Non à la reprise des travaux du complexe religieux dans la vallée de la Bourges !
Suspendus depuis octobre 2020 par un arrêté préfectoral suite à une mobilisation citoyenne de plusieurs mois et une occupation du site, les travaux de construction du complexe religieux démesuré de Saint-Pierre-de-Colombier (Ardèche) pourraient reprendre à la suite de l’abrogation de l’arrêté le 29 novembre 2022 par le préfet actuel.
C’est sans compter sur la mobilisation de l’« association des Ami·es de la Bourges », du collectif très large d’organisations associatives, politiques, syndicales de l’Ardèche et des citoyen·nes de la commune et de celles des vallées proches. Suite à la découverte dans la presse, mi-décembre, de cette décision préfectorale, prise en catimini, au regard du rapport d’étude environnementale fourni par le porteur du projet, la « Famille missionnaire Notre-Dame », la réaction n’a pas traîné. Les réseaux se sont vite réactivés, même si nous étions à la veille de Noël. Le collectif unitaire a rapidement communiqué et a appelé à un rassemblement pour le samedi 14 janvier à 14 heures à Privas, devant la Préfecture, afin d’exiger la divulgation du nouveau rapport. Dès la semaine dernière, 200 opposant·es ont interpellé le préfet lors d’un conseil syndical du parc des Monts d’Ardèche. Et, indépendamment des recours juridiques engagés par l’association, la mobilisation va se poursuivre pour imposer l’annulation purement et simplement de ce projet, qui semble bénéficier de soutiens au plus haut niveau de l’État, à défaut de ceux de la hiérarchie catholique, l’Évêché et le Vatican, qui ont donné un avis défavorable à la construction de la basilique en 2021. Il faut dire que ladite communauté n’est pas en odeur de sainteté, pointée qu’elle est par un rapport d’activité 2018-2020 de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes).
Bref retour en arrière : ce projet de complexe religieux, comprenant une basilique avec une flèche de plus de 50 mètres de haut et d’une capacité de 3 500 places, un parvis, une passerelle, une allée de desserte, un grand bâtiment pour l’accueil des pèlerins, une aire de dépose et de stationnement pour les cars, totalement démesuré à l’échelle de la vallée de la Bourges et du village de Saint-Pierre-de-Colombier a été déposé en 2015. Il a été évalué à 17,7 millions d’euros en 2019, « autofinancé » par la communauté, cela va de soi… mais grâce aux déductions d’impôts. C’est donc chaque citoyen·ne qui paie ce complexe religieux.
En mars 2018, la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL), sous tutelle du préfet de région, a dispensé les porteurs de projet de la mise en œuvre d’une étude d’impact environnemental. Il est permis de s’interroger sur cette décision pour un projet de cette envergure, qui se situe, a fortiori, dans le périmètre du Parc naturel des Monts d’Ardèche, mais il est vrai que les déposants ont coché la case projet « en dehors du parc », sans que les services de l’État ne s’en offusquent. Cela fait partie des points qui seront jugés par le Tribunal d’administratif.
Il n’y a pas eu d’enquête d’utilité publique pour un tel projet. Les habitant·es de Saint-Pierre-de-Colombier et de la Vallée de la Bourges, ne pouvaient compter que sur leurs représentant·es élu·es pour les tenir informé·es de l’existence et de l’avancée dudit projet. Ce que n’a pas fait, bien évidemment, le Conseil municipal, acquis à la communauté depuis 2001 ((La Vierge enlève la mairie de Saint-Pierre – La communauté religieuse du village a fait basculer le scrutin municipal – Libération, 9 avril 2001. https://www.liberation.fr/societe/2001/04/09/la-vierge-enleve-la-mairie-de-saint-pierre_360735/)) et dont l’électorat flirte allègrement avec l’extrême-droite ((En outre, Eric Zemmour est arrivé en tête lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2022 avec 39,39% des suffrages)). Cela constitue un déni de démocratie manifeste.
En décembre 2018, malgré l’absence d’étude environnementale, de l’infraction vis-à-vis de la Charte du Parc naturel, dont les services n’ont même pas été consultés en amont, les services de l’État ont accordé le permis de construire, sous la responsabilité d’un préfet « en mission » qui ne sera resté que neuf mois dans le département.
En mai 2019, les travaux d’aménagement de la rivière ont commencé. Des murs de soutènement ont été construits ainsi qu’une énorme passerelle en touchant le lit mineur de la rivière, ce que n’ont pas apprécié les crapauds sonneur à ventre jaune, espèce protégée et qui, selon des sources et des riverains, auraient depuis déserté la rivière.
La première mobilisation citoyenne a été organisée le 10 août 2019 dans le village. Elle a été suivie de plusieurs rassemblements au cours de l’automne et l’hiver suivant et d’un meeting unitaire à Aubenas. Mais il aura fallu une occupation du site avec des citoyen·nes qui s’attachent à la passerelle en juin 2020 pour que la préfète daigne réagir et se déplacer pour rencontrer les opposant·es et certain·es élu·es. Face à la mobilisation et aux failles indéniables relevées dans la procédure (absence d’étude d’impact environnemental notamment), elle a mis en place un groupe de travail en préfecture avant de prendre l’arrêté de suspension des travaux le 15 octobre de la même année dans l’attente d’une étude. Le chantier a donc été gelé. Le tribunal administratif, saisi par l’association, n’a toujours pas jugé l’affaire.
En abrogeant cet arrêté, le préfet actuel a pris une grande responsabilité. Il a réactivé la mobilisation et le chemin sera long. Mais la détermination est forte face à un projet d’un autre âge…
Le 11 janvier 2023
Correspondant
Pour en savoir plus :