Il n’est pas si fréquent à cinq jours d’échéances électorales importantes de voir défiler dans les rues des milliers de syndicalistes. C’est pourtant ce qui s’est passé le 18 mars à l’appel de CGT, FO, FSU, Solidaires.
Certains, au gouvernement, se sont sans doute ce soir-là réjouis du trop faible taux de grévistes. Ils auraient dû mieux regarder les cortèges et surtout mieux écouter ce qui se disait sur les lieux de travail et dans les familles. Ils auraient été moins étonnés de la gifle électorale des jours suivants. Car, ce qui s’est joué le 18 mars, c’est (enfin !) une première contestation unitaire de la politique de François Hollande, incarnée dans le nouveau pacte de responsabilité. Le mouvement de grève et de manifestations , lancé sur les salaires, l’emploi, les services publics et la sécurité sociale s’est de fait centré sur le pacte « Hollande-Gattaz », sur lequel le gouvernement Ayrault veut engager sa responsabilité en avril.
Les manifestations ont été nombreuses, la CGT annonçant 240 000 manifestants dans 140 villes de France. Seulement un mois et demi après la journée nationale de mobilisation interprofessionnelle du 6 février, c’était significatif d’une tension sociale latente mais sans explosion, dans un contexte permanent de suppressions d’emplois, de remise en question des droits des chômeurs, de problèmes de salaires.
L’inquiétude, la colère sont bien là, sans trouver pour l’instant de débouchés collectifs susceptibles de faire reculer un gouvernement campant sur ses choix économiques sans issue et dangereux pour les finances publiques.
Il faudra pourtant y arriver, au risque si non, de laisser s’enkyster le sentiment de l’inéluctable et l’abandon des espérances. La division entre organisations syndicales pèse lourd. Les tensions sont vives avec les syndicats soutenant le pacte (et de plus en plus ouvertement le gouvernement!) mais le travail CGT-FO-FSU-Solidaires gagnerait aussi largement à être approfondi, en essayant d’échapper aux pièges de la concurrence.
Les formes de mobilisation ne sont pas évidentes. La succession de journées nationales en demi-teintes ne garantit pas la croissance d’un mouvement d’ampleur mais leur absence non plus! C’est l’ouverture d’autres perspectives qui peut élargir la mobilisation sociale et le syndicalisme doit en prendre sa part. S’il y a une spécificité de l’action syndicale de terrain et des solidarités mobilisatrices des salarié-es, elle doit participer des autres cadres de mobilisations, associatives (comme la campagne lancée contre le traité Transatlantique) ou politiques.
Au bout de compte, ce sont les salarié-es, les citoyen-nes qui ont la main. Rappelons-nous les mouvements sur le CPE ou les retraites.
Le 4 avril à Bruxelles dans le cadre CES, le 12 avril à Paris contre l’austérité et avec d’autres rendez-vous nationaux à décider, il va s’agir maintenant, dans un contexte de probable remaniement ministériel, d’élargir la mobilisation sociale pour faire renoncer le gouvernement Hollande à son projet de pacte… et au reste.
Isabelle Sargeni-Chetaud