Ce 19 août dès 6h du matin, la ferme des Bouillons occupée depuis 2012 par l’Association de protection du site a été évacuée par les CRS. Seule la non violence de nos ami-e-s, choisie comme mode d’action depuis l’origine, a permis qu’il n’y ait pas d’incident. Les nombreux animaux, gros et petits, installés par nos soins sur la ferme sont en cours de « déménagement » sur un terrain voisin où une quarantaine de personnes installaient ce soir leur tente sous la surveillance de plus de 10 cars de policiers. Une AG d’environ 300 personnes, qui s’est tenue en fin de journée le 19/08, a en effet décidé d’occuper ce nouveau lieu herbeux appartenant au Département. Nous l’affirmons tous et toutes : La ferme des Bouillons « délocalisée » vit toujours !
Ensemble ! présent sur cette ferme dès les 1ers jours, a exprimé sa solidarité avec les citoyen-ne-s qui depuis bientôt 3 ans ont sauvé la ferme en empêchant sa démolition puis en la faisant reclasser en zone naturelle protégée. Ils et elles sont aujourd’hui expulsé-e-s manu militari…, coups de béliers contre des portes ouvertes, attaque massive contre quelques militant-e-s associatifs… une provocation ? Sans doute pour les remercier de leurs actions en faveur de la transition énergétique proclamée en haut lieu….
En effet, c’est Immochan – filiale immobilière d’Auchan – qui avait acquis début 2012 la dernière ferme péri-urbaine de Mont Saint Aignan, commune de  la Métropole de Rouen. Son intention était soit d’urbaniser le site, soit de le garder au bénéfice d’une spéculation foncière chère à cette multinationale de la famille Mulliez qui possède, non seulement 80 enseignes commerciales, mais des milliers d’ha dans le monde (Chine, Madagascar etc…).
Résistant à ce rouleau compresseur, l’Association, soutenue par de jeunes occupant-e-s très motivé-e-s, a fait revivre la ferme, transformant cette zone AU (A Urbaniser ) en « zone à humaniser » avec 2 slogans-clés dès les 1ers jours « des Champs pas d’Auchan » et « on reste ferme ». Malgré les jugements d’expulsion (le 1er en 2013 a  été l’occasion de planter un grand champ de pommes de terre avec l’aide des copains de la Confédération Paysanne locale !), la ferme est devenue non seulement une ferme maraîchère biologique mais aussi un lieu aux multiples manifestations culturelles dont les célèbres « tambouilles » qui ont rassemblé toujours dans la joie et la bonne humeur plusieurs milliers de visiteurs et selon un mode de fonctionnement autogestionnaire exemplaire.
Cette mobilisation a permis d’aboutir il y a un an au reclassement du site en Zone Naturelle Protégée, autorisant une activité agricole. Il restait alors à racheter la ferme devenue inutile pour Auchan, et à cette fin un projet pour une activité pérenne a été présenté par l’Association au printemps 2015, projet citoyen et collectif dont le financement était assuré par la souscription de parts portées par la Foncière Terre de Liens Normandie. Ce projet est à la fois agricole (avec pépinière d’exploitants maraîchers et espace test agricole), culturel ( avec une association dédiée) , pédagogique (par exemple pour les écoles de l’agglomération) et enfin une commercialisation de circuit court type AMAP (déjà la vente de produits se faisait à la ferme tous les samedis). Le  maraîcher porteur de la partie agricole de ce projet, a une expérience de 6 ans , une famille à nourrir et il se retrouvera  sans terre en fin d’année.
Mais, en plein été, nous apprenons que la ferme était sur le point d’être vendue secrètement par Immochan à une SCI familiale, politiquement et idéologiquement proche des Mulliez et à un prix extrêmement bas, faisant peser le soupçon légitime de conflit d’intérêt.
Malgré une forte mobilisation citoyenne des membres et sympathisant-e-s de l’Association, avec les soutiens actifs de Terre de Liens et de la Confédération paysanne présente à nos côtés depuis le 1er jour, la SAFER, seul organisme habilité à préempter en milieu rural, a refusé de le faire pour ces 4 ha pour les « offrir » aux frères Mégard dont Ras l’ front Rouen nous a appris qu’ils avaient tout pour plaire à la très catholique et conservatrice famille Mulliez : Thibault fut candidat suppléant à Rouen, aux législatives de 2007, sous l’étiquette Mouvement pour la France (MPF) de Philippe de Villiers, son frère Baptiste est un militant actif de la Manif pour tous et des Veilleurs de la famille. Ces même Veilleurs furent à l’ initiative de la venue à Rouen de Farida Belghoul (initiatrice des Journées de Retrait de l’Ecole) et d’Eric Zemmour.
Des entrepreneurs à la tête de plusieurs PME de gestion immobilière….
La préemption aurait permis d’examiner de façon équitable et transparente les deux projets.
C’est ce choix entre un projet privé capitaliste et notre projet citoyen à multiples facettes que la non préemption rend impossible. C’est cette préemption que l’Etat par l’intermédiaire du préfet n’a pas voulu imposer à la SAFER comme il pouvait le faire et comme nous l’avons demandé avec insistance.
Impliqué-e-s dans ces diverses actions, les militant-e-s locaux d’Ensemble ! ont vu dans la vie quotidienne de cette ferme occupée durant 32 mois une de ces pratiques sociales et écologiques significatives du « déjà là émancipateur qui remet en cause la logique capitaliste marchande et productiviste » selon une des phrases de notre texte « Émancipation ». Comme le dit la lettre ouverte et collective envoyée il y a quelques jours au préfet, cette action citoyenne agricole et environnementale « nous l’avons aimée parce que ses formes, non violentes, festives, culturelles et participatives, ont renouvelé le genre et montré que notre pays était riche d’énergies nouvelles et créatives, de potentiels de réinvention de la citoyenneté ».
C’est cette autre manière de « faire société », qui a fait sens pour beaucoup de citoyen-nes de tous âges engagé-e-s dans cette lutte de résistance partielle. C’est bien cela qu’aujourd’hui le pouvoir FNSEA de la SAFER mais aussi celui de l’Etat aux mains d’un gouvernement qui n’a plus rien de socialiste ont voulu briser.
La ferme des Bouillons fait aujourd’hui les frais de cette politique réactionnaire du gouvernement Valls qui ne veut surtout pas qu’un collectif citoyen imaginatif, ayant occupé illégalement un lieu devenu emblématique malgré sa petite taille, et en lien avec les autres territoires de contestation (coordination anti-Mulliez, échanges fréquents avec NDDL etc), puisse sortir vainqueur d’un bras de fer avec le capitalisme international des Mulliez.
Les Mégard, entrés ce matin dans leur « nouveau bien » sous la protection de la police, et après en avoir chassé les occupant-e-s, légitimé-e-s par leur constant travail et pourtant aujourd’hui totalement méprisé-e-s, ont mis en place un gardiennage privé avec des chiens. Dans quelle belle démocratie vivons-nous !
Nous envisageons de lançer une action juridique contre la SAFER qui, sortant de son rôle, a aidé en amont la SCI à se mettre « dans les clous » pour surtout n’avoir aucun prétexte pour préempter la terre. Elle va être portée  par un appel constant à  mobilisation mais chacun est conscient de la difficulté des jours qui sont devant nous. Tous les soutiens politiques, syndicaux, associatifs présents ce soir vont devoir rester actifs. Pas de souci pour les camarades d’Ensemble même si, on le sait, le temps long use les énergies.
Ensemble! 76