Le projet de loi supprimant le droit à l’avortement en Espagne a été adopté par le gouvernement de droite au conseil des ministres du vendredi 20 décembre malgré les manifestations des féministes et de la gauche tentant de s’opposer à ce retour en arrière réactionnaire.
Ce texte annule de fait la loi de 2010 qui autorise l’avortement jusqu’à 14 semaines, et jusqu’à 22 semaines en cas de malformation du foetus, une loi qui était, avec le mariage homosexuel, l’une des réformes phares de l’ex-gouvernement socialiste.
En effet, un avortement ne sera plus possible que dans deux cas « extrême » : quand l’interruption de grossesse est jugée nécessaire en raison d’un grave danger pour la vie ou la santé physique ou psychologique de la femme, et si la grossesse est une conséquence d’un délit contre la liberté ou l’intégrité sexuelle de la femme. En d’autres termes, si la grossesse s’avère dangereuse pour la mère ou si elle est le résultat d’un viol. Le texte impose de surcroit que le diagnostic soit émis par deux médecins différents et étrangers à l’établissement pratiquant l’avortement. Autrement dit, la femme perd son propre droit à juger d’un « grave danger psychologique » pour demander à se faire avorter.
Avant la loi de libéralisation de l’avortement votée en 2010 par le gouvernement socialiste de Zapatero, les dispositions étaient similaires mais moins contraignantes : un seul médecin était auparavant suffisant. En cas de viol, il faudra que la femme ait précédemment déposé plainte. Et il faudra deux rapports, l’un pour la mère et l’autre pour le fœtus, pour que la malformation du fœtus puisse être invoquée comme motif de l’interruption de grossesse, a indiqué le ministre. Les mineures devront avoir l’autorisation de leurs parents.
Nosostras dicidimos
Le temps presse : le projet de loi risque d’être adopté au Parlement où le Parti Populaire de droite au pouvoir dispose d’une majorité absolue.
Les associations féministes, les syndicats, les partis de gauche, tous appellent à la mobilisation malgré la trêve des confiseurs. « Liberté pour nos corps », « c’est à nous de décider », des pancartes ont fleuri dans les manifestations rassemblant les femmes indignées et sidérées par ce brutal « retour sous Franco ». Luis Enrique Sanchez, président de la Fédération du planning familial, a souligné les conséquences dramatiques de ce » retour en arrière à la situation des années 1980, avec des femmes espagnoles qui allaient en France ou en Angleterre » pour y subir un avortement lorsqu’elles en avaient les moyens.
Quant à celles qui n’ont pas les moyens, elles recourront comme autrefois à des avortements clandestins à haut risque, pour leur vie et leur santé. Médecins du monde souligne également que « les lois restrictives ne font en aucun cas baisser le nombre d’avortements » mais poussent les plus pauvres à « mettre leur vie en danger ».
Nul doute que la pression de l’Eglise catholique, au travers de la conférence épiscopale, a pesé très lourd dans ce choix qui placerait l’Espagne parmi les pays ayant les législations les plus réactionnaires en la matière en Europe.
La loi de 2010 avait été soulignée comme un progrès fantastique dans un pays traditionnellement dominée par les exigences catholiques, en étroite collaboration avec le pouvoir politique réactionnaire et fascisant dont les années Franco sont restées la sinistre référence. Les ligues anti-avortement ont manifesté dans la liesse de ce qu’elles considèrent comme une première victoire pour interdire tout avortement.
L’enjeu dépasse les frontières de l’Etat Espagnol. Il souligne que rien n’est jamais acquis et que les régressions menacent tous nos droits, même ceux chèrement acquis par des luttes de masse. La défense des droits des femmes nous concerne tous et toutes dans tous les pays.
Hélène Adam, le 22 décembre 2013.