Malgré la violence qu’il a déclenchée contre les Palestiniens depuis huit semaines, Israël n’est pas en train de gagner et ne parvient pas à atteindre ses objectifs politiques. C’est la démonstration que font Tony Karon et Daniel Lévy dans l’article que nous présentons. Elle est d’autant plus intéressante que l’un de ses rédacteurs a été un des négociateurs israéliens avec les Palestiniens.

Israël est en train de perdre cette guerre

Par Tony Karon

1Tony Karon est le responsable éditorial d’AJ+ sur Al Jazeera, ancien rédacteur en chef du magazine Time, et a participé au mouvement de libération anti-apartheid dans son pays natal, l’Afrique du Sud. et Daniel Lévy2Daniel Levy est président du projet États-Unis/Moyen-Orient et ancien négociateur israélien avec les Palestiniens à Taba sous le premier ministre Ehud Barak et à Oslo B sous le premier ministre Yitzhak Rabin.. Publié le 8 décembre 2023 par l’Agence Média Palestine. Source : The Nation

Il peut paraître stupide de suggérer qu’un groupe de combattants armés, comptant quelques dizaines de milliers de personnes, assiégés et ayant peu accès à des armes avancées, est à la hauteur d’une des armées les plus puissantes du monde, soutenue et armée par les États-Unis.

Et pourtant, un nombre croissant d’analystes stratégiques avertissent qu’Israël pourrait perdre cette guerre contre les Palestiniens malgré la violence cataclysmique qu’il a déclenchée depuis l’attaque menée par le Hamas contre Israël le 7 octobre. En provoquant l’assaut israélien, le Hamas pourrait réaliser plusieurs de ses objectifs politiques.

Israël et le Hamas semblent tous deux rétablir les termes de leur lutte politique, non pas vers le statu-quo d’avant le 7 octobre, mais vers celui de 1948. On ne sait pas exactement ce qui va suivre, mais il n’y aura pas de retour à la situation antérieure.

L’attaque surprise a neutralisé les installations militaires israéliennes, forçant les portes de la plus grande prison à ciel ouvert du monde et provoquant un terrible carnage au cours duquel quelque 1 200 Israéliens, dont au moins 845 civils, ont été tués. La facilité choquante avec laquelle le Hamas a franchi les lignes israéliennes autour de la bande de Gaza a rappelé à beaucoup l’offensive du Têt de 1968.

Pas littéralement : il existe de grandes différences entre une guerre expéditionnaire américaine dans un pays lointain et la guerre menée par Israël pour défendre une occupation sur son territoire, menée par une armée citoyenne motivée par un sentiment de péril existentiel. L’utilité de l’analogie réside plutôt dans la logique politique qui sous-tend une offensive insurrectionnelle.

En 1968, les révolutionnaires vietnamiens ont perdu la bataille et ont sacrifié une grande partie de l’infrastructure politique et militaire souterraine qu’ils avaient patiemment construite au fil des années. Pourtant, l’offensive du Têt a été un moment clé dans la défaite des États-Unis, même si elle a coûté énormément de vies aux Vietnamiens.

En organisant simultanément des attaques spectaculaires et très médiatisées contre plus de 100 cibles à travers le pays en une seule journée, des guérilleros vietnamiens légèrement armés ont brisé l’illusion de succès colportée auprès du public américain par l’administration Johnson. Cela signalait aux Américains que la guerre pour laquelle on leur demandait de sacrifier des dizaines de milliers de leurs fils était impossible à gagner.

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Notes
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    Tony Karon est le responsable éditorial d’AJ+ sur Al Jazeera, ancien rédacteur en chef du magazine Time, et a participé au mouvement de libération anti-apartheid dans son pays natal, l’Afrique du Sud.
  • 2
    Daniel Levy est président du projet États-Unis/Moyen-Orient et ancien négociateur israélien avec les Palestiniens à Taba sous le premier ministre Ehud Barak et à Oslo B sous le premier ministre Yitzhak Rabin.