Oleg Orlov, célèbre militant russe des droits de l’homme, l’un des fondateurs de Memorial (lauréat du prix Nobel de la paix en 2022), est resté en Russie après le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, tout en s’opposant activement à la guerre. Depuis le mois de juin, il est jugé comme récidiviste pour la publication d’un article intitulé « Ils voulaient le fascisme, ils l’ont eu », publié en novembre 2022, sur le blog de Mediapart et sur sa page Facebook. Le 11 octobre, se tenait la 7ᵉ audience du procès intenté contre lui pour « discrédit répété » de l’armée.
« Dernier mot » d’Oleg Orlov dans son procès pour « discrédit » de l’armée russe
Par Mémorial France1https://memorial-france.org/, le 11 octobre 2023
À Moscou, lors de la 7ᵉ audience dans le procès intenté contre lui pour « discrédit répété » de l’armée, Oleg Orlov a été reconnu coupable et condamné à une amende de 150 000 roubles. Il risquait jusqu’à 3 ans de prison ferme.
Dans son « dernier mot », le défenseur des droits humains, lauréat du Prix Nobel de la Paix 2022 a déclaré qu’il ferai appel quelque soit la condamnation, car : « Car toute condamnation dans cette affaire, qu’elle soit cruelle ou légère, constituera une violation de la Constitution russe, une violation des règles de droit, une violation de mes droits. »
Voici l’intégralité de son « dernier mot » avant le retrait de la cour pour délibération :
Pour commencer, je voudrais rappeler qu’un grand nombre de mes compagnons ont été punis très sévèrement condamnés à de nombreuses années d’emprisonnement pour s’être exprimés, pour avoir protesté pacifiquement, pour avoir dit la vérité.
Souvenons-nous d’Alexeï Gorinov et de Vladimir Kara-Murza, qui sont actuellement tués à petit feu, placés dans des cellules disciplinaires. Souvenons-nous d’Alexandra Skochilenko, dont la santé est délibérément mise à mal dans un centre de détention. Souvenons-nous d’Igor Baryshnikov, gravement malade, à qui le tribunal a refusé d’assister sous escorte aux funérailles de sa mère, et qui est maintenant lui-même privé de soins médicaux. Souvenons-nous de Dmitri Ivanov, d’Ilya Yashin, de tous ceux qui ont été condamnés à de longues années de captivité pour avoir protesté contre la guerre.
Dans ce contexte, la peine requise par l’accusation à mon encontre semble extrêmement clémente. Il semblerait, après tout, que payer un si petit prix pour avoir exprimé une position que je crois vraie n’est pas cher payé. Mais non. En cas de condamnation, nous ferons appel. Car toute condamnation dans cette affaire, qu’elle soit cruelle ou légère, constituera une violation de la Constitution russe, une violation des règles de droit, une violation de mes droits.
Je n’ai aucun remords !
Je ne me repens pas d’avoir fait des piquets anti-guerre, ni d’avoir écrit l’article pour lequel je suis en procès. Ma vie passée ne m’a pas laissé d’autre choix. Je ne peux que me rappeler la devise préférée de mon mentor, le grand défenseur des droits de l’homme Sergueï Adamovitch Kovalev, une devise formulée par les penseurs romains : « Fais ce que tu dois et advienne que pourra ».
Je ne me repens pas non plus de ne pas avoir quitté la Russie. C’est mon pays, et je pensais que ma voix serait plus forte depuis ici. Et maintenant, grâce aux efforts conjoints de la police politique, de l’enquête, du bureau du procureur et du tribunal, mon modeste petit article de presse a reçu une publicité dont je n’aurais jamais pu rêver.
Je ne me repens nullement pour les nombreuses années que j’ai passées au sein de Memorial, à œuvrer pour l’avenir de mon pays.
Il peut sembler aujourd’hui que « tout s’est effondré ». Il peut sembler que tout ce que moi, mes amis et mes collègues avons fait a été détruit et que notre travail n’a servi à rien.
Mais ce n’est pas le cas. Je suis persuadé qu’il ne se passera pas beaucoup de temps avant que la Russie n’émerge de l’obscurité dans laquelle elle est aujourd’hui plongée. Et si cette sortie est inévitable, c’est en grande partie grâce à ceux de Mémorial ainsi qu’à tous nos amis et collègues de la société civile russe, que personne ne pourra anéantir.
[…] Lire la suite de la déclaration d’Oleg Orlov…
Notes
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