Les stratégies différentes des organisations syndicales rendaient peu crédibles le départ de la grève reconductible à la SNCF : SUD-Rail souhaitant la préparer dès le début et certains de ses syndicats ont eu la force de la commencer dès le 18 mai ; la CGT appelait à une grève dite reconductible de 48 h chaque semaine, le mercredi et jeudi ; UNSA et CFDT ne cachaient pas leur priorité à la participation aux discussions sur les textes et menaçaient d’une grève reconductible début juin s’ils n’étaient pas entendus.
Personne ne croyait à cette grève UNSA et CFDT, y compris la direction de la SNCF qui l’a écrit. Bizarrement, cette menace virtuelle a permis le démarrage de la reconductible :
La CFDT, comme tout le monde s’y attendait, a retiré son appel à la grève avant de la commencer et a même, ce qui n’était jamais arrivé, retiré son préavis de grève. Cela n’a pas démobilisé, car personne ne croyait à une grève reconductible CFDT.
L’UNSA, probablement pour se différencier et prétendre qu’elle a obtenu davantage que la CFDT, a appelé au début de la grève reconductible, y a participé mais n’a pas été suivie par les maîtrises et cadres où elle est majoritaire. La direction SNCF se sert de ce constat pour maintenir le forfait jour pour ces personnels qui « sont pour puisqu’ils ne s’y opposent pas ! ». Le 2e jour de la reconductible, la direction nationale décide de « suspendre » son préavis, ce que de nombreux de ses syndicats apprennent par les médias.
La CGT a décidé d’appeler à la grève reconductible, qui devait démarrer avec toutes les organisations syndicales, et rejoint ainsi l’appel de SUD-Rail. Enfin, les 2 syndicats les plus revendicatifs et combatifs appellent en même temps à la grève reconductible.
Cette grève reconductible, suffisamment suivie pour réduire fortement le trafic ferroviaire y compris pendant le weekend, a provoqué quelques mouvements de panique, dans une période où le gouvernement tente de déminer toutes les actions périphériques pour diminuer la pression sociale et faire passer sa loi retraite, celles des intermittents, des routiers… et des cheminots. Le ministère a reçu UNSA et CFDT, bafouant ainsi les règles fondamentales de la négociation collective avec toutes les organisations syndicales représentatives, et la presse annonce des « avancées » court-circuitant la direction de la SNCF ce qui fait courir la rumeur de la démission de Pepy.
Gouvernement et SNCF cherchent à diviser.
La CGT, sur sa demande, a été reçue par les deux, en refusant la proposition de SUD-Rail d’y aller ensemble. Elle en a rendu compte :
La SNCF confirme la recherche de flexibilité dans sa nouvelle réglementation qui intègre des dispositions plus défavorables aux cheminot-e-s. Elle dément l’existence d’une « version 2 » du projet d’accord tel que le prétend l’UNSA et confirme que les textes seront définitifs lundi 6 et soumis aussitôt à signature… pour faire cesser le mouvement.
Le ministère justifie avoir reçu CFDT et UNSA pendant le weekend, car ils sont les seuls à ne pas être opposés à la loi travail. Il affirme qu’il ne peut pas améliorer la convention collective car les entreprises privées ne veulent pas aller au-delà des efforts déjà consentis pour améliorer la situation des salarié-e-s du ferroviaire privé. Il dément l’affirmation de l’UNSA au sujet d’efforts du gouvernement concernant la dette du système ferroviaire : aucune évolution n’est possible avant la parution du rapport parlementaire prévu par la Loi du 4 août 2014. Il publiera le décret socle aussitôt la signature de la convention collective, ce qui selon lui, va « clore » rapidement les raisons de mobilisation des cheminots.
Après coup, SUD-Rail a demandé à être aussi reçus, mais les interlocuteurs ne répondent pas, par peur ou certitude de ne pas convaincre ses interlocuteurs ?
Les cheminot-e-s peuvent gagner, dans un contexte où la majorité de la population, opposée à la loi travail, voit d’u bon œil les mobilisations, même gênantes, dans une période où le gouvernement veut déminer les conflits pour faire passer sa loi retraite et où l’approche de l’euro incite à calmer vite.
Les cheminot-e-s et les organisations syndicales qui les soutiennent ont tout intérêt à amplifier la mobilisation, notamment aux maîtrises et cadres, à l’étendre aux entreprises ferroviaires du privé, à imposer au patronat à négocier et améliorer la convention collective.
Patrice Perret