Samedi 21 septembre 2024, le Collectif Palestine 05 a changé la forme de ses manifestations. Sur une place publique fréquentée, il a proposé une discussion ouverte. Le thème retenu a été : « Israël et le droit international ». Ce débat a été préparé en amont par le document ci-dessous.
Israël et le droit international
Par Jean-Paul Leroux. Le 20 septembre 2024.
1ʳᵉ question : pourquoi le droit international est-il si important pour Israël ?
1ʳᵉˢ réponses :
L’existence de l’État d’Israël ne repose que sur le droit international !
Son existence a été actée par l’ONU le 29 novembre 1947. La mise en place d’un Plan de partage a attribué 56 % des terres de la Palestine à Israël et 44 % à un état de Palestine qui ne s’est pas créé à l’époque.
Les 14 et 15 mai 1948, Ben Gourion, appliquant la résolution 181 de l’ONU – celle du plan de partage – a déclaré l’existence de l’État d’Israël.
Le droit international est donc la seule garantie légitime de l’existence de cet État.
Les autres justifications, religieuses, idéologiques, etc. n’ont pas de validité en droit.
L’existence d’un État palestinien a la même validité juridique en droit que celle d’Israël. En fait, cet État n’a jamais vu le jour en Palestine même si aujourd’hui, il est reconnu par 147 pays sur 193 que compte l’ONU soit une importante majorité.
La France sait qu’elle devra, un jour ou l’autre, se conformer à la résolution 181 de l’ONU, mais pour le moment, elle ne le fait pas, car dit-elle, le moment n’est pas « opportun » ! Comme si, en 75 ans, il n’y avait jamais eu un moment « opportun » !
2ᵉ question : Mais alors, si le droit international est important, pourquoi Israël ne respecte-t-il pas ce droit ?
Par exemple :
- les décisions de la Cour internationale de Justice en date du 19 juillet 2024 qui rappelle la violation persistante du droit à l’autodétermination du peuple palestinien,
- la condamnation en 2004 de la construction du mur en territoire palestinien occupé,
- la condamnation de la politique de colonisation, également en 2004,
- la résolution adoptée mercredi 18 septembre par l’Assemblée Générale de l’ONU? Celle-ci a demandé la fin de l’occupation par 124 voix contre 14 et 43 abstentions.
Israël, bien entendu, n’a aucune intention de s’y conformer et a déclaré qu’elle était « hypocrite ».
2ᵉ réponses :
La raison est politique. Israël obéit à une politique de colonisation à marche forcée des territoires occupés. Celle-ci correspond à l’idéologie religieuse de la reconstitution d’un Grand Israël en contradiction ouverte avec la résolution 181, fondatrice de la légalité de cet État. La population israélienne est profondément divisée. D’un côté, les « laïcs » veulent que l’état reste démocratique et non religieux. De l’autre, d’autres veulent un État religieux composé seulement de Juives et de Juifs religieux·ses.
Le ministre de l’Économie et des territoires occupés, Bezalel Smotrich, a publié en 2017 un texte dénommé « Le Plan décisif » qui explique la politique qu’Israël est en train de suivre à Gaza et en Cisjordanie.
3ᵉ question : Mais est-ce que la Cour internationale de Justice a le droit de faire des mises en garde ? Sur quelle légalité repose son travail ?
3ᵉ réponses :
La Cour internationale de justice est l’un des principaux organes des Nations unies. Il s’agit d’une juridiction permanente dotée d’une compétence générale. Son statut est annexé à la Charte des Nations unies. Elle a succédé à la Cour permanente de justice internationale et s’est inscrite dans une continuité jurisprudentielle vis-à-vis de celle-ci.
La Cour internationale de justice ne recherche pas les responsabilités pénales des individus, comme le fait la Cour pénale internationale, mais la responsabilité étatique.
Autrement dit, se fondant sur le principe selon lequel les États ne doivent pas résoudre leurs différends par la force, cette Cour a pour vocation de trancher les litiges entre États, de dire le droit international.
