J.F. Chazerans, professeur de philo mis à pied à titre conservatoire fin janvier par le recteur de Poitiers pour quatre mois après avoir été suspecté d’apologie d’actes de terrorisme en classe, ne sera finalement pas poursuivi en justice.
Selon l’AFP, « Les propos imputés n’apparaissent pas, en eux-mêmes, constitutifs du délit d’apologie d’actes de terrorisme prévu par l’article 421-2-5 du code pénal qui impose de présenter des actes de terrorisme sous un jour favorable. Ils ne pourront donc pas faire l’objet de poursuites pénales », a indiqué vendredi le procureur de la République de Poitiers dans un communiqué. Suspecter ce militant et porte-parole du DAL86 d’avoir des accointances avec les djihadistes était diffamatoire, il aura fallu plusieurs semaines et 8 heures de garde à vue subies par J.F. Chazerans pour que la justice le dise.
Mais le procureur renvoie l’ascenseur répressif vers l’envoyeur le Recteur de Poitiers qui fut connu il y a peu pour savoir reconnaître un apprenti djihadiste à sa barbe et autres signes extérieurs. Mediapart, le 20 novembre 2014, nous apprenait qu’un document intitulé « Prévention de la radicalisation en milieu scolaire », avait ainsi été envoyé par courriel depuis le rectorat à tous les chefs d’établissements de la Vienne. « Pour repérer « des indicateurs » de djihadisme potentiel. « En tête de ces « signes extérieurs individuels », la « barbe longue non taillée (moustache rasée) » doit mettre la puce à l’oreille, tout comme les « cheveux rasés » et « l’habillement musulman ». Les « jambes couvertes jusqu’à la cheville », le « refus du tatouage » viennent ensuite, juste avant le« cal sur le front » (qui apparaît après des années de pratique assidue chez les musulmans très religieux) ou la« perte de poids liée à des jeûnes fréquents » – à ne pas confondre, la tâche est ardue, avec l’anorexie adolescente . (…) Marquer un « intérêt pour les débuts de l’Islam » est aussi un signe inquiétant pour l’Éducation nationale. »
Notre professeur de philosophie porte barbe et moustache et n’a point la maigreur ostentatoire ! Comment notre recteur armé de son traité d’islamologie pour les lapins crétins a-t-il pu se fourvoyer ainsi ? Le grotesque écrit fut retiré du circuit éducatif, cela va mieux en le disant.
Mais notre enseignant aurait tenu « des propos inappropriés », voire « inadaptés, déplacés et choquants »
Le procureur estime que «les propos tenus par cet enseignant, le jour même d’un deuil national décrété à la suite d’un attentat terroriste ayant particulièrement ému l’ensemble de la communauté nationale, peuvent apparaître particulièrement inadaptés, déplacés et choquants». En conséquence, l’ensemble des auditions et éléments recueillis dans le cadre de l’enquête pénale ont été communiqués au recteur d’académie «afin qu’une réponse adaptée puisse être donnée dans le cadre de la procédure disciplinaire en cours». Le 8 janvier, selon l’enquête pénale confiée à l’antenne de Police judiciaire de Poitiers, le professeur avait orienté le débat en exprimant des opinions personnelles faisant le lien entre le terrorisme et ce qu’il qualifiait d’impérialisme de l’Occident, en assimilant les militaires français engagés dans des opérations extérieures à des terroristes. Ces propos avaient provoqué de vives réactions notamment auprès d’élèves ayant des parents militaires dont certains avaient été engagés dans des opérations extérieures.
Au nom de la mémoire des dessinateurs de Charlie, il ne serait pas admis de tenir des « propos choquants » concernant l’armée et ses interventions en Afrique… Est-ce de l’humour étatique que nous devons attendre de la part de ce Recteur invité à se faire bras répressif sur l’invitation expresse du procureur ? Chiche.
Suggérons que, vite, très vite, le Recteur fasse repentance pour sa brochure stupide et islamophobe (encore plus stupide qu’islamophobe, plus bête que méchante peut-être même) en une cérémonie républicaine de repentance. L’évènement serait croqué par les dessinateurs de Charlie-hebdo en quelques traits « choquants et déplacés » ; gageons que Charb et Cabu auraient aimé l’idée. Notre recteur qui ne saurait être qu’un de ces Charlie officiels ne pourra qu’agréer cette proposition. Puis un débat sur l’humour, les propos choquants qui parfois déplacent des foules en pour ou en contre, serait organisé dans tous les lycées de Poitiers.
Ce n’est qu’ensuite qu’on pourrait parler des mots si « choquants » de J.F. Chazerans.
Pascal Boissel. 28.02.2015