C’est lors du Grenelle de l’environnement qu’émerge l’idée d’une « réduction de moitié des usages des pesticides en accélérant la diffusion des méthodes alternatives ». Les services de l’État se mettent au travail et lancent en 2008 le plan décennal « Écophyto 2018 ». L’objectif était ambitieux puisqu’il avait vocation à généraliser les meilleures pratiques agricoles économes en pesticides, à réduire (d’ici 2018) de 50 % l’usage des pesticides au niveau national.
Dès le départ, un certain nombre de voix s’élèvent sur la nécessité, pour arriver à ce résultat, de changer la logique du système en place. Et d’expliquer que des mutations fondamentales s’imposent, par exemple dans l’approche curative reposant sur les pesticides, plus encore dans la formation et l’encadrement de l’agriculture. Un changement de paradigme donc qui nécessite une réorientation des modes d’exploitation agricole comme l’abandon de la recherche des rendements maximums avec utilisation de variétés productives, la monoculture, les rotations de plus en plus courtes, les fertilisations azotées surabondantes, etc.
Ces voix ne sont manifestement pas entendues.
En décembre 2014, vient d’être publié le rapport des données 2013, important puisqu’il permet une vision à mi-parcours de l’efficacité du plan. Il faut se rendre à l’évidence, les résultats en sont mauvais.
En matière agricole, il faut admettre qu’en 2013, les conditions climatiques n’ont pas été terribles. Le printemps, exceptionnellement humide, a favorisé la prolifération de champignons, de limaces et mauvaises herbes. Ces conditions ont certainement favorisé le développement des parasites et donc l’utilisation de produits phytosanitaires. Mais ces raisons semblent insuffisantes : en 2012, malgré une pression parasitaire tout aussi élevée, l’indicateur de suivi du plan NODU avait baissé (– 6 %) pour la première fois. Plus grave, en moyenne triennale glissante, le NODU augmente de 5 % entre la période 2009-2010-2011 et la période 2011-2012-2013.
Dans les zones urbaines (jardins publics, cimetières…), l’utilisation des produits phytosanitaires a baissé de près de 8 % en 2013 et de 3,4 % depuis 2009. Il est vrai que de nombreuses collectivités locales essaient de changer leurs pratiques avec le désherbage thermique par exemple. Mais la pression des électeurs est forte, tant la confusion entre « mauvais entretien » et « mauvaises herbes » est répandue. Soit il faudra fournir de « l’huile de coude » pour les éradiquer, soit admettre que la présence de « mauvaises herbes » n’est pas dramatique sur un trottoir. En tout cas, les maires devront être plus fermes, surtout si la ministre Ségolène Royal interdit, comme elle envisage de le faire, l’usage des pesticides dans les jardins publics fin 2016.
Pour ce qui est de l’impact sur l’eau, rien de bien important ne ressort de cette évaluation d’étape. Juste l’annonce de la construction en 2013 d’un indicateur d’évolution de la présence de ces produits et de leurs résidus dans les cours d’eau !
Devant l’échec de ce plan Écophyto 2018, le Premier ministre a confié en 2014 au député Dominique Potier une mission de réflexion sur les moyens de « donner un nouvel élan » à une politique qui pour l’instant repose uniquement sur les exemples vertueux et le bon vouloir des exploitants agricoles. Ce nouveau rapport a été remis en novembre 2014. Malheureusement, lui non plus ne comporte pas de mesures contraignantes.
Une fois de plus, on se rend bien compte que ce qui est, en jeu dans cette affaire c’est le poids des grandes entreprises chimiques et le mode productiviste de notre agriculture. Un autre système doit être mis en place pour protéger la planète et ses habitants !
René Durand