Gilbert Achcar dénonce le fait que Netanyahu est devenu le chouchou de l’extrême droite mondiale. Celui-ci exonère ses nouveaux amis de l’accusation d’antisémitisme. En même temps, il concourt à accuser d’antisémitisme les militant·es de gauche qui critiquent les gouvernements israéliens pour leurs pratiques racistes coloniales envers les Palestiniens.

Quand l’accusation d’antisémitisme devient une arme entre les mains du néofascisme

Par Gilbert Achcar1Professeur, SOAS, Université de Londres. Publié dans le quotidien de langue arabeAl-Quds al-Arabi, le 2 juillet 2024.

Les Arabes sont habitués à être accusés d’antisémitisme chaque fois que les sionistes et leurs partisans sont incapables de réfuter leur critique de la réalité de l’État d’Israël et de son comportement colonial oppresseur.

Les critiques d’origine juive du sionisme sont d’ailleurs eux-mêmes habitués à être soumis à la même calomnie, avec une sévérité accrue puisque les sionistes les considèrent comme des « traîtres » ou les accusent de « haine de soi » selon la logique raciste qui veut que tout Juif devrait être sioniste (la même logique qui prévaut chez ceux dont l’hostilité au sionisme sert de mince voile à une position raciste hostile aux Juifs dans leur ensemble).

Ce qui est nouveau ces dernières années, c’est l’élargissement du champ des personnes accusées d’antisémitisme pour y inclure un large éventail de critiques de gauche de l’État d’Israël, dont la position critique s’inscrit dans une longue histoire politique et qui, durant des décennies de critique des gouvernements israéliens pour leurs pratiques racistes coloniales envers les Palestiniens, étaient convaincus de partager cette position avec les Juifs israéliens de gauche.

Ce changement a accompagné une dérive croissante de la scène politique mondiale vers la droite et l’extrême droite, dérive propulsée et stimulée par cette dernière.

Benjamin Netanyahu en a été un pionnier.

Le premier ministre sioniste est, à plus d’un titre, un pionnier de l’extrême droite mondiale. Il a notamment joué ce rôle après son retour au pouvoir en 2009 et sa longévité au gouvernement, établissant le record de durée du mandat de premier ministre de l’État d’Israël, ayant occupé ce poste pendant plus de douze ans jusqu’en 2021, avant de revenir et le réoccuper à partir de la fin de 2022.

Au cours de ces années, Netanyahu a été un modèle pour l’extrême droite mondiale par son opportunisme éhonté, sa capacité à mentir sans vergogne, son recours sans scrupules aux méthodes politiques les plus viles contre ses adversaires israéliens et son aptitude sans précédent à surenchérir sur tout le monde dans l’excommunication sioniste des adversaires, qu’il a transformée en arme idéologique de prédilection.

Netanyahu est devenu le chouchou de l’extrême droite mondiale, non seulement en tant que modèle, mais aussi en raison de ses efforts assidus pour laver ses camarades du monde entier de l’accusation d’antisémitisme et l’attacher à ceux qu’ils haïssent.

Cela a bien cadré avec la coïncidence entre la montée de l’extrême droite à l’échelle mondiale et la montée de l’islamophobie, en conséquence de la combinaison entre l’hostilité raciste envers les immigrants provenant de pays à majorité musulmane et l’idéologie de la « guerre contre le terrorisme » stimulée par les attentats criminels menés par Al-Qaïda et Daech dans le Nord mondial.

Dans son effort pour exonérer de l’accusation d’antisémitisme les sources de l’antisémitisme traditionnel à l’extrême droite afin de rejeter cette même accusation sur tous les critiques du sionisme, Netanyahou est allé jusqu’à tenter d’absoudre partiellement Adolf Hitler lui-même de la responsabilité de la perpétration du génocide des Juifs européens, en attribuant cette responsabilité à Amin al-Husseini d’une façon qui a suscité la protestation et la dénonciation de tous les historiens de la Shoah.

L’intention de Netanyahu n’était pas seulement d’amplifier l’hostilité raciste envers les Arabes et les musulmans à travers le personnage d’Al-Husseini, argument favori de la propagande sioniste pendant plus de quatre-vingts ans en raison du mal qu’il a fait à la cause palestinienne en collaborant avec l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste pendant la Seconde Guerre mondiale. L’intention du premier ministre israélien était également d’exonérer l’extrême droite européenne antisémite à travers le personnage de Hitler.

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Notes
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    Professeur, SOAS, Université de Londres