Loin des agacements alimentés par des émissions d’informations rapides ou déformées, l’auteur fait preuve de pédagogie pour mettre en ordre des « points de vue » morcelés. Il réussit à remettre d’aplomb des analyses et des engagements que nous partageons.

Une attaque surprise, mais qui n’a rien de surprenant

Par Dan La Botz,1L’auteur, Dan La Botz, syndicaliste, ­cofondateur de Teamsters for a Democratic­ Union, est journaliste spécialisé sur le mouvement syndical américain. Il a publié en français Le nouveau populisme américain : résistances et alternatives à Trump (Syllepse, 2018). membre du comité de rédaction de la revue New Politics. Publié sur Foreign Policy in Focus2https://fpif.org/a-surprise-attack-but-nothing-surprising-about-it/, le 10 octobre 2023 (traduit par nos soins).

La nouvelle guerre au Moyen-Orient entre le Hamas et Israël est un désastre pour tous les peuples de la région, Israéliens et Palestiniens, et peut-être pour bien d’autres encore. Pendant plus de 50 ans, Israël a attisé le feu sous la cocotte-minute, et elle a fini par exploser. L’attaque choquante du Hamas en est le résultat.

L’attaque du Hamas, qui lance des missiles contre des zones civiles, qui assassine et kidnappe des civils – hommes, femmes et enfants – constitue une épouvantable violation du droit humanitaire international. Mais le bombardement massif d’Israël sur Gaza – prétendant se concentrer sur des cibles militaires, mais frappant des bâtiments résidentiels, des hôpitaux et des mosquées – est tout aussi terrible. Le gouvernement israélien affirme qu’il imposera un blocus complet de Gaza et des deux millions de personnes qui y vivent. C’est un acte inadmissible. Son ministre de la Défense a qualifié les Palestiniens d’« animaux humains » – un langage génocidaire – et a annoncé un plan visant à une offensive terrestre dans Gaza. Il suggère qu’elle sera détruite, ce qui ne peut être que catastrophique.

Bien que l’attaque de guérilla du Hamas contre Israël ait surpris tout le monde, elle n’a rien de vraiment surprenant. Bien avant la fondation d’Israël, les sionistes ont attaqué les Palestiniens, s’emparant de leurs terres et chassant nombre d’entre eux de leurs foyers et de leur pays. Depuis 1948, Israël poursuit le nettoyage ethnique des Palestiniens, s’empare des terres et de l’eau et établit un État d’apartheid qui fait des Arabes vivant à l’intérieur des frontières israéliennes des citoyens de seconde zone.

Gaza est un territoire d’environ deux millions d’habitants, l’une des zones les plus densément peuplées de la planète. Sans contrôle de ses frontières, elle est considérée comme la plus grande prison du monde. C’est une description appropriée. La bande de Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est – qui constituent ensemble l’État de Palestine – sont sous occupation militaire israélienne depuis 1967. Bien qu’Israël se dise « désengagé » de Gaza en 2005, les Nations Unies et les groupes de défense des droits de l’homme considèrent toujours Israël comme une puissance occupante responsable du bien-être de la population et exigent la fin de l’occupation. L’occupation israélienne a conduit à des conflits militaires répétés – et maintenant à cette dernière attaque violente.

J’ai entendu un militant comparer l’attaque du Hamas à la rébellion de l’Attique. Ce n’est pas une mauvaise comparaison. Si vous mettez des prisonniers dans une cage et que vous les torturez, ils se rebelleront.

Même si les sympathies de la gauche ont été et resteront, à juste titre, tournées vers le peuple palestinien, on ne peut avoir aucune sympathie pour le Hamas. Le Hamas est une organisation nationaliste, fondamentaliste religieuse et de droite, qui n’est en fait pas si différente, à cet égard, du gouvernement actuel d’Israël. La politique du Hamas n’apporte rien de bon au peuple palestinien ni à la région. La résistance à l’oppression par des moyens légitimes est bien entendu justifiée. Mais l’attaque qui vient d’être lancée contre Israël a comporté d’horribles crimes de guerre. De plus, il s’agit d’un échec stratégique puisque, comme c’était prévisible, cela conduira presque sûrement à un massacre massif et tout aussi inhumain de civils palestiniens par Israël, et risquerait également de déclencher une guerre plus large au Moyen-Orient.

Pendant des décennies, ceux de la gauche démocratique ont défendu une solution soit à un soit à deux États, basée sur un (ou plusieurs) gouvernement(s) démocratique(s) et laïque(s) en Israël/Palestine, où tous les peuples auraient des droits égaux. Bien que l’une ou l’autre vision pour la région semble incroyablement utopique pour le moment, seul un mouvement œuvrant pour un État laïque et démocratique peut ouvrir la voie à l’avenir. Pendant ce temps, la gauche devrait continuer à s’opposer au gouvernement israélien et à exiger que le gouvernement américain cesse de lui fournir des milliards pour acheter des armes.

La gauche doit se tenir aux côtés de la Palestine. Mais cela ne signifie pas se tenir aux côtés du Hamas.

Notes