Le 21 avril 2012, Amine Bentounsi est recherché par la police pour n’être pas rentré d’une permission de sortie et est repéré devant un bar de Noisy-le-Sec. Il tente de fuir et est tué d’une balle de dos par le policier qui prétendra être en légitime défense.
Au bout d’un procès qui aura vu la défense s’effondrer sur elle-même, le policier Damien Saboundjian a été acquitté du meurtre d’Amine Bentounsi au nom de la légitime défense. Et comment pourrions-nous être étonnés ? Quel policier a été condamné pour les morts de Zyed et Bouna, d’Ali Ziri et de tant d’autres ?…
En réalité, avant même le début du procès, le policier avait bénéficié d’une requalification d’« homicide volontaire » à « violences volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l’autorité publique ». Pourtant, à nouveau, le déroulement du procès a été accablant pour le policier mis en cause. Son principal témoin, son ex-coéquipier, s’est ainsi rétracté et a admis avoir menti. Il s’est avéré que des témoins avaient vu le policier tirer sur Amine Bentounsi qui courait – et était donc de dos – et se trouvait à une dizaine de mètres. Les propos du policier, déjà peu vraisemblables, selon lesquels Amine Bentounsi se serait brusquement retourné sans raison au milieu de sa course juste avant de recevoir une balle dans le dos…
Lorsque ces témoins s’adressèrent au commissariat pour témoigner, le commissariat ne prit pas en compte ce témoignage et chercha à les dissuader. Ce fait est un des nombreux exemples dont l’institution policière couvre ses meurtriers…
Mais l’affaire Bentounsi présente une particularité : celle d’être allée jusqu’aux assises, devant un jury populaire, ce qui n’est pas le cas de la plupart des affaires de ce type. Amal Bentounsi, sœur du défunt et fondatrice du collectif Urgence Notre Police Assassine indiquait « surtout que c’est rarissime qu’un policier, quand il est traduit en justice, aille jusqu’aux assises. On est plutôt habitué aux non-lieux glaçants par lesquels se soldent généralement les affaires de crimes policiers… ». Cette défaite juridique devant un jury est d’autant plus terrible et significatif. Il s’agit d’un nouveau symptôme du racisme banalisé qui gangrène la société française et se conjugue parfaitement avec la glorification de l’irresponsabilité policière.
L’extension de la notion de légitime défense prônée par le gouvernement français n’est pas seulement une garantie juridique supplémentaire pour les policiers qui, de toute façon, n’en ont pas besoin pour échapper à toute condamnation. C’est avant tout un message politique légitimant encore plus fortement le droit de vie ou de mort d’un corps votant pour près de moitié pour le FN sur une population très majoritairement issue des quartiers et/ou de l’immigration.
Et cette semaine présente un raccourci saisissant : cet acquittement intervient quelques jours après la condamnation de 8 salariés d’Amiens pour avoir brièvement séquestré leur patron dans le cadre de leur lutte pour la défense de leurs emplois. Mais la concomitance de ces décisions n’est pas un hasard
L’Etat d’urgence est non seulement l’institutionnalisation du recul des libertés politiques. C’est aussi la légitimation politique du « dressage » que les dominants veulent imposer aux masses laborieuses et du droit de vie ou de mort, de la toute-puissance policière envers celles et ceux qui sont persécuté-e-s par le racisme systémique aujourd’hui en France.
Il est inconcevable d’avoir une politique de gauche digne de ce nom qui ne s’attaque pas frontalement aux violences policières et ne combatte pas l’état d’urgence, en premier lieu dans les mobilisations ce 30 janvier partout en France.
Suren