Une contribution de Gilbert Achcar, attire l’attention sur une des difficultés de la situation. Le spectacle des querelles autour du choix du Premier ministre d’un gouvernement représentant 31% des électeurs lui semble lamentable. Pour lui, l’attitude de la gauche devrait consister à refuser de composer un gouvernement.
La gauche ne doit pas briguer le gouvernement
Par Gilbert Achcar. Publié le 8 juillet 2024 par L’Anticapitaliste.
« Macron n’a aujourd’hui d’autre possibilité que de se soumettre à la volonté populaire et de permettre à un gouvernement de gauche d’appliquer le programme de Nouveau Front populaire, qui a désormais la légitimité des urnes. » C’est ce qu’affirmait le NPA, composante la plus à gauche du Nouveau Front Populaire, dans son communiqué du soir du 7 juillet, en réagissant à l’annonce des résultats du second tour des élections législatives anticipées. C’est à l’unisson de ce qu’affirment les autres composantes du NFP, mais c’est doublement erroné.
D’une part, le programme du NFP n’a tout simplement pas acquis la « légitimité des urnes ». Avec 182 sièges (195 en ajoutant les divers gauche) sur 577, soit 31,5% (33,8%) des sièges de l’Assemblée nationale, ainsi que 28% des voix exprimées au premier tour et 25,7% des voix exprimées au second tout, le NFP ne saurait prétendre que son programme a été plébiscité par l’électorat. Nous sommes loin du score du Front populaire qui, en 1936, avait obtenu 57,8% des voix et 386 sièges sur 610, soit 63,3%, à la Chambre des députés.
Or, même si le NFP avait obtenu une majorité des sièges sans obtenir la majorité des voix exprimées, et cela grâce à un mode de scrutin déformateur – comme celui qui a permis au Labour britannique d’obtenir 63% des sièges de la Chambre des communes avec à peine plus du tiers des votes exprimés – il n’aurait pu, ou n’aurait pas dû, se targuer d’avoir obtenu la « légitimité des urnes » au sens démocratique de la légitimité qui ne coïncide pas nécessairement avec le sens institutionnel de l’expression. La gauche – et la gauche radicale en particulier – ne sauraient se prévaloir d’un système électoral qu’elles jugent antidémocratique.
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