Elle statue sur la base des conventions internationales, de la coutume et des principes généraux de droit. La Cour peut examiner toute question de droit international : délimitation de frontière, droit international de la mer, protection de l’environnement, immunités et privilèges diplomatiques, droit international des droits humains, droit international humanitaire.
4ᵉ question : Avant son avis du 19 juillet, a-t-elle déjà rendu des avis dans ce conflit ?
4ᵉ réponses :
Oui, le 26 janvier 2024, la CIJ a rendu un avis concernant la possibilité d’un génocide.
APPLICATION DE LA CONVENTION POUR LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE DANS LA BANDE DE GAZA. (Afrique du Sud contre Israël)
La CIJ indique les mesures conservatoires suivantes :
[…]
L’État d’Israël doit, conformément aux obligations lui incombant au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission, à l’encontre des Palestiniens de Gaza, de tout acte entrant dans le champ d’application de l’article II de la convention, en particulier les actes suivants :
a) meurtre de membres du groupe ;
b) atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; et
d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
[…]
L’État d’Israël doit veiller, avec effet immédiat, à ce que son armée ne commette aucun des actes visés au point 1 ci-dessus ;
[…]
L’État d’Israël doit prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l’incitation directe et publique à commettre le génocide à l’encontre des membres du groupe des Palestiniens de la bande de Gaza ;
[…]
L’État d’Israël doit prendre sans délai des mesures effectives pour permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence afin de remédier aux difficiles conditions d’existence auxquelles sont soumis les Palestiniens de la bande de Gaza ;
[…]
L’État d’Israël doit prendre des mesures effectives pour prévenir la destruction et assurer la conservation des éléments de preuve relatifs aux allégations d’actes entrant dans le champ d’application des articles II et III de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide commis contre les membres du groupe des Palestiniens de la bande de Gaza ;
[…]
L’État d’Israël doit soumettre à la Cour un rapport sur l’ensemble des mesures qu’il aura prises pour donner effet à la présente ordonnance dans un délai d’un mois à compter de la date de celle-ci.
[…]
L’avis du 19 juillet de la CIJ n’est que la continuation du travail de la CIJ sur la guerre entre Israël et les palestiniens.
5ᵉ question : Y a-t-il eu un effet du droit international sur la situation politique et militaire ?
5ᵉ réponses :
Sur la situation militaire, il est très difficile de le dire. Un exemple est l’Angleterre qui a diminué, à la marge, ses livraisons. Il semblerait que l’Allemagne ait fait aussi même si, ce jeudi, les Allemands le nient.
Sur la situation politique, il est clair que, depuis janvier 2024, des pays viennent de reconnaître l’existence d’un État de Palestine. Il y en a 9 : la Barbade, la Jamaïque, Trinité-et-Tobago, les Bahamas, puis la Norvège, l’Irlande, l’Espagne, la Slovénie et l’Arménie.
De plus, si le génocide est reconnu comme ayant lieu ou ayant eu lieu, les pays fournisseurs d’armes pourront être poursuivis pour ne pas s’être conformé à l’arrêt de la CIJ de ne pas participer à ce génocide.
6ᵉ question : Et la Cour pénale internationale (CPI) quel est son rôle par rapport à la Cour internationale de justice (CIJ) ?
6ᵉ réponses :
La CIJ ne peut pas poursuivre des individus. Elle intervient sur demande d’entités reconnues internationalement comme les États ou des organismes de l’ONU.
Par contre, le TPI peut poursuivre des personnes individuelles et même demander leur incarcération et leur procès. Cela s’est produit pour Radovan Karadzic, ancien président de la Bosnie, qui a été incarcéré, jugé pour génocide, et condamné à la prison à vie.
À l’heure actuelle, Poutine est poursuivi par le TPI pour les crimes commis en Ukraine. Il y a même un mandat d’arrêt international contre lui.
Dans la guerre entre Israël et les Palestiniens, Netanyahu – Premier ministre – et Gallant – ministre des Armées – sont poursuivis pour crimes de guerre et un mandat d’arrêt est en discussion pour les arrêter. Le leader du Hamas, Yahya Sinwar, est dans la même situation.