait dit à l’arrivée de Sarkozy aux affaires qu’il fallait en finir en lui substituant  le programme patronal intitulé « refondation sociale » que le gvt Sarkozy avait mis en chantier et que le gvt Hollande continue et accélère en véritable « bigbang » de régression sociale et démocratique.