La Sécurité sociale de l’alimentation consiste à créer de nouveaux droits sociaux visant à assurer conjointement un droit à l’alimentation, des droits aux producteurs d’alimentation et la protection de l’environnement. Le débat continue avec le point de vue de Tanguy Martin, membre d’Ingénieurs sans frontières-Agrista/Collectif pour une sécurité sociale de l’alimentation.

Revivifier l’arbre de la sécu par l’ajout d’une branche alimentation

Par Tanguy Martin. Publié le 28 novembre 2023 par la revue Les possibles

En 2021 était votée la Loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « Egalim 2 ». On allait voir ce qu’on allait voir, les agriculteur·rices seraient mieux payé·es, les consommateur·rices pourraient manger sainement à leur faim, le capitalisme alimentaire en sortirait moralisé, et tout le monde serait rasé gratis. Patatras, en 2022 et 2023, l’inflation est repartie à la hausse, particulièrement pour le prix des denrées alimentaires. Et ce n’est pas dû qu’au prix de l’énergie, et certainement pas au relèvement des revenus des agriculteurs, qui n’a pas eu lieu. Entre fin 2021 et début 2023, le taux de marge des industries agroalimentaires est passé de 28 à 48 %. Ces marges ont aussi augmenté dans la distribution, par exemple de plus de 57 % pour les pâtes, la guerre en Ukraine a bon dos !

Le capitalisme profiteur de faim

« Pourquoi achèteraient-ils des oranges à vingt cents la douzaine, s’il leur suffit de prendre leur voiture et d’aller en ramasser pour rien ? Alors des hommes armés de lances d’arrosage aspergent de pétrole les tas d’oranges, et ces hommes sont furieux d’avoir à commettre ce crime et leur colère se tourne contre les gens qui sont venus pour ramasser les oranges. Un million d’affamés ont besoin de fruits, et on arrose de pétrole les montagnes dorées. […] Il y a là un crime si monstrueux qu’il dépasse l’entendement. »
John Steinbeck, Les raisins de la colère, 1939

 

La « main invisible du marché », quand elle charrie de la nourriture, peine encore et toujours à trouver le chemin pour la porter jusqu’aux lèvres du peuple. Et ce n’est pas restreint à la grande dépression si bien décrite sous la plume de John Steinbeck. Encore aujourd’hui, l’invasion de l’Ukraine par la Russie renforce l’insécurité alimentaire mondiale, alors que l’on produit assez pour nourrir une fois et demie l’humanité. Manque de chance, une partie de cette dernière n’est pas solvable, surtout lorsque des banques et des fonds d’investissement ont décidé de spéculer sur les grains.

C’est qu’en régime capitaliste, on produit de la nourriture, comme toute autre chose, pour faire du profit. Que celle-ci puisse finir dans le ventre de quelqu’un est un effet secondaire, presque heureux. L’agriculture capitaliste s’est désencastrée tant et si bien de la société et des écosystèmes, que même en France, grande puissance agricole et pays supposément « développé », un tiers des mangeurs peine à se « procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour »117ᵉ baromètre Ipsos / Secours Populaire : privations et peur du lendemain paru en 2023.

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Notes