Notre camarade Vincent Buard regrette le manque d’informations actualisées sur les organisations qui, en Israël, s’opposent aux racistes et aux suprémacistes au pouvoir. Cause et conséquence, il y a trop peu d’échanges entre nos deux gauches. Après un rapide état des lieux, il suggère un objectif de travail unitaire.

La gauche antisioniste en Israël et le silence international qui l’entoure

Par Vincent Buard. Le 15 août 2024

Lors de discussions entre militant·es sur la situation en Israël, nous sommes parvenu·es à un constat : « Nous aurions dû, depuis longtemps, soutenir les Israélien·nes opposé·es aux racistes. »

Pourquoi ce retard, alors que le panorama de la gauche a considérablement changé en Israël depuis les années 90 ?

  • Le Parti travailliste n’est plus que l’ombre de ce qu’il était et ne retrouvera probablement plus jamais sa puissance de jadis. À gauche, il est discrédité par son passé d’architecte de la ségrégation ethnique, par ses violences (Nakba de 1948, etc.) et par le cours libéral de sa politique économique intérieure. Pire pour lui, il est méprisé à droite pour son hypocrisie à assumer publiquement le sionisme et sa violence intrinsèque. Dans le monde entier, les électeur·rices préfèrent l’original à la copie. Qui plus est, on ne modifie pas un cours politique gagnant : celui de l’enrichissement par la spoliation d’autrui, l’oppression et l’atlantisme islamophobe. On l’amplifie. La glissade à droite de toute la société israélienne était prévisible, partant d’un formatage ethnique dès l’école primaire qui se poursuit dans les médias. Les travaillistes n’ont plus d’avenir que comme force d’appoint de la droite extrême, ce qu’ils font depuis quatre décennies.
  • Le Meretz a disparu le 30 juin 2024 pour fusionner avec le Parti travailliste et fonder un parti appelé « Les démocrates ».
    Cette évolution droitière confirme le diagnostic d’Ilan Pappé – historien israélien en exil du fait de son simple travail d’historien de la Nakba. Pour lui, il n’y a pas de sionisme de gauche possible. En effet, si l’égalité des droits est niée avec une oppression continue, cela mène aux logiques d’extrême droite et au génocide.
  • Le PC /Coalition Hadash est la force la mieux organisée de ce qu’il reste de gauche antisioniste. Il obtient systématiquement des députés à la Knesset. Il parvient même parfois, au gré de ses coalitions, à battre les travaillistes et le Meretz. Le seul député juif antisioniste du Parlement – Ofer Cassif – est membre du PC. Ils sont parlementaristes, ouverts à d’autres partis. Ils ont actuellement autant de députés que les travaillistes. Soit 4, plus celui de Ta’al, parti associé au PC. Ils soutiennent Standing Together – l’association, active depuis 2015, qui prône l’amitié et le respect mutuel entre Juifs et Palestiniens – malgré de forts vents contraires. Il n’y a objectivement plus de quoi les traiter de staliniens, ni de rester en retrait devant les coups – physiques, politiques, judiciaires – qu’ils reçoivent presque seuls contre tous et dans le silence international. Combien de médias dans le monde leur accordent la place qu’ils méritent comme leaders de la gauche israélienne ?
  • Les trotskystes (Matzpen notamment) et les anarchistes ont disparu en tant que groupes.
  • Le Balad – un parti arabo-juif, antisioniste, de gauche radicale – est proche du Hadash. Il n’a plus de députés. Notre camarade Michel Warshawski l’a appuyé à diverses élections. Une de ses cofondatrices, Yaël Lerer, a été candidate pour FI et le NFP aux législatives dans la 8ᵉ circonscription en 2024. Elle a permis, avec ses électeurs, par un report parfait de leurs voix sur la candidate macroniste Yadan, le déboulonnage du fasciste franco-israélien Meyer-Habib, membre du Likoud.

L’absence de partenaires trotskystes en Israël et l’antistalinisme qui anime encore nombre de militant·es de notre camp ont sans doute joué dans l’absence de soutien à cette gauche radicale israélienne. Elle se retrouve bien seule pour recevoir les coups, soumise à un véritable black-out international.

ENSEMBLE! doit contribuer à briser le véritable mur du silence – injustifié et injustifiable – qui entoure l’existence de ceux qui sont les « Justes » de ce pays. Il ne sert qu’à cacher les turpitudes du sionisme en Israël même.

Peut-être pourrions-nous profiter des universités d’été de partis proches pour leur proposer cet objectif ?